La sortie publique de Patrice Servant

Patrice Servant (ex-rédacteur des discours de Jean Charest) aurait « enfreint une loi non écrite de la profession en attirant l’attention sur lui », selon Scott Reid (ex-rédacteur des discours de Paul Martin)…

« Il existe un certain nombre de règles dans le milieu, la première étant: « on n’existe pas »».

Dans l’article de La Presse Canadienne publié sur Cyberpresse, on présente aussi une autre opinion, celle de Jean-François Lisée (ex-rédacteur des discours de Lucien Bouchard) qui publiait cette semaine une lettre ouverte sur son blogue adressée à M. Servant, histoire de lui « remonter le moral ». Un extrait:

« On ne peut se lover longtemps dans un moule qui n’est pas, ou qui n’est plus, fait pour soi. C’est mauvais pour la colonne cérébrale. Vous avez bien fait de partir. Il était temps que vous vous retrouviez. Cela ne sera pas simple, au début. Mais vous redeviendrez vous-mêmes, tranquillement, naturellement. »

L’analyste politique qu’est devenu M. Lisée ne dit pas explicitement qu’il approuve le fait d’avoir rendu public les motifs de la démission, mais on peut déduire qu’il est d’accord puisqu’il décrit lui-même jusqu’à quel point c’était devenu difficile à l’époque dans son cas, en identifiant le moment précis où il a compris qu’il « devait partir ».

On comprend donc du point de vue de plusieurs collègues de Patrice Servant qu’un désaccord, ça doit s’exprimer avec « la plus grande discrétion et la plus grande attention possible » quand on fait partie du personnel politique d’un premier ministre.

C’est ce que je pensais moi aussi avant que cette démission ne survienne.

Au moment où Patrice Servant choisi d’enfreindre – une nouvelle fois – la règle non-écrite de la « convention » des rédacteurs de discours, Jean-François Lisée en profite pour faire la même chose, marquant ainsi de manière plus affirmée la distance qui existe entre lui et Lucien Bouchard. On comprend mieux la décision de Jean-François Lisée qui a tourné la page sur le période « discrète » de sa carrière depuis un bon bout de temps. La question qui se pose maintenant devient « Pourquoi Patrice Servant a-t-il choisi d’agir ainsi, après avoir écrit le 9 décembre 2008 que Jean Charest était « l’homme qu’il faut pour tenir la barre dans la tempête », sortant ainsi de « l’anonymat » requise d’un bon rédacteur de discours du PM?

Mon hypothèse est qu’autant en décembre 2008 qu’en octobre 2011 quelqu’un au niveau des dirigeants du parti libéral appuie cette façon d’agir de M. Servant.

Sur sa page LinkedIn, Patrice Servant affiche encore les mots-clés « professionnel et confidentiel » accolés à son offre de service de « spécialiste en speechwriting et argumentation publique ». Rien n’indique qu’il envisage un changement de carrière, donc, pour le moment…

Déjà en 2008, on devait se méfier, j’imagine, d’un pigiste qui a comme client le premier ministre qui prend la parole d’une façon aussi publique, même si c’est pour dire de bien belles choses du PM. Bon… il semble que M. Servant n’hésite pas à prendre la parole quand il le juge utile (à preuve cette autre sortie publique consécutive à cet article du journaliste d’enquête Fabrice de Pierrebourg)… mais à l’occasion de cette démission, n’aurait-il pas eu avantage pour le bien de « sa carrière » à ne pas « politiser » son geste à ce point? Il me semble que la forme de sa dernière prise de parole en public ne ressemble pas aux autres… comme si quelqu’un avait « coulé » l’information se disant que M. Servant accepterait de commenter, une fois les motifs de sa volonté de ne plus collaborer aux discours de M. Charest dévoilés par un journaliste. À moins qu’une autre lettre ouverte soit à venir prochainement?

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À la « Rencontre Maître Chez Vous » organisée par « Force Jeunesse » récemment, on m’avait demandé (à moi et aux deux autres invités) de répondre à quelques questions au sujet de la politique québécoise et j’avais affirmé dans une de mes réponses que certaines sources à Sherbrooke m’avaient glissé à l’oreille que le tapis était en train de glisser sous les pieds de M. Charest, que des gens au parti libéral voulaient que Jean Charest quitte avant les élections et que ça ne leur faisait vraiment pas plaisir. Des jeunes libéraux présents sur place m’ont interpelé après la rencontre pour me dire que ça ne se pouvait pas, qu’au parti libéral TOUS se rangent derrière M. Charest. Je leur avais répété ce que j’avais entendu et j’avais ajouté qu’avec la manière dont il avait été « briefé » dans l’affaire du rapport Duchesneau pas lu, j’étais encore plus convaincu que « mes sources » disaient vrai au sujet de gens au parti libéral qui commencent à trouver que le parti s’en sortirait mieux sans Jean Charest qu’avec.

La sortie publique de Patrice Servant ajoute du poids à cet argument.

Jean Charest s’accrochera, prendra de court ces éléments de son parti qui lui mettent de la pression, annoncera la tenue d’une commission d’enquête plus ou moins publique sur la construction – et autres sujets connexes – et déclenchera probablement au printemps 2012 des élections, convaincu que l’hypothèque qui pourrait l’empêcher de se faire réélire pour un quatrième mandat sera levée.

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