Mieux protéger le public : en particulier en ce qui concerne la prévention de certains risques de préjudices

N.B. Ce billet est issu d’une série de seize qui identifient des raisons de se doter d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec. L’auteur est René Larouche, professeur retraité de l’Université Laval ayant comme principal champ d’intérêt la sociologie des professions. Je lui offre cet espace de mon blogue parce que j’endosse son travail.
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Cet extrait d’une publication du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec décrit bien la situation :

« Ce portrait de la situation actuelle décrite par l’OPQ est généralement conforme à la réalité, notamment lorsqu’il signale que les dommages ou préjudices sur des enfants peuvent survenir de différentes sources, mais que c’est seulement les causes d’incompétence professionnelle ou de comportements non professionnels qui peuvent concerner les enseignants eux-mêmes. Le portrait est aussi réaliste lorsqu’il signale que différentes ressources « semblent » apporter des solutions valables, sans que les milieux scolaires soient véritablement tenus à l’abri des risques graves, compte tenu des mécanismes de règlement de cas effectivement inadéquats. Et il est très juste d’ajouter que « des situations préoccupantes ont pu perdurer, sans qu’il n’en soit fait mention au grand jour ou sans que des correctifs réels y soient apportés.
Il a été fait mention, lors de la consultation du CPIQ, que l’incompétence professionnelle était souvent tolérée dans les écoles. Ne rien faire pour agir sur du personnel incompétent et tolérer le laxisme peut avoir un effet démoralisant sur des professeurs compétents. À la longue, l’effet peut être pernicieux sur tout le personnel enseignant d’un établissement scolaire. De nombreuses situations problématiques et dommageables pour des élèves ont été signalées soit par des enseignants, par rapport à des collègues, soit par des parents, par rapport aux enseignants de leurs enfants. Tous ces exemples démontrent que le système actuel tend à occulter les cas de préjudices sur les élèves, surtout en raison des pressions des syndicats qui sont tenus de protéger leurs membres et de la difficulté des directions d’école d’intervenir par manque de mécanismes et de moyens pertinents, efficaces et crédibles pour traiter des cas de véritable incompétence professionnelle. Dans le système actuel, il serait d’ailleurs bien difficile de définir ce qu’est un préjudice causé par de l’incompétence professionnelle. Dans le flou actuel concernant la compétence professionnelle, tout le monde intervient comme juge et partie. Un Ordre qui définirait, de façon objective, la nature des fautes professionnelles et les types de préjudice causés par l’incompétence professionnelle, permettrait à un processus de règlement des plaintes à caractère professionnel de résoudre efficacement nombre de situations et d’éviter ainsi nombre de préjudices subis par les élèves.

Sans que des statistiques et un inventaire officiel soient disponibles, compte tenu du secret qui règne à ce sujet dans le domaine en éducation, les cas répertoriés indiquent que divers types de préjudices peuvent être causés à des élèves par de l’incompétence professionnelle ou par des comportements inacceptables de la part d’enseignants. Les préjudices d’ordre cognitif, psychologique, émotif ou affectif sont sans doute les plus difficiles à identifier jusqu’à présent et à relier à certaines interventions professionnelles inadéquates, compte tenu de l’absence de définition des fautes professionnelles et de balises permettant de vérifier et de qualifier la compétence ou l’incompétence professionnelle ou encore des comportements et des attitudes adéquates ou inadéquates reliées à l’acte d’enseigner. L’Ordre professionnel permettrait, sans aucun doute, de réduire ou d’écarter les risques de préjudices sur les élèves constatés et identifiés parce qu’il offrirait un mécanisme de recours objectif, efficace et crédible en cas de doute légitime ou de plainte quant à la qualité de l’enseignement d’un membre du personnel d’une école.
Plusieurs des cas répertoriés de préjudices nous montrent, de façon évidente, qu’un mécanisme d’évaluation des enseignants, accessible, efficace et crédible, éviterait qu’un certain nombre de préjudices soient causés, à répétition, sur plusieurs « générations » d’élèves par les mêmes enseignants au cours de leur carrière. Le recours aux élus politiques des commissions scolaires (commissaires), des personnes n’ayant ni l’expertise, ni la compétence, ni l’expérience professionnelle pour juger de la compétence d’un enseignant, enlève toute crédibilité, toute objectivité et toute efficacité aux recours actuels, ce qui explique aussi l’absence réelle et généralisée d’une évaluation des enseignants. Par ailleurs, comme dans tous les Ordres professionnels, une assurance responsabilité prise par tout membre de l’Ordre ajouterait un élément de confiance pour les parents d’élèves et une garantie de protection en cas de besoin, tant pour les parents que pour les enseignants. Cette mesure serait d’une utilité certaine dans l’école, même si la profession enseignante semble jusqu’à présent à risque moyen, quoique réel, par rapport à d’autres professions. » (Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 20, numéro 2, mai 2002, p. 7)

