Lettre d’opinions (2)

Ce billet constitue la suite de celui-ci dans lequel différents protagonistes échangent des points de vue à propos du vécu professionnel des enseignants dans les écoles du Québec…


Mise à jour du 23 mars 2004 : Lettre-réponse de Jean Archambault
Monsieur Bellemare,
Sauf le respect que je vous dois, s’il vous plaît, arrêtez de me les casser avec votre discours de vierge éplorée! Je vais vous lancer un petit 10 jours dans une salle de rédaction d’un journal juste pour voir comment vous vous débrouillerez! L’école, l’enseignement demande une certaine formation universitaire, je vous le rappelle, pour y opérer quelque intervention professionnelle. J’ai trois choses à vous dire:
– Il y a 20 ans, je faisais des conférences sur le stress des enseignants au colloque de l’Alliance des professeurs de Montréal. Avec les ateliers sur le changement de carrières, les miens étaient les plus courus, à l’époque! (L’Alliance me demandait même de les répéter) Les plus courus par des profs qui sont néanmoins restés là. Alors, votre petit discours sur la perte des enseignants et les burnout à 50%, c’est un discours démagogique qui ne s’avère pas.
– Je sens dans votre ton un petit quelque chose de réactionnaire. Les devoirs pas faits, les parents qui n’éduquent plus, les jeunes qui se bousculent, les gentils profs qui veulent faire de la pédagogie mais qui ne le peuvent pas parce qu’ils doivent faire trop de discipline! Voulez-vous bien me dire d’où vous venez? De l’Ile des soeurs? Ah bon! Vous ne connaissez pas les profs de Lucien-Pagé, de Jeanne-Mance, de Pierre-Dupuy, de Louis-Joseph-Papineau qui ont du plaisir avec leurs élèves et qui réussissent ? Ben, voilà le truc: ils n’essaient pas de les faire tenir tranquilles ( ça, ça marchait il y a 35 ans alors que j’étais élève au classique!), pas plus que de « passer leur matière ». Ils s’intéressent à leurs élèves, qu’ils aient fait leurs devoirs ou non, que leurs parents les aient aidés ou non!
– La profession d’enseignant est difficile. Partout au monde, on considère que ça prend au moins 5 ans pour s’y faire, même si on a été formé à l’université pour le faire! Mais ne me faites pas brailler! Vous comparez-vous à un jeune résident en première année de pratique, en médecine? Avez-vous déjà travaillé dans un bureau d’avocats, comme nouveau ? Avez-vous déjà fait de la thérapie, seul avec un patient, en sortant de l’université? C’est difficile, la première année, les premières années! Pas seulement en enseignement.
Continuez à ne pas voir comment sont les jeunes, continuez à croire qu’ils sont tous pareils et qu’ils doivent arrêter de se bousculer dans les corridors, continuez à penser que c’est de la faute de leurs parents qui ne les aident pas, continuez à voir ça comme ça et vous êtes sur la bonne voie pour vous brûler.
Mais si vous avez envie de savoir ce que les jeunes connaissent, savent, ce qu’ils sont, et que vous voulez sincèrement partir de cela pour les faire progresser, vous y êtes! Et à mon avis, c’est le lot d’une bonne majorité de profs, ici, au Québec! En tout cas, ce sont les profs que je rencontre, moi, dans ma pratique.

12 Commentaires
  1. Photo du profil de FrancineRaymond
    FrancineRaymond 18 années Il y a

    Après avoir pris connaissance de votre correspondance, j’ai pensé y ajouter mon petit grain de sel. Enseignante depuis 1973, les choses ont, bien sur beaucoup changé! Mais voilà!
    Ma carrière est composée d’une série de hauts et bas, mais n’en est-il pas de même pour tous? Au secondaire depuis 1991, j’en ai rencontré des jeunes, beaucoup de jeunes. Monsieur Bellemare, vous généralisez. À vous écouter, tous les jeunes (ou presque) sont des ratés et la majorité des parents en sont de « mauvais », coupables qu’ils sont d’avoir élevé un « enfant-roi »!
    Et bien monsieur, des jeunes il y en a de toutes sortes; des bons, des gentils, des paresseux, des intelligents. Ne peut-on en dire autant de notre société? N’êtes-vous pas un peu exigeant? Il ne faut pas oublier que les adolescents ne sont pas de minis adultes, ce sont des êtres humains en voie de devenir des adultes! Vous n’avez jamais fait l’école buissonnière, négligé vos devoirs, parlé en classe, été impoli avec un enseignant! Vous avez oublié votre jeunesse?
    Je dois avouer que je suis très chanceuse. Depuis 8 ans, je travaille exclusivement avec de jeunes décrocheurs (1 ou 2 groupes). Certains sont faibles, certains accusent un retard important, certains sont paresseux, c’est vrai mais je les AIME et je les RESPECTE. Je n’oserais jamais les traiter de délinquants!
    Et oui, Ils ne font presque jamais leurs devoirs, plusieurs travaillent le soir. La plupart n’ont pas une grande estime de soi. Quel est mon rôle? Passer de la matière? Non. Les mettre en situation de réussite? Oui. La matière suivra. Et leurs parents? Ils jouent un rôle effacé. Pourquoi? Parce que je désire responsabiliser mes jeunes. Des enfants-rois? Possible! Mais une attitude vite abandonnée lorsqu’elle ne rapporte pas! Il ne faut pas en faire une montagne!
    Toutefois, je suis tout à fait d’accord avec vous! Il faut réduire le nombre d’élèves par enseignant. Si, comme moi, chaque enseignant n’avait qu’un ou deux groupes, imaginez ce qu’il pourrait accomplir! Mais même avec un seul groupe, il faut d’abord et avant tout aimer et respecter nos jeunes, monsieur Bellemare, même les plus dérangeants! Il faut croire en eux!
    La profession d’enseignant n’est pas toujours facile. Mais quel métier l’est? Quant à moi, cela fait partie du challenge. Et combien valorisant lorsqu’un élève après un examen, ému aux larmes, nous admet qu’il n’a jamais eu 70% pour un examen de math de sa vie ou encore qu’il a décidé d’aller au CEGEP! Et, monsieur, un seul commentaire comme celui-là me suffit à moi!
    Aujourd’hui plus que jamais, un enseignant ne doit pas penser que son rôle se résume à transmettre de la matière. Sa tâche requiert de lui qu’il soit aussi éducateur, psychologue, confident et souvent plus encore!
    Si vous voulez changer le monde, faites-le, petit à petit. Et vous verrez, c’est contagieux. Pas besoin d’un ministre de l’éducation pour faire ça!

