Couper les ponts avec Champlain

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».

On peut se demander quelle mouche a piqué le gouvernement conservateur de débaptiser le nouveau pont Champlain? Mais dans les faits, personne au Québec ne devrait être surpris.

Depuis que Denis Lebel (ministre fédéral de l’Infrastructure et lieutenant de Stephen Harper pour le Québec) s’occupe du dossier du nouvel infrastructure qui doit relier les deux rives du Saint-Laurent en remplacement du Pont Champlain qui arrive à la fin de sa vie utile, il en est question.

Le nouveau pont est de compétence fédérale, ça personne ne le conteste. Mais sous plusieurs angles, sa construction est à l’origine de plusieurs débats.

Jusqu’à maintenant, la polémique tourne surtout autour de l’implantation d’un péage sur le futur pont. Mais ce n’était peut-être que l’importante façade qui cachait d’autres conflits potentiels…

Denis Lebel a toujours exprimé sa préférence pour un autre nom que Champlain. Je le soupçonne d’agir ainsi pour justifier le projet de péage puisque l’argument principal des opposants est justement que le «simple» remplacement d’une infrastructure existante devrait l’empêcher d’aller de l’avant avec cette idée. En changeant le nom, le ministre essaye-t-il de se donner un argument pour motiver sa décision d’implanter un péage ?

Ça reste à voir.

Quand le nom de Maurice Richard avait été évoqué au printemps et au début d’octobre, Denis Lebel semblait avoir conscience de nager en eaux troubles. «Je ne veux pas soulever de polémique», avait-il mentionné.

Si on souhaite vraiment un nouveau pont «dont les Montréalais seront fiers», on accumule plusieurs notes discordantes qui ne vont pas de pair avec cet objectif.

A-t-on fait la preuve que le nom de Champlain ne doit plus être considéré ? Je ne crois pas…

J’ai eu l’occasion hier d’écouter de nombreuses personnes autour de moi qui avaient essentiellement deux messages pour le gouvernement du Canada.
1- On aime beaucoup Maurice Richard.
2- Ce serait lui manquer de respect que de lui imposer cette inutile controverse pour honorer sa mémoire.

Samuel de Champlain est un personnage hautement symbolique dans notre histoire collective. Un copain – grand fédéraliste – m’a dirigé vers une biographie écrite par l’historien américain David Hackett Fischer, Le Rêve de Champlain, qui évoque toute la puissance de sa lutte pour «la réalisation d’un rêve immense, un Grand Dessein pour la France en Amérique» :

«Pendant trente ans, il a sillonné un territoire que se partagent aujourd’hui six provinces canadiennes et cinq États américains, tout en menant un combat non moins farouche contre les ennemis de la Nouvelle-France à la cour d’Henri IV. Lui qui était né dans un pays ravagé par les guerres de religion, il a encouragé les mariages entre colons et Indiens, il a prêché la tolérance envers les protestants. Il a inlassablement tenté de maintenir la paix entre les nations indiennes, mais il a su quand il le fallait prendre les armes et imposer un nouvel équilibre politique, se révélant ainsi un guerrier et un stratège redoutables. Il a été un leader visionnaire, surtout si on le compare à ses contemporains anglais et espagnols, un homme qui rêvait d’un monde plus humain et vivant en paix, dans une époque marquée par la cruauté et la violence.»

Je suis d’accord avec Gilles Duceppe : «On ne devrait que très rarement changer l’appellation de lieux publics». D’autant qu’en ce qui concerne le pont dont on parle, le nom de Champlain évoque le lien naturel avec le grand fleuve sur lequel il a tant navigué.

Je veux bien que Maurice Richard soit un héros des temps modernes, mais Champlain doit être considéré comme un des pères de la Nouvelle-France. On ne dépossède pas une telle figure d’autorité dotée d’une si grande puissance évocatrice sans prêter flanc à envoyer le message d’un politicien voulant réécrire l’histoire.

«Le fils du Rocket souligne que son père détestait la controverse» (source : Maurice Richard junior, via ICI Radio-Canada).

J’irais plus loin.

À mon avis, le « Rocket » se battrait sûrement pour honorer la mémoire de Champlain…

Il est encore temps de revenir sur cette mauvaise décision.

Mise à jour du lendemain : Chez mon collègue François Bugingo, «Champlain: l’histoire bafouée», alors que chez Mme Bombardier c’est «Révoltons-nous!».

Mise à jour du 6 novembre : Pont-Champlain – Lebel recule sur le nom de Maurice Richard

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