Passons à autre chose !

Rarement aura-t-on vu autant d’unanimité contre une mesure visant la communauté Juive sans pour autant prêter flanc à de l’antisémitisme. Juste retour des choses dans ce dossier du subventionnement à 100% d’écoles privées de communauté ethnique et culturelle, le gouvernement a fait marche arrière aidé par une mince majorité de commissaires d’écoles.
Quoi retenir de ce cheminement chaotique de la dernière semaine ?
Certains qualifieront tout cela de « bavure impardonnable« , d’autres diront tout simplement que nos dirigeants se seront fait servir « une leçon d’humilité« . Personnellement, c’est Michel Vastel qui décrit le mieux mon état d’âme. Dans une chronique publiée ce matin (dans les quotidiens du groupe GESCA, mais non-disponible sur le Web pour le moment*), il qualifie « l’aventure » de « cas type de mauvais lobbying ». Je suis de cet avis. Je comprends mal comment on a pu penser que « ça passerait » cette histoire. Le statut d’écoles associées ne pouvait qu’entraîner un ressac ne favorisant pas une meilleure intégration culturelle des jeunes juifs à la société québécoise. Les représentants de la communauté aurait du voir venir ce résultat, il me semble :
« C’est pourquoi un bon lobbyiste s’assure d’abord de l’humeur de l’opinion publique afin de suggérer aux dirigeants des solutions, pas de leur créer des problèmes…
Loin de moi l’idée d’excuser le gouvernement. Messieurs Charest et Reid doivent prendre LEUR part de responsabilités dans la mauvaise gestion de ce dossier; ils ont ignoré des avis pourtant accessibles qui auraient pu les aider à voir venir.
* Je me premets donc de publier le texte original sous l’hyperlien plus bas en attendant un hyperlien à venir !


