L’école publique peut être exigeante et inspirante

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Ce matin, treize personnes d’horizons sociaux et politiques divers s’entendent sur dix propositions pour remettre le Québec sur le chemin de l’excellence en éducation et diffusent leur réflexion. J’en fais partie…

La version courte de ce document étant maintenant publiée, il convient de préciser comme l’indiquait l’un des collègues auteurs (source) que nous aurions pu formuler chacun les choses un peu différemment, « mais cela est moins important que de remettre le débat sur l’école publique à l’avant-scène ».

La version longue satisfait davantage mon appétit pour les constats éclairés et les nuances à établir, mais bon… au moment d’écrire ce billet, les deux versions circulent abondamment par les réseaux, c’est ce qui demeure important.

Parmi les douze autres auteurs, je voudrais insister sur la provenance de chacun…

  • Benoît Archambault : Président de Succès Scolaires qui vient de fêter son dixième anniversaire et qui regroupe plus de 400 tuteurs qui offrent un support académique à des milliers d’élèves du niveau primaire au collégial. Pas d’appartenance politique connue.
  • Isabelle Fontaine : Férue de relations publiques et d’affaires gouvernementales, elle a déjà présidé le comité national des jeunes du Parti Québécois et siégé au conseil exécutif national du parti.
  • Francis Gosselin : Consultant dont la pratique est centrée sur le secteur de l’innovation. Sa thèse de doctorat (il a fait de grandes études) portait sur la créativité bureaucratique au sein des organisations internationales. Il est aussi promoteur des conférences sur l’échec, les fameux « Failcamp ». Pas d’appartenance politique connue.
  • Mia Homsy : Actuellement directrice générale de l’Institut du Quebec, elle a été conseillère économique dans plusieurs cabinets ministériels de gouvernement libéraux au Québec entre 2008 et 2014.
  • Nadine Koussa : Avocate qui pratique le droit municipal, le litige et le droit du travail et de l’emploi. Elle a été conseillère politique au cabinet du Ministre de la Justice au moment où le PQ était au gouvernement.
  • Vincent Lombard : Il enseigne au primaire à la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. Il s’est intéressé particulièrement aux propositions concernant la formation des maîtres qu’il juge prioritaire. Pas d’appartenance politique connue.
  • Jérôme Lussier : Juriste et journaliste, il a aussi été chroniqueur politique à l’Actualité. Directeur des communications et conseiller politique un temps à l’Aile parlementaire du 2e groupe d’opposition, il oeuvre actuellement dans le domaine des affaires publiques.
  • Jocelyn Maclure : Professeur à la Faculté de philosophie de l’Université Laval et cofondateur de Nouveau Projet, il est souvent intervenu dans le débat public sur le sujet de la laïcité. Chroniqueur à l’Actualité, je ne lui connais pas d’appartenance politique militante.
  • Louis-Philippe Maurice : Co-fondateur et président de Busbud, il est connu comme jeune entrepreneur passionné. Il détient une maîtrise en administration des affaires de l’Université de Harvard. Pas d’appartenance politique connue.
  • Laura O’Laughlin : Économiste principale chez Groupe d’analyse, elle est aussi l’une des fondateurs de l’Institut des générations. Pas d’appartenance politique connue.
  • Patrice Servant : Rédaction et argumentation publique sont ses spécialités. Il a été à l’origine de nombreux discours de premiers ministres libéraux au Québec et au Canada. Associé à ce blogue des Spin Doctors de mai à novembre 2015.
  • Claude Villeneuve : Chroniqueur et blogueur au Journal, il préside également le Marché public de Limoilou. Rédacteur de discours au cabinet de la première ministre Pauline Marois, il collabore à ce blogue depuis novembre 2015.

Je vais m’exprimer en « je » pour la suite de ce billet… Il m’a semblé très important de participer avec d’autres à cet exercice de relance du débat sur l’importance de l’éducation par des propositions plus musclées.

Les deux dernières années de tournage en rond en éducation m’ont convaincu de sortir avec d’autres sur ce qui serait essentiel à mettre de l’avant.

Merci de vos réactions et bonne lecture !

Ajout : Entrevue avec Mia Homsy au sujet de cette initiative…

N.B. Copie de la version longue de « Dix propositions pour une école publique exigeante et inspirante » pour mes archives personnelles…

Si l’éducation fonde l’avenir des sociétés, le Québec a des raisons de s’inquiéter. Il est temps de jeter un regard neuf et courageux sur cette entreprise collective, prioritaire entre toutes.

