Comment interpréter le report des trois journées de grève?

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Le front commun intersyndical vient d’annoncer que les trois journées de grève nationale prévues les 1er, 2 et 3 décembre sont reportées. Dans le communiqué publié aujourd’hui, on explique cette décision par la volonté « de laisser tout l’espace possible afin de faire avancer la négociation ». Qu’en est-il vraiment ?

Je ne participe pas aux négociations et je ne dispose pas d’information privilégié, mais cet élément du report des journées de grève constitue une surprise en ce qui me concerne.

À la suite des perturbations de cet automne qu’on avait promis « chaud », la prétention des leaders syndicaux est à l’effet d’avoir réussi à « rallier la population » à ses revendications. Autant dans le communiqué qui fait le point sur la mobilisation que dans cette vidéo s’adressant aux membres juste avant de présenter de nouvelles offres au gouvernement, on donne comme argument « le festival du klaxon à la grandeur du Québec » qui témoignerait « amplement » de l’appui populaire.

Je vous laisse juger de l’enthousiasme des responsables syndicaux par vous-mêmes…

Sitôt les nouvelles offres déposées, le gouvernement avait cette réponse pour les syndiqués : « On est à des années-lumière de s’entendre ! »

L’approche syndicale consiste à dire que si le gouvernement a bougé en présentant de nouvelles offres, c’est à cause de la force de la mobilisation. J’avais cru comprendre que justement, le gouvernement n’avait pas beaucoup bougé…

Nouvelles offres rapidement mises de côté par le front commun.

Mobilisation interrompue pour le temps des Fêtes…

C’est moi où il y a quelques chose qui cloche dans cette logique ?

Normalement, on serait porté à intensifier la mobilisation si on était insatisfait des progrès enregistrés, je me trompe ?

Deux décisions défavorables aux syndicats d’enseignants au CRT
Au moment où ce « retrait stratégique » survient, la commission des relations de travail (CRT) – division des services essentiels – vient de rendre deux (1, 2) décisions importantes sur des moyens de pression qui deviennent ainsi invalidés. Autant pour ce qui est de prolonger les récréations qu’en ce qui concerne les entraves à la production des bulletins scolaires, les décisions du CRT constitue un revers pour les syndicats.

En lisant le verbatim des décisions, on réalise qu’un des arguments des avocats de la partie syndicale dans le cas des récréations semblait un peu frivole…

« Ainsi, la prolongation des récréations constitue un autre contexte d’apprentissage qui permet à l’élève d’acquérir des compétences d’ordre personnel et social ou de l’ordre de la communication »

Ça me semble un peu faible… on ne peut pas vraiment être surpris de la décision.

Tout cela pour dire qu’on a beau présenter le rapport de force comme si les syndicats étaient sur le point de faire plier le gouvernement pour de bon, j’ai plutôt l’impression du contraire.

Vers une loi spéciale ?
Une entente négociée serait mille fois préférable à une loi spéciale et je souhaite que les rapprochements – si petits soient-ils – permettront un dénouement heureux du conflit.

Jean Lapierre affirmait sur les ondes de LCN cet après-midi que « ça brasse dans les syndicats » et que les récentes consultations de membres avaient montré que les trois jours de paye laissés de côté par la grève générale des 1er, 2 et 3 décembre « auraient eu toutes les chances de ne jamais être récupérés », aux yeux de plusieurs.

J’ai la certitude que la population appuie le milieu scolaire dans ses revendications contre les coupures en éducation, mais pour ce qui est des négociations des conditions de travail, je ne sens pas le même appui au front commun. Je peux me tromper, mais cet empressement des leaders syndicaux à gonfler auprès de leurs membres l’appui populaire sonne faux et il devenait plus sage de battre en retraite sur les journées de grève.

Ainsi, la décision sera bien interprétée par la population juste avant les Fêtes et les membres des syndicats ne seront probablement pas choqués.

Le gouvernement devra faire attention et se montrer bon joueur.

Reste à voir si le fait « de laisser tout l’espace possible afin de faire avancer la négociation » donnera l’élan nécessaire à un règlement négocié.

Philippe Couillard ayant déjà affirmé récemment que le début de 2016 constituait la cible pour un règlement et que « le dépôt d’une loi spéciale, en cas d’impasse » n’était pas exclu, il faut probablement conclure que les trois journées de grève n’aurait rien apporté de plus aux syndicats et qu’il valait mieux écouter les membres, dans ces circonstances.

Je demeure convaincu que les enseignants ne sont pas ceux qui profitent le plus du front commun intersyndical.

Il faudra maintenant surveiller la réaction de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) qui ne font pas partie du front commun et dont l’approche avec le gouvernement semble être plus agressive.

À suivre…

Mise à jour du 23 novembre: Les enseignants de la FAE ne semblent pas vouloir suivre la même orientation, ils pourraient être en grève les 9, 10 et 11 décembre.

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