  2. Photo du profil de SergeBellemare
    SergeBellemare 18 années Il y a

    M. Archambault, Mme Raymond,
    Hier encore la Presse titrait CATASTROPHE à la une, c’est de ce genre de constat que je pars, je mentionne spécifiquement que je ne blâme pas les parents je ne blâme pas non plus les jeunes.
    J’aime le métier, j’aime les jeunes et j’ai avec eux une excellente relation; je dis seulement qu’on n’a pas aidé les choses en permettant la création du réseau d’écoles Internationales en même temps qu’on poussait à fond l’intégration.
    Je précise également qu’il s’agit d’un problème de société et donc que c’est ensemble qu’il faut s’interroger.
    Je ne dis pas que mon point de vue est le seul valable mais je reçois de très nombreux témoignages et souvent d’assez haut pour me dire que mes propos sont justes.

  3. Photo du profil de SergeBellemare
    SergeBellemare 18 années Il y a

    Bonsoir Madame Raymond,
    Je suis parti en croisade pour interpeller les décideurs parce que ce sont les décideurs qui ont permis l’intégration asymétrique en ouvrant les classes internationales et en poussant l’intégration; chez nous en tout cas c’est la catastrophe. Les meilleurs ont été retirés et c’est tous les autres ensemble alors c’est pas facile à gérer. Par chance j’y arrive assez bien moi-même, mais je vous dis sincèrement que je rencontre tellement de prof jeunes et vieux qui sont découragés, vraiment.
    D’autre part il ne se fait plus grand chose à la maison en terme d’étude, etc. ça peut jouer de très mauvais tour, mais c’est un problème de société, je donne une piste mais on peut en chercher d’autres ou dire bon c’est comme ça aujourd’hui, point.
    J’ai une attitude moderne et positive face aux jeunes la même dont vous parlez mais cela n’empêche pas de constater des choses. Par exemple, graduellement ce sont installés dans nos école barreaux, caméras, policiers en permanence; la drogue est chaque année plus présente, etc. On peut dire: « aujourd’hui c’est comme ça » ou ouvrir le débat et ne pas le fermer tant qu’on a pas une solution.
    Vous avez vu passer l’enquête dans le Journal de Montréal avec des témoignages de partout pour confirmer que les choses ont changer et des témoignages de tant de profs qui aiment le métier, comme moi je vous le garanti, aucune contradiction ici.
    Moi je dis qu’il y a péril en la demeure, mais je suis près à entendre tous les points de vue; je commence à percevoir une autre façon de voir les choses mais ça n’efface pas certains faits.

