La complexité du réel à l’école

Les choses évoluent rapidement dans le virtuel depuis la semaine dernière. Les derniers arguments de cette conversation Web d’une vingtaine de réparties nous portent sur la thématique des transferts d’apprentissage. Nous sommes assez convergents sur l’objectif de former des élèves compétents, mais nous ne nous représentons pas les bonnes approches (celles qui fonctionnent, qui génèrent des apprentissages nourriciers) de la même manière. La conversation s’est transportée chez Charles-Antoine où un « nouvel intervenant » y est allé d’un commentaire percutant :

«Que les « théoriciens » qui se pourfendent depuis quelques mois nous parlent de leurs pratiques de classes concrètes, de leurs réussites, de leurs échecs. Lequel d’entre eux fait avec les étudiants réellement ce qu’il préconise de faire avec les élèves ? Dans ce type d’approche, je renvoie, quant à moi, dos à dos, les gardes rouges du socio-constructivisme comme ceux de l’enseignement explicite, ou traditionnel ou autre. La pratique n’est pas une application de la théorie hors d’elle-même, mais elle en est une suite théorique. C’est le minimum d’éthique que l’on puisse s’imposer !»

De leur côté, François et Gilles ont échangé des portions de réalité sur le thème de la mesure de la productivité de l’esprit. Au moment où Gilles ne peut se résoudre à accepter qu’on parle de fierté quand on fait couler des étudiants, François exprime ses craintes d’un pouvoir scientifique qui veut réduire l’apprentissage à une mesure mathématique.

Du côté de nos cousins Français, la parution de deux livres ont permis à Suzanne Bauer de « prouver que les thèses antipédagogistes n’étaient que des coquilles vides » et à François Galichet de montrer concrètement ce que signifiait « construire ses savoirs ». À ces deux occasions, tout comme dans plusieurs situations des derniers jours au Québec, il m’a semblé que la position des intellectuels ne les portait pas à composer avec la complexité du réel dans l’école. En se bornant à vouloir augmenter leur p’tit pouvoir sur les mentalités (et auprès des médias, disons-le), « ils ont du mal à trouver leur place dans la société en général, et jusque dans leurs classes», comme le dit si bien Suzanne Bauer.

Je prends pour exemple cet extrait « Du faux débat entre compétences et connaissances » d’Alain Dalongeville et de Marc-André Éthier paru en mai 2005 au Devoir :

«Il nous semble que, si des éléments de la réforme ont des adeptes, ce n’est pas parce qu’elle sacrifierait à la mode du socioconstructivisme et qu’elle viserait à distraire des vrais problèmes (comme les mauvaises conditions d’enseignement), mais bien parce qu’elle offre le potentiel […] d’aider les élèves à pouvoir réinvestir leurs savoirs dans des situations de leur vie quotidienne de citoyens et, dans certains cas, à éventuellement accroître à leur tour le corpus des connaissances scientifiques.»

Le réel à l’école, il passe par le besoin d’intéresser les apprenants, celui de créer l’enthousiasme et celui de faire naître la soif d’en savoir plus. Les enseignants et les étudiants ont des devoirs et des responsabilités pour ce faire. La réalité est composée de gestion de classe avec toutes les problématiques reliées à la violence, au mal de vivre et aux difficultés de se projeter dans l’avenir. Dans cet exemple de situation d’apprentissage vécue à l’École du Chêne bleu à Pincourt, on ressent bien que la complexité du réel à l’école a été gérée avec brio :

«On s’est mis dans la peau des gens qui vivaient à cette époque et nous avons appris beaucoup plus que si on avait lu les livres…», ajoute avec conviction Léo Raymond, un jeune un peu exubérant et extraverti à qui l’expérience a permis d’apprendre tout en bougeant, tout en s’impliquant et tout en dépensant son trop-plein d’énergie. (…) «On a appris que les gens travaillaient plus d’heures pour des salaires minimes… On a aussi appris qu’il a fallu contester l’ordre établi pour gagner des droits de la personne et la liberté pour les individus… On a appris que d’aller à l’école, ça donne plus de chances de réussir…», ajoute Jonathan Lavoie.

Je ne voudrais pas que les intellectuels cessent d’argumenter sur les théories d’apprentissage. Je sais qu’ils se considèrent comme responsables en nous faisant valoir leurs arguments. Je bénéficie grandement de l’éclairage qu’ils apportent. Mais la manie de plusieurs qui consiste à nier l’existence de ce qu’ils ne peuvent prouver me porte à croire qu’à force de crier « au loup », ils empêchent le progrès dans la RÉALITÉ de l’école. Je veux bien me garder de généraliser ce qui n’est pas encore prouvé, mais je refuse d’accorder du crédit à cette obstination de ne pas vouloir construire par le chemin de la pédagogie. Dans la classe, nous avons à composer avec le réel, qu’il soit explicable ou non!

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