Le Soleil
Opinions, jeudi 20 janvier 2005, p. A19
Un cas type de mauvais lobbying
Vastel, Michel
Il est toujours périlleux pour un gouvernement de faire preuve d’audace sans s’être d’abord assuré que le bon peuple le suivrait. C’est pourquoi un bon lobbyiste s’assure d’abord de l’humeur de l’opinion publique afin de suggérer aux dirigeants des solutions, pas de leur créer des problèmes…
L’affaire du financement des écoles juives, et sa gestion politique, seront peut-être un jour citées dans les manuels universitaires comme un modèle de tout ce qu’il ne faut pas faire. Toutes les personnes impliquées dans la décision – le premier ministre et son ministre de l’Éducation en premier lieu, les élus de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, les dirigeants des associations juives enfin – n’ont pas respecté la première règle de la démocratie, c’est-à-dire qu’ils ont agi au nom du peuple qui les a délégués dans leur poste d’autorité sans se soucier de son sentiment.
Le premier ministre et son ministre ont oublié qu’en régime parlementaire, leur pouvoir est issu d’une majorité d’élus. Jean Charest en particulier – qui n’est qu’un primus inter pares, le premier parmi des égaux – a eu tort de ne pas consulter son groupe parlementaire et l’ensemble de ses ministres. Un bon chef de gouvernement, comme se plaisait à le dire un ancien premier ministre de l’Ontario, Bill Davis, n’a pas besoin de sondages : il lui suffit d’écouter ses députés. Et l’opinion des 72 députés libéraux, pour ne rien dire des 46 péquistes et des 5 adéquistes, n’eût pas été fort différente de celle des Québécois : selon Léger Marketing et TVA, ceux-ci s’opposent à la gratuité totale des écoles privées.
Les commissaires scolaires de Marguerite-Bourgeoys – qui représentent surtout les quartiers de Ville-Saint-Laurent, Ville-Mont-Royal et Outremont, à forte population juive – ont commis une erreur en signant un contrat d’association avec cinq écoles privées juives. (Grâce à la conférence de presse de Jean Charest, mardi, on a appris que le système n’est pas si mauvais que cela puisque ce sont les élus locaux, et non le ministère de l’Éducation, qui prennent d’abord la décision.) Hélas pour eux, ils ne se sont pas davantage souciés de l’opinion de leurs électeurs puisque la levée de boucliers des parents les a obligés à faire marche arrière.
Enfin, bien qu’il ne s’agisse pas « d’élus », les dirigeants des associations juives qui réclamaient ce financement complet de leurs écoles – le B’naï Brith et « l’Appel juif unifié »(CJA) en particulier – ne sont guère plus représentatifs de leur base, les parents eux-mêmes. Certes, il est difficile, sinon impossible, de mesurer l’opinion de ces parents mais les témoignages concordent : les parents juifs ne sont pas différents des autres, ils acceptent de payer la fréquentation d’une école privée parce qu’ils veulent offrir à leurs enfants un enseignement qu’ils jugent différent, voire meilleur.
Il se trouve cependant que certains parents n’ont pas les moyens de payer à leurs enfants la fréquentation d’une école privée et ils dépendent alors de bourses ou de contributions des organisations juives comme la Fédération CJA. Notons tout de suite que cela peut arriver à des parents d’autres confessions et qu’eux aussi trouvent, ici ou là, un appui financier – par exemple dans une communauté religieuse. Ce ne sont donc pas les parents eux-mêmes que le gouvernement finance en annulant les frais de scolarité dans ces écoles privées, mais plutôt les organismes qui les financent. Et où iront les quelques millions de dollars que la Fédération CJA ne sera plus obligée de verser aux parents moins fortunés ?
Certains se sont étonnés de la puissance du lobby juif. Il n’a rien à voir avec ses contributions aux partis politiques, en passant. Son influence vient d’abord du fait qu’il s’agit d’un lobby bien organisé, quoique maladroit à l’occasion.
À Ottawa comme à Québec, et dans tous les Parlements, les organisations juives organisent, chaque année, une « journée parlementaire » au cours de laquelle ils visitent tous les députés et leur exposent leurs revendications. L’impact d’une telle journée à Ottawa est énorme et aucun chef de parti n’oserait s’y soustraire. Plusieurs autres organisations parrainent de telles « journées », mais aucune avec autant d’agressivité. Chaque année, la question du financement des écoles juives – et beaucoup d’autres ! – revenait donc sur le tapis à Québec.
L’erreur que les dirigeants de la communauté juive ont commise est de n’avoir pas suivi les enseignements du petit catéchisme du bon lobbyiste. Leurs conversations à Québec auraient dû leur faire comprendre que leur projet ne faisait pas l’unanimité, même pas à l’intérieur du groupe libéral. Il fallait donc préparer davantage les esprits. (À moins que ces leaders de la communauté ne se soient sentis tellement puissants qu’ils se soient contentés d’en parler aux deux seuls responsables de la décision, le premier ministre et le ministre de l’Éducation, soit deux libéraux sur 73, ou deux membres de l’Assemblée nationale sur 125. C’est un peu juste !)
La seconde erreur des dirigeants de la communauté juive est d’avoir agi seuls. En diverses occasions pourtant, il leur est arrivé de se lancer dans des campagnes interconfessionnelles ou interculturelles avec les leaders d’autres communautés. Dans le cas des écoles privées juives, ils auraient pu chercher l’appui de la communauté orthodoxe qui jouit déjà de ce privilège, voire de communautés musulmanes ou catholiques. Le débat eut alors pris une autre tournure.
Le gouvernement suspend donc sa décision, mais il ne serait pas bon qu’il recule complètement, et ce ne serait pas souhaitable tant l’image du Québec en souffrirait dans les médias du reste du Canada, toujours prompts à nous soupçonner d’antisémitisme. L’objectif de favoriser un rapprochement entre communautés culturelles et majorité laïque du Québec demeure.
Le débat, à la limite du dérapage tant il impliquait une minorité et une majorité qui ont toujours eu des rapports difficiles, sera ainsi « déconfessionnalisé ». Cela ne veut pas dire que le gouvernement est sorti d’embarras. Le débat portera maintenant sur l’opportunité de financer des écoles privées à 100 %. Si on en croit le sondage de Jean-Marc Léger, les Québécois y sont tout autant opposés !
Mvastel@lesoleil.Com

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