  4. Normand Péladeau 18 années Il y a

    Cher monsieur Archambault,
    Que l’on partage ou non la position exprimée par monsieur Bellemare, il me semble tout à fait légitime qu’il puisse exprimer sa position critique. Je comprends cependant un peu votre exaspération puisque vous avez vous-même contribué à façonner notre système actuel d’éducation par vos efforts soutenus pour la mise en place de la présente réforme.
    La question de l’intégration des élèves en difficulté est bien importante et mérite qu’on s’y attarde. Cependant je suis d’avis qu’un danger plus grand encore nous guette et risque d’empirer la situation dans les années à venir. C’est la raison pour laquelle j’aimerais profiter de cette occasion pour vous interpeller publiquement aujourd’hui en tant qu’acteur privilégié de la réforme et promoteur de ces changements.
    Ce qui m’inquiète c’est que la réforme qui nous est proposée depuis plusieurs années déjà s’appuie essentiellement sur des arguments d’ordre idéologique et, en dépit de tout ce que l’on a pu dire, est dénuée de fondements scientifiques ou empiriques justifiant d’entreprendre de tels changements.
    En fait, les études issues de recherches scientifiques et d’évaluations empiriques effectuée sur des tentatives de réformes très semblables suggèrent plutôt que la réforme met de l’avant des changements qui sont non seulement peu efficaces mais qui risquent d’augmenter l’échec scolaire et diminuer les apprentissages. Je me contenterai de citer que quelques éléments (trois points principaux) et références pour illustrer mes propos.
    1. L’échec de modèles pédagogiques semblables à ceux de la réforme
    Comme l’on très bien démontré, Mario Richard et Steve Bissonnette dans un article de la revue Vie Pédagogique…
    Richard, M. & Bissonnette, S. (2001). Le danger qui guette la réforme de l’éducation québécoise confondre les apprentissages scolaires avec les apprentissages de la vie. Vie Pédagogique, Vol. 123 (avril-mai) (http//www.viepedagogique.gouv.qc.ca/numeros/123/vp123_45-49.pdf).
    …des interventions très semblables à celles proposées dans la réforme on été entreprises aux États-Unis et elles se sont soldées par des résultats négatifs (détérioration des apprentissages, augmentation des échecs scolaires, etc.). Ils y mentionnent en autres le projet Follow-Through qui est la plus importante expérimentation jamais réalisée en occident sur l’efficacité des méthodes pédagogiques (le coût du projet a été estimé à environ un demi-milliard de dollars). Ils y mentionnent également d¹autres études importantes qui soulèvent également des doutes sur l’efficacité des changements proposés dans la réforme actuelle.
    2. Les problèmes de la réforme du canton de Genève, qui a servi de modèle à notre réforme.
    C’est un fait bien connu que la réforme de l’éducation au Québec s’appuie en bonne partie sur une réforme semblable entreprise dans le canton de Genève en Suisse. D’ailleurs, plusieurs promoteurs de cette réforme sont venus ici en tant que consultant auprès du ministre et ont participé au débat (présentations, ateliers, articles dans Vie Pédagogique, etc.). Le 16 Mars 2001, le magazine Zone-Libre présentait un reportage sur la réforme québécoise (http//radio-canada.ca/actualite/zonelibre/01-03/reforme.html).
    Ce reportage faisait référence à cette réforme entreprise dans le canton de Genève et présentait des extraits vidéos tournés en classe, auprès de parents d’élèves fréquentant ces écoles. On pouvait également y voir une entrevue avec Norberto Bottani, directeur du service de la recherche en éducation au canton de Genève, qui laissait sous-entendre l’existence de certains problèmes mis en lumière par une évaluation des résultats scolaires des élèves. Il serait trop long de résumer ici l’ensemble des faits mis en lumière par cette étude. En 2001, j’en ai fait un court résumé que vous pouvez télécharger à partir du lien suivant, http//www.simstat.com/Geneve.pdf
    Le rapport complet est quant à lui disponible à partir de,
    http//www.geneve.ch/sred/publications/docsred/1999/Changement.pdf
    En résumé, après deux ans d’intervention dans les écoles pilotes de la réforme, les élèves de ces écoles ont vu leurs résultats se détériorer.
    Ces résultats décevants publiés en 1999 n’ont cependant pas empêché les promoteurs d’aller de l’avant dans l’application systématique de la réforme. En décembre 2003 était publiée une enquête auprès des enseignants du canton de Genève. Ces résultats sont accessibles à partir de l’adresse suivante, http//www.geneve.ch/dip/etude_enseignants.html
    Voici quelques points saillants de cette enquête:
    – 87% des enseignants considèrent que les changements montrent difficilement leurs avantages
    – 84% sont en désaccord avec l¹affirmation selon laquelle les changements permettront de réduire l¹échec scolaire
    – 51% croient que les changements renforcent la sélection parmi les élèves.
    – 30% seulement croient que la réforme améliore leur pratique.
    Qu’en est-il ici?
    3. Le peu de données dont on dispose ici et le cas de l’école Bienville
    Ici au Québec, il y a également eu des projets pilotes avant l’implantation systématique de la réforme au primaire. Il n’y a cependant pas eu d’évaluation systématique des effets des écoles ciblées sur la performance académique ou la réussite scolaire. Il y a bien eu le rapport Carbonneau sur ces écoles pilotes, mais ce rapport n’était pas une étude évaluative avec une démarche scientifique mais plutôt une démarche informelle visant à documenter les réactions à l¹implantation, les irritants, les difficultés rencontrées par les enseignants, et ainsi de suite.
    A cette époque, j’ai tenté de contacter des gens au ministère, des responsables de commissions scolaires pour savoir s¹ils avaient des données qui leur permettaient de porter un jugement sur l’efficacité des changements mis de l’avant dans ces écoles pilotes. La plupart n’ont pas vu la nécessité de mesurer ces effets et avouaient ne pas disposer de moyen pour faire une telle évaluation. Plutôt inquiétant compte tenu de ce que l’on sait des études américaines et de l’expérience de Genève.
    Malgré ce fait, j’ai pu mettre la main sur des données sur une de ces écoles, en l’occurrence l’école Bienville à Montréal, école que vous connaissez fort bien puisque vous êtes vous-même conseiller pédagogique pour cette école depuis de nombreuses années. Je ne pouvais mieux tomber puisqu’il s’agit sans aucun doute de l’école modèle de la réforme (par exemple la revue Virage vol. 3, no 2, publiée par le MEQ). Or, les données administratives de la CSDM montrent que, depuis 1997, moment où l’école a amorcé des changements dans le sens de la réforme, le taux de réussite aux examens n’a cessé de diminuer. En juin 2000, pour la première fois, l’école Bienville se situe au dernier rang des écoles de la commission scolaire. C’est en fait une des écoles ayant connu le pire taux de détérioration à la CSDM (voir Rapports Annuel d¹Évaluation de la CSDM 1999-2000).
    Difficile d’évaluer si ces résultats désastreux n’étaient que temporaires puisque les résultats de l¹école Bienville pour juin 2001 n¹ont jamais été transmis à la CSDM. L¹école se soustrait ainsi au classement des écoles (voir Rapports Annuel d¹Évaluation de la CSDM 2000-2001). Une conversation téléphonique avec Pierre Malano, responsable de l¹administration des examens institutionnels de la CSDM m¹a confirmé que l¹école Bienville avait bel et bien reçu et administré les examens institutionnels, mais que les résultats n¹avaient simplement pas été transmis à la commission scolaire. J’ai alors contacté la directrice adjointe de l¹école Bienville qui a refusé de me communiquer ces résultats ou de m¹expliquer pourquoi ces résultats n’avaient pas été transmis à la commission scolaire. Des contacts avec un professionnel ayant oeuvré à l’école Bienville m’ont cependant laissé croire que la situation, loin de s’être améliorée, s’était en fait détériorée davantage.
    J’ai moi-même soumis en novembre 2002 un article à la Revue des Sciences de l’Éducation écrit en collaboration avec Jacques Forget et Françoys Gagné et pour lequel j’attends toujours une réponse finale.
    Peladeau, N., Forget, J., & Gagné, F. (soumis pour publication). Le transfert des apprentissages et la réforme de l’éducation au Québec: Quelques mises au point. Revue des Sciences de l¹Éducation.
    Cet article s’appuie sur une recension des études scientifiques sur le transfert d’apprentissage pour démontrer que la notion de transfert utilisée par les promoteurs de la réforme de l’éducation au Québec négligent plusieurs notions fondamentales et font fit de données d’études importantes. J’en arrive à la conclusion dans cet article que les propositions mises de l’avant pourraient bien avoir comme conséquence d’augmenter les écarts entre les élèves les plus forts et les plus faibles, effets diamétralement opposés à ceux recherchés.
    Il ne s’agit ici que de quelques exemples de données empiriques qui permettent de soulever des doutes quant au bien fondé de la réforme actuelle. On nous répète depuis des années que cette réforme s’appuie sur des données d’études scientifiques et empiriques. Je n’ai malheureusement jamais vu l’ombre d’une de ces études, mais uniquement des opinions d’experts se citant mutuellement. Même le Conseil Supérieur de l¹Éducation admet l¹absence de données scientifiques pour appuyer la réforme. On peut lire à cet effet dans un rapport sur l¹organisation par cycles d’apprentissage publié en novembre 2002:
    « c’est beaucoup plus une philosophie qu’une démonstration scientifique rigoureuse accompagnant ce modèle scolaire et plaçant l’enfant au centre des apprentissages, qui nous permet de comprendre l’engouement dont il fait l’objet » (p.9)
    Quant aux études scientifiques existantes, le rapport fait des allusions à mots couverts aux effets négatifs observés et ce d¹une façon pour le moins laconique :
    « Dans l’état actuel des connaissances, tous les modèles de classes autres que la classe traditionnelle […] ont un rapport fragile avec l’efficacité des apprentissages » (p. 36)
    Si vous disposez d¹études en mesure de contrebalancer celles mentionnées ci-dessous, j’aimerais bien que vous puissiez les rendre publique pour que l’on puisse juger de leur réelle valeur. Par la même occasion, je suis convaincu que plusieurs personnes seraient très intéressées de savoir ce qui s’est réellement passé à l’école Bienville. Est-ce que vous avez des données pour nous permettre de croire que la situation s’est rétablie?
    Normand Péladeau

