Ces jeunes gens en colère, de Québec

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Huit fois sur dix, les courriels haineux qui parviennent jusqu’à Charles Lafortune trouvent leur origine de citoyens de la Ville de Québec, semble-t-il. Les «angry young man» de Québec, selon l’animateur de La Voix, sont représentatifs de la mouvance conservatrice qui a lieu dans la capitale du Québec.

Une autre flèche en provenance de Montréal est possiblement venue toucher l’amour propre des gens de Québec hier soir, par l’entremise d’une déclaration aux Francs-tireurs de la bouche même de Charles Lafortune, une personnalité publique avantageusement connue comme animateur, comédien et improvisateur, entre autres accomplissements.

Interrogé par Richard Martineau dans un entretien d’une vingtaine de minutes qui portait sur une foule de sujets, celui que «tout le monde aime» en temps normal a fait un amalgame entre l’attitude d’un membre de sa famille qui vient de Québec et certains courriels déplaisants qu’il reçoit, à l’occasion. Contre les artistes «tous subventionnés», les «crack-pot» qui lui écrivent ressemblent à ce qu’il entend de la bouche de son beau-frère qui placé devant l’évidence de certains faits, maintient son préjugé défavorable envers les subventions ou les artistes, c’est selon.

Dans la vie de tous les jours, quand il entend ce genre d’arguments, il lui arrive de se dire «d’après-moi, tu viens de Québec toé» et il ne se trompe pas souvent, selon ses dire.

Bref, tout contribuait dans un des segments de l’entrevue de Charles Lafortune hier soir à renforcer le préjugé qu’à Québec, il y aurait quelque chose de spécial dans l’eau qui nous rend différent des autres sur un certain nombre de sujets.

Montréal ne parle pas vraiment contre Québec
Il n’en fallait pas plus pour qu’une tribune téléphonique à l’émission de Normandeau-Duhaime au FM93 porte sur le sujet, ce midi. Les auditeurs qui ont appelé étaient intéressants. Ceux qui connaissaient bien Montréal étaient unanimes: on entend jamais vraiment parlé contre Québec, à Montréal. Une intervenante qui vit maintenant dans la ville du maire Labeaume a même affirmé qu’à ses yeux, «Québec n’existait que dans les livres» pour elle, avant de venir y vivre…

On devrait peut-être se plaindre de l’indifférence des gens de Montréal, mais sûrement pas des préjugés qu’on entretiendrait contre nous.

De fait, les gens ont plutôt dénoncé sur les ondes du FM93 ce que Clotaire Rapaille avait lui-même débusqué: «La population de Québec entretiendrait un complexe d’infériorité vis-à-vis des gens de Montréal».

Faudrait d’ailleurs en revenir… si c’était vraiment le cas.

Moi qui aime bien réfléchir sur le fameux code de Québec, j’avoue avoir bien rigolé à l’écoute des propos de Charles Lafortune. Nous méritons bien quelques quolibets à Québec, d’autant qu’il est fondé que nous constituons une des rares régions où les intentions de vote pour le parti dirigé par Stephen Harper sont favorables.

Un air de famille en prend plein la gueule
Le mépris dans les propos de l’invité de Richard Martineau, je l’ai bien senti, mais seulement quand il s’est attaqué à une émission concurrente de celle qu’il anime…

«Ouais, on pourrait rendre [La Voix] plus plate, a-t-il ironisé. On pourrait s’arranger pour que ça marche moins bien. On pourrait faire comme un autre show de chansons qui n’est pas bon. Ouais, on pourrait faire comme Un air de famille

Je ne peux pas juger de la différence puisque je n’écoute pas La Voix, mais il est assez rare d’entendre ce genre de commentaire sur la concurrence, du moins en public.

Les cotes d’écoute des deux émissions ne se comparent pas, mais j’ai toujours cru que Un air de famille constituait un succès d’estime à ICI Radio-Canada. J’imagine que Charles Lafortune pourrait fournir quelques réponses aux gens qui se demanderaient pourquoi il regarde de haut le travail de Patrice L’Écuyer qui n’a pour but que de faire passer le talent des familles du salon au petit écran.

Charles Lafortune était peut-être un peu «angry men», hier soir…

Qui est en colère?
Charles Lafortune mentionnait justement aux Francs-tireurs qu’il songeait parfois à briser cette image du «gars-consensuel-que-tout-le-monde-aime». Hier soir, il se sentait peut-être dans cette atmosphère de confiance qui lui permettait de balancer ce qui lui passait par la tête sans trop penser aux conséquences.

L’animateur de La Voix est un grand garçon, capable d’en prendre comme en fait foi sa critique des Gémeaux et de la «performance» d’Anne-Marie Dussault en tant qu’animatrice de la Dictée des Amériques. Il a généreusement distribué les coups de gueule que ce soit aux détracteurs de la présence d’anglophones parmi les concurrents, qu’à ceux qui «reprochent à La Voix d’entrer dans les drames personnels de ses candidats» (source).

Charles Lafortune n’a pas élevé la voix hier soir. Il y a plusieurs façons de laisser sortir le trop plein et j’ai accueilli son témoignage sans éprouver de malaise, même si j’habite Québec. Quelque chose me dit qu’il pourrait revenir dans les prochains jours sur ses propos s’adressant aux «angry young man», en évitant de généraliser ou de stigmatiser les gens de Québec.

Les seuls qui devraient se poser des questions à Québec suite aux propos du conjoint de la présidente de l’Union des artistes, sont peut-être le beau-frère de Charles Lafortune et ceux qui écrivent des grossièretés à propos de son fils autiste.

Il doit bien y avoir des «angry young man» à Québec. Est-ce qu’il y en a davantage qu’ailleurs au Québec? Je ne sais pas. Je suis cependant convaincu qu’il ne faut jamais trop donner d’importance aux gens en colère qui s’expriment par courriel ou sur les médias sociaux dans l’esprit de faire déraper tout dialogue. Québec ne devrait pas se sentir interpellé outre-mesure par la déclaration de Charles Lafortune.

Cessons de se sentir attaqués dès qu’une critique basée sur certaines perceptions se manifeste dans l’espace public.

S’il y a quelqu’un au Québec de qui je suis capable de recevoir un peu de colère bien placée, c’est bien de Charles Lafortune. On pourrait ainsi saisir l’occasion de se remettre en question quand on entend autour de nous des propos exagérés sur les artistes subventionnés.

Mieux encore, on pourrait aussi cesser de garder le silence devant des déclarations aussi odieuses que celles rapportées par Charles Lafortune aux Francs-tireurs sur l’autisme et sur le peu de services que les enfants autistes reçoivent.

Si on avait le quart du dixième du vécu des parents de Mathis (le fils de Sophie Prégent et de Charles Lafortune), on dénoncerait de manière bien moins contenue les propos des «angry young man», d’où qu’ils viennent.

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