L’école publique québécoise souffre de multiples maux. Nos taux de décrochage sont parmi les plus élevés au Canada ; moins de 50 % des garçons du réseau public francophone obtiennent un diplôme en 5 ans. Si les statistiques se sont améliorées depuis quelques années, c’est en partie à cause de la hausse importante d’élèves obtenant une qualification, une certification d’études moins exigeante que le diplôme. Le Québec est en queue de peloton pour la performance en lecture au primaire. Près de 50 % de nos concitoyens de 16 à 65 ans sont considérés analphabètes fonctionnels.

La dernière réforme pédagogique n’a pas eu les effets escomptés. Plusieurs écoles sont en mauvais état. On déplore régulièrement le manque de ressources en première ligne. Une proportion inacceptable de jeunes terminent le secondaire sans savoir écrire correctement. Un nombre toujours croissant de parents se tournent vers l’école privée, où ils espèrent trouver les outils et le cadre qui semblent faire défaut à l’école publique.

Tout n’est pas noir, bien sûr. Depuis les années 60, le Québec a accompli des progrès considérables en matière d’éducation. Et les élèves du Québec qui passent certains tests internationaux font généralement bonne figure. Mais ces constats ne changent pas fondamentalement la donne et, surtout, ne devraient pas faire échec à notre volonté collective de faire mieux.

Les signataires de ce texte proviennent d’horizons sociaux et politiques divers, et ils s’expriment ici de manière personnelle et non partisane. Les failles de notre système d’éducation sont complexes et ne datent pas d’hier. Aucun parti ou politicien ne peut en être tenu pour unique responsable – et aucun ne pourra les régler seul. L’avenir de la société québécoise n’appartient pas à un seul groupe ou une seule formation politique.

En 2008, Jacques Parizeau écrivait, à propos des ratés de l’éducation publique au Québec, « Ce n’est plus de ressources ni d’argent qu’il s’agit aujourd’hui, c’est à l’effondrement d’un système auquel nous assistons ».

Huit ans plus tard, le même constat désolant s’impose : le système est malade, et ce n’est pas de ressources ni d’argent qu’il s’agit. Depuis 1998, les revenus des commissions scolaires ont augmenté de 56 %, alors même que le nombre d’élèves diminuait de 13 %. En moyenne, la hausse annuelle des dépenses par élève a été de 4,3 %.

Dissipons tout de suite un doute : nous sommes résolument favorables à des investissements massifs en éducation publique. S’il faut accroître considérablement le budget du ministère de l’Éducation pour donner à nos enfants – et à la société québécoise – la formation et l’ambition nécessaires pour affronter le 21e siècle avec confiance et polyvalence, faisons-le. Mais, à court terme, certains problèmes doivent être réglés. Des gestes concrets doivent être posés pour remettre le Québec sur le chemin de l’excellence. Un coup de barre fondamental s’impose pour notre avenir collectif.

Trois chantiers nous semblent prioritaires :

  • Rehausser la qualité de l’enseignement et valoriser les enseignants
  • Donner aux écoles les pouvoirs et les ressources nécessaires
  • Rapprocher les écoles de leur milieu social, culturel et économique

Rehausser la qualité de l’enseignement et valoriser les enseignants

La recherche est sans appel : plus que tout autre facteur scolaire, la qualité de l’enseignement influence la réussite des élèves.

Or, les facultés d’éducation ont des critères d’admission parmi les plus faibles des universités, et la formation dispensée – peu axée sur la maîtrise des disciplines – est peu exigeante. Pour obtenir le droit d’enseigner à l’école secondaire, les diplômés universitaires issus d’autres programmes – littérature, mathématiques, biologie, géographie, histoire – doivent compléter une maîtrise qualifiante d’une durée de trois ans et plus, qui décourage fortement l’accès à la profession.

Une fois dans le réseau scolaire, l’évaluation des enseignants est essentiellement inexistante et l’ancienneté fait foi de tout. Les critères de qualité et de performance ne sont pas au cœur du système.

Pour corriger cette situation, le Québec devrait :

1) Ouvrir la profession d’enseignant aux diplômés de toutes les facultés universitaires, sous réserve d’une formation qualifiante d’un an.

2) Rehausser les critères d’admission des facultés d’éducation et axer la formation des enseignants sur la maîtrise des disciplines.

3) Créer un ordre professionnel des enseignants, qui aurait pour mission de maintenir des standards élevés pour la profession, valoriser les enseignants et défendre l’intérêt des élèves.