  5. Photo du profil de SergeBellemare
    SergeBellemare 18 années Il y a

    Bonjour,
    Je suis dans les tics la réforme et par-dessus la tête même si elle ne doit arriver au secondaire qu’en 2005. J’ai un site WEB interactif pour mes élèves, ils m’en produisent, je leur ai fait avoir un code d’accès sur notre Intranet, je viens de terminer un autre projet commun avec le prof d’histoire, j’intègre dans mes cours la matière des autres, je suis dans le coup ne vous inquiétez pas mais ça ne m’empêche pas de constater des choses que tous d’ailleurs ont constatées et ce depuis maintenant trop d’années.
    Je n’ai jamais dit que ça allait mal partout et si mes pauvres petites lettres ont un tel impact que des mesures soient prises pour tenter d’améliorer les choses, c’est quoi le drame.

  6. Jean Archambault 18 années Il y a

    Monsieur Bellemare,
    Je ne doute pas que vous ayez une relation intéressante avec vos élèves et que vous les placiez dans des situations qui leur permettent d’apprendre. Mais je constate avec vous que des enseignantes s’en sortent plutôt bien, malgré les difficultés, de situations qui posent défi. Ce que je questionne, c’est votre interprétation des faits. Quand vous dites que vous constatez des choses, constatez donc aussi que vous interprétez à partir de vos biais. Et plus ces constatations ne concernent que quelques personnes proches de nous, plus les biais sont grands. Moins on n’exerce de jugement critique à l’égard des « faits », plus les biais sont grands.
    Vous traitez les titres des journaux, « Catastrophe » comme si c’était un fait. Avez-vous entendu la quirielle de personnes qui, toute la journée, on nuancé cette interprétation? Personne qui a réfléchi sérieusement à l’affaire ne la considère comme une catastrophe. Il s’agit d’un phénomène qui existe depuis fort longtemps et pas mal partout dans le monde! Mais voilà, les journaux se sont emparés de cela et l’ont monté en épingle.
    Que l’école se questionne sur sa capacité à faire apprendre tous les élèves, j’en suis. Il y a d’ailleurs actuellement une réforme sensée alimenter cette réflexion. Mais qu’on porte des jugements rapides comme ça, sans savoir et sans avoir analysé le phénomène, y a là un problème! Et moi, je me fierais davantage à Michel Janosz et à Roch Chouinard qu’aux journaux!
    Les temps changent. Ceux-ci portent leur lot de problèmes, comme mon temps et le vôtre en portaient. Il ne faut pas les nier, ces problèmes, il faut continuer à s’employer à les résoudre. Mais je me refuse à croire que les solutions de « dans mon temps » étaient nécessairement les meilleures. Je veux plutôt en trouver de nouvelles, appropriées aux problèmes actuels. Je pense par exemple aux devoirs. Se plaindre qu’on n’en fait plus à la maison et vouloir ramener les devoirs comme moi j’en faisais, petit, ça, jamais! Les devoirs, la majorité du temps, ne donnent à peu près rien! Pour souhaiter qu’il s’en fasse davantage, il faut entreprendre une réflexion solide sur l’apprentissage, sur l’utilité, la pertinence et la fonction des devoirs qu’on donne actuellement, sur le sens que l’on donne au travail personnel et sur la vie des jeunes aujourd’hui.
    Je n’ai rien contre votre démarche. Vouloir faire changer les choses est légitime et prendre les devants, s’engager, comme vous le faites, est louable. Ça demande même un certain courage. C’est une « transversale » que j’encourage. Mais ce sont, à mon avis, les contenus qui clochent. Je ne suis pas d’accord avec votre lecture des faits, pas plus qu’avec les solutions que vous proposez. Vous affirmez que vos propos sont justes et qu’on vous le dit. Je suis capable de vous donner des exemples qui font mentir vos propos. J’affirmerai plutôt que l’on doit toujours être nuancé. Et qu’il y a des raisons d’être optimiste.
    En effet, lundi prochain, le 29 mars, plus de 4000 intervenants (en majorité des enseignants) des écoles les plus défavorisées de Montréal se retrouveront au Palais des Congrès pour partager leurs bons coups. Surveillez les médias, ça va donner un grand coup!!! J’imagine qu’on y parlera d’autre chose que de catastrophe. Moi, ça me donne espoir. Ça me donne le goût de continuer!
    Cela dit, ces échanges me semblent fructueux. J’y apprends toujours beaucoup.

