Bravo Yves Bolduc !

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».

J’apprenais hier par l’entremise d’un éditorial de Pascale Breton dans La Presse+ que le ministre de l’Éducation Yves Bolduc entend demander un nouvel avis à l’Office des professions concernant la création d’un Ordre professionnel pour les enseignantes et les enseignants. Voici une excellente idée.

Bien que ce projet ne date pas d’hier, il a le mérite de s’inscrire dans la foulée des recommandations du comité d’experts dont le rapport a été déposé la semaine dernière :

« Le comité d’experts recommande la mise en place d’un mécanisme d’évaluation continue du personnel enseignant et suggère que soit reconsidérée la possibilité de créer un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants. Il recommande aussi de hausser les conditions d’accès à la formation des maîtres. » (p. 8)

La dernière fois que l’Office des professions s’est prononcé sur ce sujet, voilà maintenant douze ans, l’avis était plutôt positif. Il faut voir tout au long de la lecture du texte le penchant pour l’option du «oui», puisque de très bons arguments y étaient présentés. Au moment venu de conclure, une retenue (comme si cette conclusion avait été écrite en toute dernière minute) avait fait en sorte que la recommandation est plutôt devenue : « pas encore nécessaire » ! Ce paragraphe de la page 65 me paraît cependant clair. Il plaide en faveur de mon interprétation des choses (les caractères en gras sont de moi) :

« Il ressort de ce qu’on vient d’énoncer qu’il serait avantageux, pour le système d’éducation, de s’inspirer, à certains égards, des mécanismes professionnels. L’Office déduit également de ses travaux que l’encadrement actuel peut continuer d’être amélioré et ainsi suffire, par ses voies propres, à mettre en place des mécanismes pouvant mener à des résultats comparables à ceux d’un ordre, dont l’évaluation de la pratique individuelle et la discipline… »

Le problème posé par cette recommandation est le suivant : « l’encadrement actuel » de la pratique individuelle de l’enseignement s’est-il oui ou non « amélioré » (et « ainsi suffire ») ?

C’est parce qu’il faut répondre « non » à cette dernière question que le débat doit reprendre et qu’un nouvel avis doit être demandé. Et s’il y a eu amélioration – ce dont je doute – certainement que cela ne suffit pas à « la mise en place de mécanismes pouvant mener à des résultats comparables à ceux d’un ordre ».

Mon collègue blogueur au Journal et syndicaliste de renom, Réjean Parent, s’est prononcé contre l’initiative parce qu’un ordre professionnel serait « en réalité en quête d’un plus grand contrôle des enseignants en projetant d’eux une image d’incompétence ».

J’en pense exactement le contraire.

J’ai personnellement répertorié seize raisons de se doter d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants au Québec :

  1. La mission de protéger le public : la raison d’être d’un Ordre professionnel.
  2. Mieux protéger le public : en particulier en ce qui concerne la prévention de certains risques de préjudices.
  3. Mieux protéger le public : en particulier en ce qui concerne le caractère confidentiel des renseignements que les enseignants obtiennent dans le cadre de leurs fonctions professionnelles.
  4. L’impact majeur sur l’autogouvernance de la profession enseignante par les enseignantes et les enseignants.
  5. Le transfert de certaines fonctions, pouvoirs et responsabilités de type professionnel qui étaient réparties, jusqu’à présent, entre divers intervenants du système scolaire.
  6. L’accès à une plus grande autonomie à l’échelle collective et individuelle.
  7. Une meilleure gestion du milieu de travail habituel ainsi que le droit d’exercer ou non cette nouvelle profession.
  8. L’assurance que l’évaluation des enseignantes et des enseignants s’effectue de façon professionnelle.
  9. L’amélioration importante du traitement des plaintes.
  10. L’assurance que la formation initiale, pratique et continue soient adéquate.
  11. Mieux protéger le public : y compris les bonnes enseignantes et les bons enseignants ainsi que la société québécoise actuelle et future.
  12. La réponse à de multiples besoins et attentes des enseignantes et des enseignants.
  13. Professionnaliser davantage le « contrat social » qui se doit d’exister entre le corps enseignant et la société québécoise.
  14. Une façon de démontrer concrètement l’importance et la valeur que la société québécoise accorde au corps enseignant ainsi qu’à leurs fonctions.
  15. L’établissement d’un organisme distinct, mais complémentaire, d’un syndicat.
  16. La nécessité de créer des liens forts… enfin, au Québec… entre le système d’éducation et le système professionnel.

Tout comme le pense le spécialiste en adaptation scolaire Égide Royer, la présence d’un Ordre professionnel des enseignantes et des enseignants permettrait que l’autogouvernance et l’autogestion (i.e. l’autoréglementation, l’autodiscipline et l’autofinancement) de la profession enseignante soient effectuées par ses membres qui connaissent le mieux les particularités qui sont inhérentes à leur profession, plutôt que par les fonctionnaires du Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, et les administrateurs des commissions scolaires, qui n’ont pas toujours une formation générale ou spécifique, ni l’expertise académique et professionnelle nécessaire pour analyser certaines questions complexes qui concernent l’enseignement.

Sommes toutes…

« La constitution d’un ordre professionnel n’est pas une récompense, une consécration ou encore un statut social conféré selon le mérite du groupe concerné. Il s’agit essentiellement d’un acte de l’État qui consiste à donner à un groupe de professionnels, des devoirs exigeants en vue de la protection du public, de même que des pouvoirs qui leur sont corollaires. » (Samson, Jean K., président de l’Office des professions du Québec, Allocution au congrès patronal de l’Institut canadien des évaluateurs agréés, 4 juin 1999, p. 19)

Voici donc une décision du ministre Bolduc qui s’en va dans la bonne direction!

Mise à jour du lendemain : Les profs de français prêts à être évalués

Mise à jour du 9 février 2015 : Je me suis réjoui trop rapidement, cette rare bonne idée du ministre Bolduc vient d’être repoussée aux calendes grecques.

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2 Commentaires
  1. Photo du profil de MarieBrassard
    MarieBrassard 8 années Il y a

    En accord ! Après avoir collaboré à la publication du Journal des Écrivains de la liberté et du Guide pédagogique JÉL ( Éditions Campanule) qui permet aux enseignants-es de développer une approche pour contrer la violence et l’exclusion, il m’apparait évident qu’un ordre professionnel puisse enfin ennoblir cette profession. Les multi-compétences de profs sont rarement soulignées. Pour ceux et celles qui croient qu’enseigner et être à l’écoute des jeunes est facile, lisez LE JOURNAL DES ÉCRIVAINS DE LA LIBERTÉ ( Érin Gruwell traduit par Nicole Gobeil) et vous allez mesurer l’importance de rencontrer de bons profs sur sa route. Ce livre est en librairie ou sur http://www.enlibrairie-aqei.com en version numérique. Marie Brassard, Laval

  2. […] juin, j’ai félicité Yves Bolduc pour sa proposition visant à créer un Ordre professionnel pour les enseignantes et les […]

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