«Se rebeller» conjugué à l’imparfait du professionnel

«Préférant enseigner la grammaire, l’orthographe et les tables de multiplication, un prof de primaire, qui n’a pas le temps d’enseigner certaines compétences prévues dans le programme, avoue carrément donner des fausses notes à ses élèves.»

Lu en pleine page du Journal de Montréal ce midi, cet extrait d’un article que je vais me faire un devoir de commenter en fin de semaine…

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7 Commentaires
  1. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 16 années Il y a

    M. Asselin,
    Ce qui m’embête dans tout ce débat, c’est qu’on va possiblement éviter de s’attarder à l’essentiel: des enseignants estiment que le renouveau pédagogique nuit à leurs élèves, mesurent dans leur pratique des effets négatifs de celui-ci.
    On va plutôt chercher à les faire taire, à les menacer. Mme De Courcy a même estimé qu’il fallait que ce discours négatif à l’égard de la réforme doit cesser parce qu’il nuit à l’école publique. «Toé, tais-toé», pourrait-on penser.
    Vendredi, j’animais un atelier à l’AQPF à propos du bouquin dont je suis le co-auteur et qui porte sur les ratés de l’enseignement du français. (J’attends d’ailleurs vos commentaires quant à celui-ci.) La trentaine de professeurs présents semblaient être des gens de bonne foi. Pourtant, tous ont indiqué les difficultés qu’ils vivent par rapport à la réforme, à l’évaluation. Il n’y avait aucun syndicaliste extrémiste dans la salle, croyez-moi. Dans la salle d’à-côté, les gens du MELS présentaient l’épreuve d’écriture de cinquième secondaire. Cette image de deux belles solitudes est particulièrement navrante…
    On a souvent accusé (en partie à tort) les enseignants d’avoir pris la réforme en otage lors des dernières négociations de travail. Celles-ci ont connu une fin abrupte avec la Loi 142, mais le malaise vécu par les enseignants quant à la réforme existe encore. Il va bien falloir que quelqu’un se rende compte quelque part au MELS que de pratiquer le déni et de jouer les gros bras ne mènera à rien.
    Les enseignants doivent être partie prenante de toute réforme éducative. Pour l’instant, on fait le renouveau sans une bonne partie d’eux. Dans certains cas, on les méprise. La situation des enseignants sur la table de pilotage est particulièrement révélatrice. Pourtant, ne sont-ils pas tous des professionnels à qui l’on fait confiance au point de leur confier notre jeunesse? Ne font-il s pas la preuve au quotidien de leur amour et de leur dévouement pour leurs élèves Pourquoi alors leur avis, leurs opinions seraient-ils immédiatement mauvais? Ou un dialogue est-il possible dans une telle situation? Actuellement, tout le monde est perdant et se campe dans ses positions.
    Les luttes idéologiques ont pris le dessus sur le bien des enfants. Dommage…

  2. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 16 années Il y a

    L’attitude de Mme De Courcy n’annonce rien de très positif, effectivement. Comment accueillir quelqu’un qui avoue «carrément donner des fausses notes à ses élèves?» J’imagine que l’heure est plus que jamais au dialogue. On dirait quand même que c’est l’affrontement qui est cherché de part et d’autre depuis qu’un groupe de syndicats s’est affranchi du «syndicalisme de partenariat» prôné par la FSE.
    Pour ce qui est de votre livre M. Papineau, je ne l’ai pas encore en mains. J’avoue ne pas m’être précipité pour l’obtenir ayant beaucoup à lire de trucs anti MELS ces jours-ci… Mais je finirai bien par le lire et vous faire part de mes observations un de ces jours!

  3. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 16 années Il y a

    Désolé de vous contredire, M. Asselin, mais l’esprit d’affrontement existe depuis ce que j’appelle le dérapage des États généraux de l’éducation ou nous sommes passés d’une réforme curriculaire à une réforme pédagogique. C’est davantage à ce moment que c’est produit le premier choc des idées, si l’on veut.
    La secousse atteint maintenant le secondaire alors que la plupart des profs de mon entourage vivaient dans la pensée magique que le renouveau n’irait pas jusqu’à eux…
    Cette montée de la contestation de la réforme n’est pas surprenante puisqu’un plus grand nombre d’enseignants se sentent maintenant directement touchés par celle-ci.

  4. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 16 années Il y a

    Je n’ai pas senti cela avant 2005 M. Papineau, mais ça ne veut pas dire que ça n’existait pas.
    Comment expliquez-vous qu’une personne comme M. Inchauspé soit toujours d’avis que la réforme est davantage une question de curriculum que de pédagogie? Je sais bien qu’au départ, la façon dont c’était déployé prêtait flanc à ce jugement, mais maintenant, je vois moins ce que vous dites. Les objections tournent beaucoup autour du sujet de l’évaluation et de la logique des compétences. Depuis qu’il est clair que l’apprentissage par projet n’est pas posé en dogme, je vois mal comment l’argument du renouveau trop axé «pédagogie» tient la route. De plus, le schisme syndical ne part-il pas d’une trop grande complicité apparente entre la FSE et le MELS sur le sujet de la réforme? Il y a bien eu les boycotts, mais ça me semblait plus une question de contexte de négo que des objections de fond.
    Il doit m’en manquer un bout 😉