  7. Photo du profil de SebastienTremblay
    SebastienTremblay 18 années Il y a

    Monsieur Péladeau,
    Je prends quelques instants pour vous poser quelques questions concernant vos commentaires sur la prochaine réforme. Vous semblez à tout le moins critique…J’aimerais obtenir quelques informations sur ces quelques points…que j’ose bien humblement soulever…
    1- Vous donnez en exemple, tiré de Vie pédagogique, une étude américaine. Selon Vie pédagogique l’évaluation soumise aux jeunes, après les 4 méthodes analysées, semble orientée pour satisfaire les visées de l’enseignement traditionnelle. Moi aussi dans ma classe je peux faire réussir fortement les élèves avec l’aide d’un questionnaire basé sur l’enseignement traditionnel. Je crois que cette étude américaine révèle un biais important. Je me questionne sur la pertinence d’évaluer de la même manière les 4 approches. On pourrait simplement me répondre ici que les données à évaluer sont les mêmes pour les quatre approches. Est-il pertinent de ne pas remettre en question les données à évaluer ? Est-il juste et crédible de se baser sur les mêmes éléments pour les quatre approches ? Pour revenir à mes élèves… Je peux facilement leur montrer toutes les composantes d¹un ordinateur qui vont pouvoir me retranscrire par coeur sur une feuille d¹examen ou bien leur donner des outils pour réaliser des documents présentables pour les recherches à venir dans les autres cours de leur cycle. Si je posais des questions sur les composantes d¹un ordinateur, les derniers élèves échoueraient lamentablement.
    De plus, dans le même article, les auteurs sont plutôt favorables au développement de l¹enseignement explicite (que vous n¹abordez aucunement dans votre texte). Il appert que les stratégies de l¹enseignement explicite seront une des approches permettant aux enseignants de mieux travailler avec l¹enseignement des compétences. Que pensez-vous de cette approche ( bien qu¹il n¹existe aucune étude empirique permettant de la comparer justement avec les méthodes de l¹enseignement magistral et/ou traditionnel) ?
    2- J¹aimerais beaucoup jeter un coup d¹oeil sur les résultats de l¹étude de Genève. IL semble que les documents déposés en référence ne sont plus accessibles. Encore une fois vous relater : «les élèves de ces écoles ont vu leurs résultats se détériorer » . Mais que veut-on dire par se détériorer ? Est-ce que les évaluations étaient encore « construites » selon le modèle traditionnel ? Si c¹était le cas… je comprends que les résultats peuvent se « détériorer ».
    3- Finalement, concernant votre article (pour publication), plusieurs données m¹échappent afin de bien poser une question convenable. Si ce n¹est que je ne comprends pas votre intérêt pour les études empiriques (« On nous répète depuis des années que cette réforme s’appuie sur des données d’études scientifiques et empiriques »). Or, dans l¹enseignement traditionnel il était si facile des les obtenir ces données empiriques : une dictée en français = mesure de l¹orthographe… questions à choix multiples en histoire secondaire 4 = une connaissance des faits historiques… Mais comment évaluer la capacité de l¹élève à écrire un texte argumentatif de haute qualité ? Comment développer l¹esprit critique par rapport à la citoyenneté québécoise ? Je pense que de grands pas doivent être effectués en ce qui concerne les mesures d¹évaluation des compétences, non pas pour soutenir les mesures de la réforme, mais bien pour satisfaire les éternels intellectuels empiristes… Car il serait peut-être temps de retenir la qualité des études qualitatives dans l¹univers des recherches en éducation… Il en existe plusieurs concernant les bases et les effets du constructivisme.
    Au plaisir de partager avec vous encore une fois… le magnifique domaine de l¹éducation.
    P.s. Un petit mot pour monsieur Archambault, je serais présent à cette rencontre au Palais des Congrès