« Dans son avis déposé à l’Offices des professions, en ( mai 1997 ), le CPIQ affirme, après avoir répertorié quelques dizaines de cas exemplaires que des préjudices avaient pu être causés à des élèves en raison, pour une grande part, de l’absence d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec.
Cependant nous sommes conscients que, dans le contexte actuel, il existe un silence imposé par l’organisation syndicale sur tout dévoilement de cas de préjudices causés à des élèves en raison de l’incompétence professionnelle ou de comportements anti-professionnels de certains enseignants. Cette loi du silence est confirmée par de nombreux témoignages et par de nombreux compromis, négociés localement, pour dissimuler et évacuer les problèmes, notamment en déplaçant le(s) enseignant(e)s concerné(e)s vers d’autres écoles. Ou même en menaçant de poursuite légale ou en poursuivant en justice des parents qui ont osé se plaindre d’un(e) enseignant(e), comme le montre le document à la fin de cette annexe.
La comparaison avec les cas répertoriés de préjudices causés par des enseignant(e)s à des élèves en Ontario, en est aussi la preuve. En effet, dans son dernier rapport annuel pour 2001, l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario indique clairement que « l’augmentation du nombre de plaintes s’explique par le fait que le public connaît davantage l’Ordre… [et] les éducateurs et éducatrices sont plus conscients de leurs obligations de signaler l’incapacité d’un membre [de l’Ordre] de satisfaire aux attentes de la profession. » À noter qu’en 2001, le nombre de dossiers de plaintes ouverts par l’Ordre en Ontario a connu une augmentation de 31,5 % par rapport à l’année précédente. Parmi ces plaintes se trouvent des cas touchant l’incompétence, la faute professionnelle et l’inaptitude d’enseignants.
Dans ce même rapport annuel on peut noter aussi que « le public doit avoir l’assurance que la profession [enseignante] répond aux attentes les plus rigoureuses en matière de comportement. Cela ne peut se faire sans un processus ouvert et la diffusion des conclusions des audiences [d’audition des plaintes] ». À noter que certaines audiences se tiennent cependant à huis clos en raison de questions de nature personnelle et confidentielle.
Enfin, le même rapport indique que l’Ordre peut imposer tout un éventail de sanctions : retirer ou suspendre l’autorisation d’enseigner, imposer une amende ou une réprimande, exiger une évaluation psychologique, ou encore obliger à suivre une formation supplémentaire. Ce qui fait ressortir que des décisions concernant l’aide et le soutien à l’enseignant(e) sont plus fréquentes que des sanctions punitives, seul type de décision exécutoire utilisée, à toute fin pratique, dans le système éducatif québécois actuel.
De plus, dans l’Avis du CPIQ de mai 2002, nous avons pu montrer les faiblesses inhérentes à la formation initiale actuelle et à la formation continue des enseignant(e)s, de même que la problématique de l’autorisation d’enseigner qui peut amener n’importe quel enseignant à enseigner dans des domaines qui sont en dehors de ses compétences. C’est pourquoi :

  • les cas de préjudices répertoriés dans le réseau scolaire québécois,
  • les nombreux cas de préjudices dissimulés dans les milieux scolaires,
  • la comparaison avec l’accroissement des plaintes du public en Ontario depuis la création de l’Ordre professionnel,
  • les problèmes liés à la qualité de la formation initiale et de la formation continue des enseignants,

nous amènent à conclure, hors de tout doute, à la présomption raisonnable que des préjudices importants et fréquents sont causés aux élèves dans le système scolaire actuel, en l’absence d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec, pour prévenir et traiter de tels cas de préjudice. » (source : Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec, L’intersection, Volume 21, numéro 1, novembre 2002, p. 3-4)

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