  5. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 16 années Il y a

    M. Asselin,
    Il devait donc y avoir des précurseurs quant à la contestation entourant la réforme dans mon milieu! J’étais moi-même assez inquiet lors de son implantation au primaire alors que, pourtant, j’enseigne en cinquième secondaire. Certains aspects reliés à l’évaluation et au non-redoublement me chiffonnaient drôlement.
    Il est vrai que le discours entourant les méthodes pédagogiques a changé récemment. Seulement, est-ce le cas des modes d’évaluation, des supports pédagogiques? J’ai mes réserves et j’ai plutôt l’impression qu’on emploie un double langage si fréquent en politique. Disons qu’il y a effectivement un recentrage du discours politique, mais dans la pratique… on n’en est pas rendu encore là.
    Par ailleurs, je crois toujours que le noeud, la clé de voûte de toute pédagogie, c’est l’évaluation. Dis-moi ce que tu évalues et comment tu l’évalues et je te dirai qui tu es. À tort ou à raison, plusieurs enseignants estiment que, si on évalue des compétences, c’est que celles-ci sont ministériellement plus importantes que les connaissances.
    Pour ma part, j’aurais créé un bulletin double: connaissances et compétences. Et l’un ne vaut rien sans l’autre… Nous reparlerons sûrement un jour de mes positions sur cette fameuse réforme scolaire.
    Enfin, je ne crois pas que le schisme FSE-FAE soit basé uniquement sur une trop grande complicité de la FSE avec le MELS quant à la réforme. Les dirigeants de la FSE, dans leur esprit, ont peut-être mis de l’avant l’idée d’un boycott de la réforme sans se rendre compte des véritables motivations des enseignants qui ont appuyé celui-ci. Plusieurs l’ont fait, non pas par opportunisme syndical, mais bien parce qu’ils ne souscrivaient pas au renouveau.
    Les leaders de la FSE, quant à moi, ont montré une incompréhension de leurs membres. Je me souviens de cette assemblée syndicale ou l’exécutif local avait pour mandat de nous amener à renoncer aux cotes d’élève et à une réduction du nombre d’élèves par groupe, deux revendications très populaires auprès de la base militante et dela population en général. Ce fut une job de bras pas très honorable. De telles actions ne peuvent susciter que la grogne et le méfiance. Et quand on voit ajourd’hui la FSE calquer un peu son discours sur celui de la FAE, on peut s’interroger s’il s’agit de convictions profondes ou de survie politique.

  6. Photo du profil de DanielTrottier
    DanielTrottier 16 années Il y a

    Cher Mario, cher M. Papineau,
    Ça ressemble à quoi un prof délinquant, je veux dire un prof qui n’applique pas la réforme? Parce qu’avant d’envoyer la police des mœurs pédagogiques faire une descente dans une école, faudrait avoir une idée de ce qui est interdit. Savoir ce qui est licite et ce qui ne l’est pas. Qui en décidera? Qui seront les curés, rabbins ou ayatollahs qui guideront les brebis égarées vers le camp de rééducation (je propose la station Duchesnay)? Maintenant que toutes les pédagogies se valent et ont droit ce cité, ça rime à quoi les menaces de Madame De Courcy et de Monsieur Fournier? Oh, tant qu’à délirer, y a-t-il quelqu’un qui a songé une seconde porter plainte contre le MÉLS au moment où il décrétait un seul modèle pédagogique, en contravention de l’article 19 de sa propre Loi sur l’instruction publique? Au fait, puisque toutes les pédagogies méritent d’être utilisées, pourquoi « Le Renouveau Pédagogique »?
    On est chez Kafka, là.
    En 2002, au moment des difficiles négociations sur l’équité salariale, l’Alliance des profs de Montréal a demandé à ses membres de ne pas appliquer la pédagogie du projet, dans le but manifeste de retarder la réforme (Le bis, vol. 25, 2 avril 2002). Cette position pour le moins … surprenante, pour ne pas dire ridicule, n’a suscité à l’époque aucune réaction des autorités. Pas de « vocifération » du ministre ou de la présidente de la CSDM (l’expression est de Mme Chouinard dans le Devoir du week-end : http://www.ledevoir.com/2006/11/04/122181.html# ). Pourtant, est-ce moins ridicule maintenant?

  7. Photo du profil de DanielTrottier
    DanielTrottier 16 années Il y a

    J’en remets une couche.
    Pour reprendre l’expression de M. Papineau, le « double discours » tient toujours la route. On est toujours – je devrais dire : on s’enfonce – dans une réforme pé-da-go-gi-que, malgré ce qu’en pense Josée Boileau (Le Devoir : http://www.ledevoir.com/2006/11/04/122156.html). Allez voir la littérature officielle du côté de l’évaluation pédagogique. C’est un véritable smog. Et j’ai l’impression que c’est Rona Ambrose qui pilote le dossier. Je ne crois pas être le dernier venu en ce domaine, mais là, je perds tous mes repères. Alors, la résistance naît-elle d’un désaccord ou bien tout bonnement d’une limite intellectuelle? Je parle pour moi bien sûr.

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