  8. Normand Péladeau 18 années Il y a

    1- Je crois que cette étude américaine révèle un biais important.
    L’avez vous seulement lu pour pouvoir faire une telle affirmation? Votre réponse laisse croire que non.
    Je me questionne sur la pertinence d’évaluer de la même manière les 4 approches. On pourrait simplement me répondre ici que les données à évaluer sont les mêmes pour les quatre approches. Est-il pertinent de ne pas remettre en question les données à évaluer ? Est-il juste et crédible de se baser sur les mêmes éléments pour les quatre approches ?
    Pour être plus précis, il y avait plus d’une vingtaine de modèles au départ regroupé en 3 groupes. De ce nombre, treize modèles pédagogiques ont été retenu et ont fait l’objet du rapport final d’évaluation (parce qu’ils avaient été implanté dans un nombre suffisant d’écoles pour pouvoir permettre une évaluation fiable des résultats).
    En fait, l’étude comportait des mesures permettant d’évaluer les effets correspondants aux différents modèles. Il y avait des mesures des habiletés de bases pour les modèles axés sur l’apprentissage des habiletés de base, des mesures pour l’évaluation des affects affectifs pour les modèles basées sur les interventions pédagogiques centrées sur ces aspects émotifs (estime de soi, motivation, etc.) et des mesures sur les habiletés de haut niveau (ex. résolution de problèmes) pour les approches cognitives dont les objectifs d’apprentissage se situaient à ce niveau.
    Plus important encore, le devis d’évaluation et le choix des mesures s’est fait avec l’accord initial des réprésentants des différents modèles après de longues négociations.
    De plus, dans le même article, les auteurs sont plutôt favorables au développement de l¹enseignement explicite (que vous n¹abordez aucunement dans votre texte). Il appert que les stratégies de l¹enseignement explicite seront une des approches permettant aux enseignants de mieux travailler avec l¹enseignement des compétences. Que pensez-vous de cette approche ( bien qu¹il n¹existe aucune étude empirique permettant de la comparer justement avec les méthodes de l¹enseignement magistral et/ou traditionnel) ?
    Ce qui m’intéresse avant tout c’est de voir quels sont les effets des interventions pédagogiques sur les élèves. Je serais prêt à faire la promotion du Fen Shui ou de la médiation transcendentale si on était en mesure de me prouver que ça a un effet positif sur l’apprentissage des élèves (et ce quelque soit les objectifs d’apprentissage que l’on se fixe).
    Pour ce qui est de l’enseignement explicite, je n’ai pas fait un recension des études sur ce modèle d’enseignement (les auteurs de l’article seraient sans doute mieux placé pour répondre à cette question), mais ce modèle partage plusieurs éléments que l’on retrouve dans le modèle d’enseignement direct, évalué dans le projet Follow-Through. Si vous faites une recension des études sur les techniques efficaces ou si vous regardez attentivement les méta-analyses sur les méthodes d’enseignement (celle de Walberg ou les études de Hattie), vous serez à même de constater que l’enseignement explicite reprend plusieurs des éléments identifiés comme favorisant l’apprentissage.
    2- J¹aimerais beaucoup jeter un coup d¹oeil sur les résultats de l¹étude de Genève. Il semble que les documents déposés en référence ne sont plus accessibles. Encore une fois vous relater : «les élèves de ces écoles ont vu leurs résultats se détériorer » . Mais que veut-on dire par se détériorer ? Est-ce que les évaluations étaient encore « construites » selon le modèle traditionnel ? Si c¹était le cas… je comprends que les résultats peuvent se « détériorer ».
    Le lien précisé pour cette étude est : http://www.geneve.ch/sred/publications/docsred/1999/Changement.pdf. Et il fonctionne parfaitement. Le rapport est assez volumineux (soyez patient et vous aurez le rapport complet).
    Il y a bien sûr des mesures plus traditionnelles. Après tout, on s’attend encore à ce que les élèves sachent lire et compter. N’est-ce pas? Ceci dit, je n’ai aucune objection à ce que l’on développe des mesures plus spécifiques permettant de mesurer des éléments propres à ce type de réforme. Sans ces mesures, comment savoir si l’intervention que l’on propose permet d’atteindre les objectifs que l’on tente d’atteindre. Encore faut-il les développer.
    3- Finalement, concernant votre article (pour publication), plusieurs données m¹échappent afin de bien poser une question convenable. Si ce n¹est que je ne comprends pas votre intérêt pour les études empiriques (« On nous répète depuis des années que cette réforme s’appuie sur des données d’études scientifiques et empiriques »). Or, dans l¹enseignement traditionnel il était si facile des les obtenir ces données empiriques : une dictée en français = mesure de l¹orthographe… questions à choix multiples en histoire secondaire 4 = une connaissance des faits historiques… Mais comment évaluer la capacité de l¹élève à écrire un texte argumentatif de haute qualité ? Comment développer l¹esprit critique par rapport à la citoyenneté québécoise ? Je pense que de grands pas doivent être effectués en ce qui concerne les mesures d¹évaluation des
    compétences, non pas pour soutenir les mesures de la réforme, mais bien pour satisfaire les éternels intellectuels empiristes…

    J’ai souvent entendu ce type d’argument. En fait, il existe déjà des outils d’évaluation pour développer des compétences comme l’esprit critique, la résolution de problème, etc., et rien n’empêche de développer des outils spécifiques pour évaluer des objectifs spécifiques à la réforme actuelle.
    Cependant, cela ne semble pas être important pour vous. Vous semblez suggérer que l’on a pas besoin de mesures d’évaluation pour soutenir l’enseignement dans le cadre de la réforme. Est-ce bien votre position?

