Une opinion à propos du renouveau pédagogique

Sur ce blogue, il y a eu de nombreux échanges sur le sujet de la réforme de l’éducation depuis le début de mon aventure carnetière. Il m’arrive régulièrement de recevoir des courriels de gens qui avant tout aiment bien les échanges ici. C’est le seul point commun à ces messages parce que certains apprécient mon préjugé favorable au renouveau mais d’autres ont tendance à critiquer mes positions. De toutes façons, j’apprécie le sens critique des gens qui passent par ici et je ne me suis jamais caché pour dire que j’aimais bien les débats. Je ne crois vraiment pas qu’on peut avancer en éducation en imposant un message quel qu’il soit.

Tout ça pour dire que je prête mon carnet dans ce billet à M. Jean Poirier qui me faisait parvenir ce texte d’opinion la semaine dernière dans le but de créer une conversation (tout en me remerciant des échanges qui ont lieu ici). Je précise que je ne connais pas M. Poirier, d’ailleurs, je l’invite à se présenter lui-même s’il en a le goût. Après lui avoir suggéré de publier son courriel (ce qu’il s’est empressé d’accepter), je me suis dit que ce pourrait être intéressant que les lecteurs qui passent par ici puissent eux-aussi mettre leur grain de sel. Je vais sûrement écrire un petit message au blogue du Réseau pour l’Avancement de l’Éducation au Québec pour activer un peu la communauté à partir d’un message qui me semble venir d’un enseignant qui n’a pas l’habitude de se manifester (à moins que je me trompe?!?). Même si je ne partage pas son point de vue dans l’ensemble (j’aurai l’occasion d’utiliser les commentaires pour dire en quoi j’apprends de son message et en quoi il me semble important de nuancer certaines assertions de M. Poirier), je crois qu’il faut encourager l’expression d’une diversité d’opinions pour avancer. Je sais que nous sommes en vacances, mais bon… la conversation est lancée; elle peut facilement durer jusqu’à la rentrée… et plus. D’ailleurs, ce n’est pas rare que des conversations partent lentement et durent longtemps. De fait, je ne possède pas encore beaucoup d’habileté pour prédire quels billets vont susciter des conversations et quels autres ne vont contenir que mon point de vue. C’est la beauté de l’exercice de bloguer…

À vous M. Poirier!


Le Renouveau pédagogique
Opinion de M. Jean Poirier.

Je m’attarderai ici à une dimension occultée dans tous les discours sur la Réforme québécoise en éducation, pardon le Renouveau pédagogique, soit la formation reçue par les Anciens, je veux dire tous ceux et celles qui ont fréquenté l’école avant 1995.

Actuellement, tout le monde qui écrit sur le développement des compétences, y compris les experts, et les soi-disant tels, ont tous été, ou presque, formés à l’école qu’on aime à appeler, souvent avec mépris, «école traditionnelle» ou «école des connaissances». Alors, quelles sont les compétences de ces experts? Je blague, bien sûr.

En fait, ce qui me préoccupe, c’est l’enflure du discours qui promeut le renouveau pédagogique. À entendre les promoteurs de ce renouveau, c’est tout juste s’ils ne viennent pas dire aux enseignants et enseignantes du Québec : «Vous avez erré en tout jusqu’à maintenant; dorénavant, vous devrez tout réapprendre».

De nombreux enseignants et enseignantes ont déjà intégré à leur pratique bien des modes d’enseignement-apprentissage tendant vers le développement des compétences de l’élève, en communication, en analyse, en recherche, etc., et ce, dans diverses matières.

Il faut cesser de charrier des énoncés qui, implicitement, disent aux actuels enseignants et enseignantes qu’ils et elles doivent tout changer.

Oui, on s’en va vers une démarche d’apprentissage plus que d’enseignement. Oui, on doit revoir nos modes d’évaluation. Oui, on peut parler d’un nouveau paradigme.

