La politique n’est pas un spectacle

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Il n’y a pas de «projecteurs à braquer», de «sexisme primaire» ou de «triste spectacle» à associer à la décision de la députée d’Arthabaska Sylvie Roy de quitter le caucus de la Coalition Avenir Québec (CAQ) et de siéger dorénavant comme députée indépendante. Certains collègues qui font de l’analyse et de l’opinion en utilisant ces expressions ont beau dire… les faits ne permettent pas de telles interprétations.

C’est par l’entremise d’un tweet annonçant une entrevue exclusive de la correspondante parlementaire de ICI Radio-Canada télé Martine Biron avec Sylvie Roy que plusieurs, comme moi, ont appris la nouvelle prenant ainsi tout le monde par surprise. Il était 14h44.

Un peu avant et un peu après, il y a même eu un certain flottement, quelques observateurs annonçant sa démission comme députée, mais seulement Martine Biron avait l’exclusivité de ce qui se passait vraiment: une députée exigeait un divorce de son parti.

Vérification faite, le topo télé de la journaliste a été tourné AVANT MÊME que François Bonnardel (leader parlementaire) et François Legault (chef) n’apprennent la décision de Sylvie Roy de quitter la CAQ.

Dès les minutes qui ont suivi, deux autres tweets abondamment relayés ont donné le ton à la « nouvelle »…

On notera donc que la première « attaque » est venue de Mme Roy, même si elle affirme ce matin dans une entrevue remplie d’amertume ne jamais faire «d’attaque personnelle».

François Legault n’habite pas sur l’Île des Soeurs, mais tout le monde comprenait que la première flèche tirée avait été trempée dans un peu de rancoeur et dirigée vers le chef.

Il faut comprendre que les divorces sont souvent demandés avec de l’émotion.

La suite a donné l’impression d’une séance de lavage de linges sales en public mais dans les faits, si les 24 heures qui ont suivi n’ont rien eu de très glorieux, je ne crois en rien à une volonté de régler des comptes au vu et au su de tous.

Incompréhension 101
Il n’est pas dans mon intention de jeter la pierre à Mme Roy ou aux officiers qui dirigent la CAQ, mais la publication à 15h56 d’un tweet qui n’aurait jamais dû être publié (source) a complètement fait déraper la situation.

À ce stade-ci de mon billet, je sens le besoin d’écrire que bien que j’ai travaillé un an à l’Aile parlementaire du 2e groupe d’opposition en 2013, je connais très très peu Sylvie Roy. Si j’additionne le temps de toutes nos conversations de corridor, j’arrive à un résultat qui tourne autour de cinq minutes. Les « bonjour Sylvie » et les « bonjour Mario » doivent constituer 80% du verbatim des réparties de ces 5 minutes.

À vrai dire, je ne connais Mme Roy que de réputation.

Je suis le dernier à qui on pourrait demander de jauger la nature des « problèmes de comportement » allégués par ceux de la CAQ qui ont commenté depuis hier les évènements entourant le départ de la CAQ de la députée d’Arthabaska.

Ce serait du ouï-dire que de me lancer dans quelques précisions que ce soit.

Une chose est certaine cependant, l’employé de la Coalition qui a évoqué pendant une vingtaine de secondes des «problèmes de consommation d’alcool» n’a rendu service à personne et dès lors, on se doit tous de faire très attention à nos commentaires.

Il n’y a aucune conclusion sérieuse à tirer de ce mauvais message, à un très mauvais moment.

Je me demande sincèrement ce qui a pu passer par la tête du conseiller aux communications numériques qui, avant cet épisode, pouvait compter sur une longue feuille de route irréprochable. «Incompréhension» est le mot qui me revient et j’espère qu’il aura l’occasion de faire amende honorable, ce tweet était inacceptable, peu importe sur quoi exactement se basait l’employé pour affirmer une telle chose. Il est d’usage que ce qui se passe dans la « chambre des joueurs » y reste.