  9. Steve Bissonnette 18 années Il y a

    Bonjour,
    Je prends un peu de temps pour répondre à vos questions;
    Je suis l’un des deux auteurs de l’article de Vie Pédagogique: Steve Bissonnette
    1. Le Projet Follow Through a évalué les données de 352 000 élèves sur une période de 10 années. Les données évaluées relèvent de l’académique, du cognitif et de l’affectif. Les tests choisis pour l’évaluation ont fait objet de consensus entre les différents concepteurs d’approches.
    Je me documente sur cette étude depuis plus de trois ans car cette recherche est unique en son genre ! Malgré ses limites au plan méthodologique, les résultats sont clairs! Les approches structurées de l’enseignement donnent de meilleurs résultats sur l’académique, le cognitif et l’affectif que les approches moins directives.
    Les conclusions de Follow Through ont été depuis fort longtemps confirmée! Les travaux de Brophy & Good et ceux de Rosenshine & Stevens publiés dans le Handbook on research on teaching de 1986 en témoignent! Toujours dans ces écrits vous trouverez monsieur Asselin des études expérimentales confirmant la supériorité de l’enseignement explicite face au traditionnel.
    De plus, un rapport publié par le Conseil des ministres de l’Éducation du Canada (C.E.C.M., 2003) sur l’enseignement et l’apprentissage des mathématiques, auprès des élèves de 13 et 16 ans en contexte canadien, révèle que : «En général, les activités en classe et l¹utilisation des ressources qui indiquent qu¹une approche structurée de l¹enseignement est employée (p. ex. : travailler sur des exercices du manuel, le personnel enseignant montre aux élèves comment effectuer des problèmes, donne des devoirs à faire) montrent des résultats plus positifs que celles qui reflètent un enseignement plus informel (p. ex. : travailler sur des projets, discuter de sujets autres que celui de la leçon et inviter des conférencières et conférenciers» Finalement, trois méta-analyses récentes concernant l¹apprentissage de la lecture (National Reading Panel, 2000), de l¹écriture (Gersten, Baker, 2001) et des mathématiques au primaire (Baker et al, 2002) confirment également l¹efficacité des approches pédagogiques centrées sur l¹enseignement, plus particulièrement celles préconisant un enseignement explicite.
    La littérature scientifique et sérieuse confirme l’efficacité d’un enseignement structuré et pointe les dangers des approches orientées vers la découverte et le constructivisme!
    Baker, S., Gersten, R., Lee, D.S., (2002). A synthesis of empirical
    research on teaching mathematics to low-achieving students. The Elementary School Journal. Vol. 103. No. 1
    Conseil des ministres de l¹Éducation du Canada (C.E.C.M. 2003).
    Apprentissage des mathématiques : Contexte canadien, Programme d¹indicateurs du rendement scolaire Mathématiques III 2001 (P.I.R.S.).
    Gersten, R., Baker, S., (2001). Teaching expressive writing to students with learning disabilities: A meta-analysis. The Elementary School Journal, Vol. 101, No. 3
    NATIONAL READING PANEL REPORT. (2000).

  10. Photo du profil de SebastienTremblay
    SebastienTremblay 18 années Il y a

    Re-le-bonjour,
    Tout d¹abord, je vous remercie grandement de l¹intérêt que vous portez à mes propos. Votre réponse plus que rapide est appréciée ! De plus, je m¹en voudrais de ne pas saluer également monsieur Bissonnette, qui dans son commentaire suivant mes propos, semble m¹éclairer drôlement sur les vraies définitions de l¹enseignement explicite et des nuances que nous semblons défendre de part et d¹autre.
    Je commencerais par souligner les conclusions de monsieur Bissonnette concernant l¹enseignement explicite. En ces temps d¹enseignement des compétences, il est plus que primordial d¹être transparent dans le comment faire (et surtout dans le quand le faire) et d¹insister aussi longtemps sur ces notions que sur les connaissances déclaratives. Du moins, c¹est mon avis. Je partage donc comme vous les ressources de l¹enseignement explicite (modelage, pratique guidée…). Cependant, je ne vois pas en quoi on pourrait détacher ces pratiques de quelques projets bien menés ou de subtilités pédagogiques émanant du socio-constructivisme. C¹est peut-être ici ce qui semble nous différencier …mon humble personne et monsieur Péladeau.
    En ce qui concerne les études et les recherches qui doivent sous-tendre les modifications au curriculum, loin de moi l¹idée qu¹il n¹en faut pas… Au contraire… mais je crois que l¹on doit regarder le spectre global des pistes de recherches et ne pas se camper uniquement dans des données empiristes. Bien entendu les Perrenoud, Merieux, Tradif, Viau, Barth, Delannoy sont sans doute des noms à proscrire dans une pensée empiriste. Mais pour moi les réflexions plus qualitatives ont également leur place dans notre éventail des recherches sur la pédagogie.
    En terminant, je voudrais redire que je suis particulièrement d¹accord avec vous concernant l¹enseignement par projet qui se vautrerait dans une absence de cohérence pédagogique (faire des projets pour faire des projets…parce que c¹est « in » de faire des projets). Cela n¹a pas nécessairement sa place… Toutefois, un projet, quelconque, bien mené, bien planifié, intégrant des notions de l¹enseignement explicite, rattaché à un contexte fort et signifiant pour les jeunes (se permettre à l¹occasion de sortir des problèmes du manuel de base) et évaluer de façon cohérente…. et bien ce projet mérite que l¹on s¹y attarde. Malheureusement, des projets de cette nature sont présentés dans des colloques sur Agir Autrement (dont je ressors à l¹instant) de façon informelle, qualitative et ne se retrouveront certainement pas dans des publications scientifiques…
    Merci de votre lecture…et toujours au plaisir…
    Sébastien