4) Mettre en place un programme de formation continue basée sur la recherche rigoureuse, et un mécanisme de partage des meilleures pratiques qui permette aux enseignants et aux directions d’écoles d’innover et de s’inspirer d’approches éprouvées.

Donner aux écoles les pouvoirs et les ressources nécessaires

Les écoles sont le lieu par excellence de l’apprentissage, de la transmission des savoirs, du développement des compétences et de la construction personnelle et sociale. Ce sont des écosystèmes complexes, enracinés dans un milieu, constitués d’adultes et d’enfants qui développent des liens spéciaux, souvent de longue durée. Personne ne connait mieux les besoins des élèves, les forces et les faiblesses du corps enseignant et les priorités matérielles et éducatives que la direction de l’école, les enseignants et les parents d’élèves.

Or, à l’heure actuelle, les directions d’école ont peu de contrôle sur les principaux outils de gestion de leur établissement, en particulier le pouvoir d’embauche et la gestion des budgets. Le contrôle s’exerce souvent, ou principalement, au Ministère et dans les commissions scolaires, des paliers administratifs plus éloignés des classes et des élèves. Des sommes importantes qui pourraient se retrouver dans les écoles se retrouvent souvent dans des instances intermédiaires moins névralgiques pour la réussite des élèves.

Pour corriger cette situation, le Québec devrait :

5) Donner aux directions d’école les pouvoirs de gestion des budgets et d’embauche du personnel, en se basant uniquement sur les compétences et la performance. Les mécanismes d’évaluation devront tenir compte des particularités propres aux différents milieux scolaires.

6) Recentrer le rôle des commissions scolaires sur la coordination et la prestation de services. Les commissions scolaires devraient être au service des écoles, qui choisiraient d’y avoir recours selon leurs besoins, notamment pour la création de partenariats ou la gestion logistique.

7) Réduire les contraintes imposées aux écoles et limiter le rôle du Ministère à la détermination des objectifs et des programmes, de même qu’à un rôle de supervision ad hoc. Les directions d’école doivent avoir toute la latitude nécessaire pour expérimenter, partager les meilleures pratiques en réseau et organiser le travail de manière efficace.

Rapprocher les écoles de leurs milieux sociaux, culturels et économiques

L’école s’inscrit dans un milieu social, culturel et économique. Elle n’existe pas en vase clos. La fréquentation de l’école permet aux jeunes d’acquérir des connaissances, d’explorer des activités diverses, de se créer un cercle d’amis, de rencontrer des mentors, de faire des découvertes culturelles, sociales, entrepreneuriales et scientifiques, et d’être exposés à des possibilités d’études, de formations et de carrières futures.

Le réseau d’éducation devrait ainsi chercher davantage à bâtir des ponts entre l’école et son milieu. Inscrire l’école dans une démarche continue de croissance personnelle et sociale peut contribuer de manière significative à réduire le décrochage. Or le système actuel ne favorise pas suffisamment ce type d’initiatives.

Pour corriger cette situation, le Québec devrait :

8) Exposer les élèves des niveaux primaire et secondaire à des expériences communautaires, culturelles, technologiques et entrepreneuriales de façon continue, afin qu’ils explorent diverses possibilités d’avenir et qu’ils puissent s’accrocher à des projets qui les inspirent.

9) Au secondaire, rendre obligatoire un certain nombre d’heures d’implication dans la communauté par l’entremise de programmes de stages, de jumelage, ou de bénévolat.

10) Simplifier et valoriser les parcours de formation professionnelle en intégrant mieux ces options dans le parcours scolaire régulier, et en arrimant de manière réaliste les formations offertes aux opportunités de travail.

Il va de soi que la mise en œuvre de ces dix propositions ne réglera pas tous les problèmes du réseau d’éducation du jour au lendemain. D’autres réflexions et avenues de réformes sont aussi envisageables – en particulier concernant l’intégration et l’accompagnement des élèves à risque et des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage. Si l’impact des changements que nous proposons ne se fera sentir que sur plusieurs années, l’amour de nos enfants et l’avenir de notre société devraient toutefois nous inciter à agir dès maintenant. Le temps est venu de rompre avec l’immobilisme et le nivellement et de miser sur l’exigence, l’inspiration et le dépassement.

Signataires :
Benoît Archambault, Mario Asselin, Isabelle Fontaine, Francis Gosselin, Mia Homsy, Nadine Koussa, Vincent Lombard, Jérôme Lussier, Jocelyn Maclure, Louis-Philippe Maurice, Laura O’Laughlin, Patrice Servant, Claude Villeneuve

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