Mais oui aussi, nous, les Anciens, avons certes appris beaucoup de choses «par cœur» mais nous avons aussi développé quelques compétences.

Certains auteurs vont même jusqu’à prétendre que faire et agir sont tout à fait différents; il y a de quoi en perdre son latin et mêler tout le monde.

Je suis retourné dans mes dictionnaires (Le Robert, le Larousse, le Hachette) et à Agir, on me dit «faire quelque chose» et à Faire, on me dit «réaliser une action». Agir, c’est faire quelque chose et faire quelque chose est un acte complexe qui nécessite la mobilisation de connaissances, de ressources et d’attitudes dans un contexte donné. Autrement dit, quand je fais quelque chose, je fais appel à toutes sortes de connaissances ( déclaratives, procédurales et conditionnelles) et, partant, je démontre ma compétence dans ce domaine à un niveau X.

Il est oiseux de prétendre que le concept «savoir-faire » n’inclut pas une action qui enclenche la mobilisation de connaissances, d’habiletés et d’attitudes dans un contexte donné qui, forcément, varie d’une fois à l’autre.

Quand on dit de quelqu’un qu’il est compétent dans son domaine, c’est qu’il a intégré le savoir, le savoir-être et le savoir-faire propres à ce domaine. Il sait donc agir correctement et adéquatement dans une situation X.

Quand j’écris, je mets en pratique des connaissances de toutes sortes que je dois mobiliser pour produire un texte qui soit cohérent et qui démontre le plus clairement possible ma vision du sujet présenté. C’est ainsi que je dois faire appel à des connaissances et que je dois déployer toute une panoplie d’habiletés, attitudes, caractéristiques qui vont trahir mes valeurs et mes convictions.

Nous avons appris, à travers l’enseignement classique, parfois «classifique », à développer des compétences, certainement pas assez mais quand même un peu.

Il y a des dérives également au niveau de l’évaluation. On se sent hérétique de vouloir quantifier l’évaluation de la dimension d’une compétence. Je m’explique : prenons la compétence «agir avec méthode» dont l’une des dimensions identifiées est «l’organisation cohérente des éléments de la situation».

Dans une grille à quatre (4) niveaux, soit Insuffisant, Acceptable, Très bien et Excellent, comment voulez-vous porter un jugement « éthiquement » défendable avec les seuls éléments distinctifs suivants:

  • Peu pour Insuffisant
  • Quelques pour Acceptable
  • La plupart pour Très bien
  • Tous pour Excellent

Sur une échelle de 1 à 10:
– Peu : est-ce 1,2,3 ?..
– Quelques : est-ce 3,4,5 ?..
– La plupart : est-ce 5,6,7 ?..
– Tous : c’est plus simple

Selon moi, il faut absolument pouvoir établir à l’avance le nombre total d’éléments faisant partie de la cohérence de la situation et, ensuite, quantifier chaque degré. Ce pourrait être, par exemple, sur une échelle de 1 à 10:

  • Insuffisant: 2 ou 3 éléments
  • Acceptable : 5 ou 6
  • Très bien : 7 ou 8
  • Excellent : 9 ou 10.

En conclusion, je dirai que certains défenseurs actuels de l’approche socio-constructiviste et du développement des compétences se comportent en véritables ayatollahs et provoquent plus de réticences que d’ouvertures.

Je ne prétends pas détenir La vérité mais je veux m’assurer que les enseignants et les enseignantes soient respectés et accompagnés dans ce renouveau et qu’ils et elles jouissent d’une supervision constante et soutenue.