  11. Normand Péladeau 18 années Il y a

    En réponse au commentaire de monsieur Tremblay, j’aimerais dans une premier temps discuter de la notion de la recherche quantitative et qualitative. J’ai toujours défendu l’idée que ces deux traditions de recherches sont essentielles. J’ai moi-même fait des études qualitatives et j’ai même écrit un article en 1993 sur cette question de la complémentarité des approches:
    PÉLADEAU, N., & MERCIER, C. (1993). Approches quantitative et qualitative en évaluation de programmes. Sociologie et Société, vol XXV, no. 2, 111-124.
    Ceci dit, pour moi ces approches ont chacune leurs avantages et sont, pour cette raison, complémentaires mais ne peuvent se substituer l’une à l’autre. Pour cette raison, je ne peux personnellement accepter une méthode pédagogique qui ne serait basée uniquement que sur des recherches qualitatives et j’aurais de sérieux doutes à propos d’une approche pédagogique qui n’aurait basé ses conclusions que sur des données uniquement quantitatives. Par ailleurs, un des problèmes avec certaines propositions pédagogiques, c’est que malgré l’enthousiasme de ses promoteurs et parfois même des enseignants amenés à l’appliquer, les résultats quantitatifs semblent contredire les résultats d’études plus qualitatives. Que fait-on dans ces cas?
    Mon expérience me laisse croire que même lorsqu’on présente un grand nombre d’études avec des données quantitatives qui démontent l’innefficacité d’une approche ou même documentent des effets néfastes sur les élèves, ces recherches seront la plupart du temps ignorées. Le meilleur exemple c’est l’approche globale en lecture (« whole language », « Language Experience » etc.). La quantité phénoménale d’études sur la question ne laisse place à aucun doute: Cette méthode est très mauvaise pour apprendre la lecture. Pourtant cette méthode est encore la plus populaire aux États Unis et son influence est très marqué également sur les méthodes utilisées au Québec pour l’enseignement de la lecture en français. Plusieurs des promotteurs s’appuient justement sur des études plus qualitatives pour justifier l’importante de la méthode de « Whole Language ». Dans la mesure où les méthodes quantitatives ont systématiquement discrédité le « Whole Language », il n’est pas surprenant de constater qu’ils se sont fait les défenseurs d’approches qualitatives et qu’ils ont même, dans certains cas, remis en question les préceptes de la science.
    Quant à l’idée d’intégrer des éléments de projets, d’enseignement explicite, etc. Cela peut sembler tout à fait raisonnable et j’ai déjà défendu l’importance de faire des projets associés à d’autres types de pratiques pédagogiques. Le problème est qu’il y a certaines incompatiblités des modèles, des recommandations qui vont dans des directions différentes rendant la cohabitation difficile sinon impossible. Cette incompatibilité s’observe très clairement dans les derniers écrits de Tardif, particulièrement son livre sur les TIC ou il présente les deux grands paradigmes (le paradigme d’enseignement et le paradigme d’apprentissage). Outre le fait que l’utilisation du mot « paradigme » est clairement abusive et qu’il s’agit d’une simplification à outrance, sa démonstration est très manichéenne avec d’un coté les bonnes pratiques que l’on doit adopter et de l’autre côté les mauvaises pratiques que l’on doit remplacer. Bien des éléments de l’enseignement explicite et de l’enseignement direct sont ouvertement critiqués et rejetées par ce nouveau « paradigme de l’apprentissage » parce qu’ils appartiennent selon Tardif à l’ancien « paradigme de l’enseignement ». Le même type de raisonnement incompatible avec les modèles « instructivistes » se retrouve chez Perrenoud.
    Comme je le répète souvent: Le problème avec la réforme n’est pas dans ce qu’elle propose, mais dans ce qu’elle rejette, dans les pratiques qu’elle décourage.
    Un dernier exemple pour illustrer mes propos. Il y a quelques années, j’ai développé une activité pédagogique sur ordinateur dont l’objectif était de diminuer l’échec scolaire des élèves collégiaux dans le cours de méthodes quantitatives (le taux d’échec à l’échelle provinciale est d’environ 35% à 40%). Après trois tests pilotes dans trois de mes classes universitaires, j’ai expérimenté ma méthode avec 169 étudiants répartis dans 8 classes (4 professeurs différents). J’ai obtenus des résultats pour le moins impressionnants. Le taux d’échec des élèves ayant appliqué ma méthode a diminé à 1% contre 40% chez les autres élèves. Leurs résultat aux examens (conçus et corrigés par les profs) était de supérieurs et la rétention des apprentissages après 5 à 6 mois était aussi très supérieure (de 1 à 2 écart-types au dessus des autres élèves, ce qui est énorme comme écart).
    Pourtant, à la période où je faisais mes premières analyses sur la rétention et où je constatais mes résultats très encourageants, je lisais une déclaration de Marie-Françoise Legendre, conseillère au MEQ, dans la revue VIRAGE. Elle mettait en garde les professeurs contre une conception selon laquelle il serait possible d’enseigner une compétence en décomposant celle-ci en plus petites unités et en faisant un entraînement sur ces unités. Selon ses propos, la compétence doit s’apprendre et s’exercer nécessairement dans toute sa complexité et sa globalité. On retrouve cette même idée chez Tardif, Perrenoud et bien d’autres auteurs.
    Or ce qu’elle considère comme étant une mauvaise façon de faire, c’est précisément la stratégie que j’ai adoptée dans mon étude. Les étudiants échouent lorsqu’ils doivent accomplir des tâches complexes. Je leur ai donc donné les bases qui leur manquaient pour réussir ces tâches. J’ai présenté ces résultats à différents endroits, et si certains professeurs ont réagit très favorablement à mes propositions, il n’en était pas de même des conseillers pédagogiques qui, sans exceptions, se sont empressé de dénoncer ma technique comme mauvaise, dépassée, dangeureuse, etc. Et je ne parle même pas des didacticiens des maths.
    Le fait que j’ai réussi pour ces élèves à pratiquement éliminer l’échec scolaire dans ce cours ne semble pas avoir d’influence sur leur jugement. Ce n’est pas du tout compatible avec l’esprit de la réforme, donc, c’est à proscrire.
    J’ai aujourd’hui un peu abandonné l’idée de promouvoir la technique et les outils que j’ai développés, parce que le milieu de l’éducation ne semble pas réceptif à ce genre de propositions. Qui sait, le climat sera peut être plus favorable dans quelques années.
    Normand Péladeau

  12. bissonnette 18 années Il y a

    Dans un commentaire précédent, Monsieur Péladeau soulevait la question de l’école Bienville, une école pilote de la réforme. Les quelques résultats présentés par Péladeau sont désastreux !
    Ce sont actuellement les seuls résultats disponibles sur les écoles pilotes, ce qui est inquiétant!
    J’aimerais avoir des précisions à ce sujet en particulier de monsieur Jean Archambault.
    Steve Bissonnette

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