En liant cette affirmation (que la CAQ n’a aucunement endossée) à l’expression «problèmes de comportement», quiconque devient complice du cirque dans lequel la situation s’est trouvée pendant un moment et ce n’est utile pour personne, surtout pas pour Mme Roy. Ni François Bonnardel, ni François Legault, ni aucun autre intervenant n’ont voulu franchir cette ligne de démarcation, à ma connaissance, dans leurs communications publiques.

Il n’y a pas de campagne de salissage envers Sylvie Roy, mais il y autre chose qu’une simple démission d’un caucus, j’en conviens.

Certains problèmes existent
Je ne sais pas pourquoi l’information est passée sous le radar des observateurs et des analystes, mais le fait est que «certains maires sont irrités par l’absentéisme de la députée»…

(Source: La Tribune de Sherbrooke – cliquez sur l’image pour lire l’article au complet)

Si on essaye de s’en tenir aux faits le plus possible, on doit admettre qu’il y a des traces dans la sphère publique de ces problèmes invoqués par la CAQ.

C’est le privilège de Sylvie Roy de rien y voir de très important.

En fin d’après-midi hier, le chef de la CAQ était en entrevue avec Paul Houde et il m’a semblé évident qu’on a souhaité dans cette conversation éviter de transformer les évènements en spectacle puisqu’il s’agit avant tout d’un différent entre une députée et un caucus de députés(es).

Mme Roy a décidé de quitter avant que la nouvelle session parlementaire reprenne et on invoque de part et d’autres un différent que la CAQ nomme «problèmes de comportement» et que la députée Roy semble nier, pour parler davantage de «greffe [qui] n’a jamais fonctionné».

Je l’avoue, j’ai éprouvé un grand malaise de lire chez une collègue du Journal une chronique qui n’a fait que mettre de l’huile sur le feu et entraîner des spéculations stériles et improductives.

Il n’y a pas ici de «spectacle», si triste soit-il.

Sylvie Roy a derrière elle un bilan qui l’honore depuis qu’elle a été élue députée en 2003 et elle mérite le respect.

Si (et je dis bien «si») elle traverse une mauvaise passe, le rôle des officiers qui dirigent la CAQ est de lui offrir du soutien. Il est très possible que ces propositions aient été mal reçues et qu’un conflit plus important s’en soit suivi.

Je veux bien prendre la parole de Sylvie Roy à l’effet qu’il n’y ait de problèmes que dans la lunette des gens de la CAQ qui l’ont abordée pour en parler.

En quittant comme elle l’a fait, son travail sera observé de beaucoup plus près et tant mieux si tout se passe bien pour la suite des évènements.

Le divorce est public, mais il faut avoir la sagesse de respecter les protagonistes dans leur vie privé. Dans les circonstances des derniers jours, même après l’article de ce matin, on a bien envie de crier «circulez, il n’y a rien à voir» !

Pour le reste, «le départ de Sylvie Roy, pour des raisons apparemment moins simples que celles qu’elle donne» ne devrait pas occasionner des «spéculations hasardeuses» sur l’avenir de la CAQ, comme l’indiquait voilà deux jours Mathieu Bock-Côté: «le créneau qui a permis son émergence est toujours actif.»

Je souhaite sincèrement que Sylvie Roy profite de ce qui arrive pour prendre un peu de recul et revenir en force dès cette session, comme l’excellente députée que la population connaît.

La Coalition Avenir Québec fera son examen de conscience comme c’est normal de la faire au sortir d’une gestion de crise, car il y a eu « crise », fortement amplifiée par un malheureux message Twitter qui est survenu au plus mauvais moment.

Les journalistes, les observateurs et les analystes ont raison de questionner les nombreux départs qui sont survenus dans les trois dernières années.

Mais il y a suffisamment de gens à la Tribune de la Presse et dans les partis qui font de la politique active à l’Assemblée nationale pour témoigner que ce conflit qui passe par un divorce a moins à voir avec la vision politique qu’avec le cheminement personnel et les états d’âme.

La politique n’est pas un spectacle et ceux qui veulent en faire avec cet épisode ont choisi un bien mauvais moment pour leur mise en scène.

Allez… «circulez, il n’y a rien à voir» !

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