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4 Commentaires
  1. steve bissonnette 15 années Il y a

    Pour les lecteurs intéressés, voici une analyse très critique du Renouveau pédagogique qui a été présentée par Clermont Gauthier au dernier congrès de la Fédération des commissions scolaires du Québec :
    http://www.fcsq.qc.ca/Perfectionnement/Congres/Congres-2007/pdf/Table-Ronde-Clermont-Gauthier.pdf

  2. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 15 années Il y a

    Monsieur Poirier relève des points que je partage et qu’on retrouve dans le petit bouquin auquel j’ai participé (Le grand mensonge de l’éducation – édition Lanctôt). Je me sens donc moins seul dans mon propos : )
    Tout d’abord, on a bousculé (le mot est gentil) les enseignants sans leur donner les outils pour s’adapter. On a déjà eu ce débat sur votre site, M. Asselin, et un intervenant a répliqué que les profs devaient se prendre en main et que plusieurs ressources étaient disponibles à cet effet. Grand bien lui fasse, mais que fait-on des autres qui exprime leur désarroi?
    Personnellement, je m’adapterai à la mesure de mes moyens et des moyens qu’on me donne, mais je trouve que certains décideurs ne prêtent pas assez attention à ce discours. Tant pis pour eux et pour leur réforme…
    Comme on implante le renouveau année après année, les enseignants des années non touchées par ce dernier ont rarement été consultés ou ont eu leur mot à dire. Actuellement, plusieurs décisions se prennent dans les écoles et plusieurs profs devront vivre avec celles-ci parce qu’ils n’ont pas été consultés. En plus de se priver d’une expertise intéressante, on se sera assurer ainsi de braquer encore plus d’enseignants. Les réalités de la cinquième secondaire sont bien différentes de celles de la première, mais ce n’est pas grave. On parle juste d’élèves… parce que ce sont toujours les élèves qui ont motivé mon engagment en enseignement.
    Également, il est intéressant de noter que M. Poirier s’attarde à l’évaluation. «Quelques» et «peu»? Bof, on s’en moque un peu. Tous les élèves doivent réussir, même ceux à qui on ne rend pas service. Le redoublement ne serait pas efficace, paraît-il. Peut-on voir les études qui appuient ces propos? A-t-on suivi les élèves qu’on n’a pas fait redoubler? Que sont-ils devenus? A-t-on des études sérieuses sur ce sujet? Est-ce important, de toute façon, de vraiment avoir étudié une problématique comme celle-là?
    M. Guité, sur son site, parle d’un projet anti-décrochage en Ontario qui aurait donné des résultats intéressants. Qu’attend pour agir au Québec? Ah oui! on a la réforme qui va tout régler.
    Je suis désolé pour mon cynisme. en vacance, c,est encore la meilleure façon de se détacher.

  3. Photo du profil de DavidLemor
    DavidLemor 14 années Il y a

    Je suis étudiant au baccalauréat en français langue seconde.Je présentement à construire une activité communicative dans le cadre d’un cours sur l’enseignement de l’oral,ce qui m’amène à prendre connaissance de la réforme.
    Je n’éprouve qu’une grande lassitude face à tous ces changements. On nous parle d’un changement nécessaire,sans jamais nous dire ce qui ne fonctionnais pas. On rase la maison,sans indiquer ce qui clochait avec l’ancienne.
    Un parfum de cynisme émane des commentaires d’enseignants déja trés occupés,voire débordés.
    De l’autre côté des grands mots,envolées lyriques,ambiance éléctorale pour vendre un frigidaire à des eskimos,de la part de gens confortablement installés loin du chahut des classes.LEs enseignant doivent être psychologues, animateurs, éducateurs, modèles
    Tout ce vent me rappelle la phrase célèbre que l’on attribue à un officie allemand,admiratif devant le courage des soldats britanniques de la Bataille de la Somme: des lions menés par des agneaux.

  4. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 14 années Il y a

    Vous avez droit à votre point de vue M. Lemor…
    Puis-je vous soumettre ce site à propos de ce qui ne fonctionnait pas? Il y a beaucoup «de bruits» autour des changements proposés, j’en conviens. Vous entrez dans la profession; je vous suggère de continuer à participer à ces débats puisqu’en éducation, nous avons tendance à dire que la seule chose permanente est justement «le changement».
    Bonne route.

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