Est-il vrai que les TIC modifient la façon de penser de l’élève ?

J’ai reçu cette question par l’entremise d’un courriel d’une liste de diffusion. Invitation à répondre ou façon de poursuivre la discussion amorcée par ce texte de la dernière édition de Vie Pédagogique (.pdf, « Communiquer à l’heure d’Internet ») ? De fait, le libellé exact des questions posées par Robert Bibeau était le suivant : «Question… Au delà de la formule éculée… est-il vrai que les TIC modifient la façon de penser de l’élève (:-? En quoi et comment (:-? Question subsidiaire…Le fait de distribuer le présent message via Internet en altère-t-il la nature et le contenu ((:-? Salutations cordiales ************
Je ne sais pas trop quoi répondre. Mon premier réflexe de directeur d’école serait de répondre «NON, les TIC n’ont pas le pouvoir de modifier la façon de penser des élèves (ni celle des adultes !)», mais « le gars de terrain » qui vit une expérience d’intégration des technologies assez particulière a le goût de ne pas répondre dans ce sens…
En quoi les TIC modifieraient la façon de penser des élèves et comment ?
Pour bien « traduire » le fond de ma pensée, je crois que je ne peux que raconter ce que j’observe… Est-ce que ce sera suffisant pour démontrer qu’un OUI s’impose comme réponse ? Je laisserai les gens qui me lisent en juger !


Par l’outil des TIC cette année, quarante-trois élèves publient sur le Web à chaque jour. Sous la gouverne d’enseignants chevronnés, les jeunes ont découvert que le fait de publier dans leur cyberportfolio peut faire tomber « les murs de leur école ». Des gens de partout dans le monde lisent le fruit de leurs travaux et de leurs réflexions quelques secondes après qu’ils aient utilisé un système sophistiqué qui permet à un abonné (ou à un visiteur du moment) de savoir rapidement qu’une nouveauté vient de naître à St-Joseph. Le fait de communiquer « à cette vitesse » avec des gens que souvent, ils ne connaissent pas, a contribué à modifier leur soif de connaissances.
L’expérience « des Petits Carnetiers du Devoir » est un exemple de levier qui amène certains élèves de l’école que je dirige à s’intéresser différemment à des sujets peu usuels pour des jeunes de cet âge. Aussi, une enseignante au programme CARRIERE racontait récemment à un chercheur anglophone que «The students get to know each other better by visiting and reading blogs from other students. They discover, in a non-threatening way, their similaries and differences. The student who usually talk very loud in the classroom and the student who is very timid have the same writing space to voice their opinion. It puts students in a situation of equity. »
En ce moment j’observe que l’utilisation régulière d’un outil qui est « de la technologie de l’information et de la communication » (le cybercarnet) transforme certaines relations interpersonnelles.
Améliore ? (une teinte de transformer) Faudra attendre un peu…
Au niveau de certains apprentissages ? Assûrément, en français écrit, en lecture et au niveau de certaines compétences transversales ! Mais attendons encore un peu !
Je n’ose pas m’avancer encore plus loin de peur de passer pour un exalté !
Mais je me permets de relancer ces questions : «À défaut de pouvoir dire que les TIC modifient les façons de penser des élèves, est-ce qu’on ne peut pas au moins affirmer qu’elles changent la manière dont ils AGISSENT quand ils réfléchissent à l’aide des TIC ? (c’est à dire: est-ce qu’ils ne relisent pas leurs textes davantage ? Est-ce qu’ils n’articulent pas leurs idées davantage, etc.? Ne serait-ce que « parce qu’ils sont lus »?) Si c’est le cas, est-ce que ça n’a pas le même effet ? C’est à dire changer le résultat de l’apprentissage ? Cet effet visé n’est-il pas un des changements de comportement (ce qui est peut-être mieux qu’un changement de «manière de penser») à promouvoir, l’objectif étant d’apprendre plus efficacemement, en étant plus « compétent » ?»

11 Commentaires
  1. François Guité 18 années Il y a

    Une première réflexion, à brûle-pourpoint : il y a assurément une différence dans l’intensité, et par conséquent dans la qualité, de pensée entre un élève qui écrit pour la communauté et celui qui écrit seulement pour le professeur ‹ l’intention d’écriture est aux antipodes. La différence affective est cardinale. Qu’on ne me dise pas que celui qui sait que son texte n’ira jamais plus loin que le bureau du prof investit la même démarche réflexive que celui qui écrit dans un contexte d’émulation et dans l’espoir que ses idées (et son nom) se propagent par ricochet.
    Et puis cette autre considération : dans une perspective socioconstructiviste, est-ce que le output n’est pas fonction de la qualité du input dans une culture de réseau ?

  2. Photo du profil de ClaudeFrenette
    ClaudeFrenette 18 années Il y a

    En fait, si je reviens à l’excellent article de Marie-France Laberge qui a déclenché cette discussion, la question n’est pas tant de savoir si les TIC façonnent la pensée des élèves mais plutôt : peut-on les mettre de côté et enseigner comme si elles n’existaient pas ? Mme Laberge examine la question sous plusieurs angles forts pertinents : la socialisation, la qualité de la langue, la spontanéïté des communications, l’éclatement des murs de l’école, la Netiquette, l’identité personnelle, etc.
    Il ne fait aucun doute dans mon esprit que les technologies sont incontournables et que l’école doit s’en préoccuper activement. L’expérience vécue à L’Institut St-Joseph illustre bien les impacts que les TIC, intégrés aux activités d’apprentissage, provoquent. Ça change radicalement l’attitude de l’enseignante ou de l’enseignant. Il doit faire preuve d’une grande ouverture pour saisir au vol les occasions qui se présentent par telle ou telle intervention dans les forums et par les interactions entre les personnes proches ou éloignées.
    J’attire votre attention sur la dernière section de l’article sous le titre Missions et Mandats. Marie-France Laberge y énumère un certains nombre d’actions à entreprendre et les différents plans où l’école doit jouer un rôle.
    Que ça change ou non la façon de penser, on le verra bien avec le temps. Une chose est certaine, ça change drôlement notre façon d’agir en tant qu’enseignant et le rapport entre nous, les élèves, la classe et le reste du monde.

  3. Photo du profil de D.Michaud
    D.Michaud 18 années Il y a

    Les TIC permettent d’apprendre et de communiquer différemment. L’ordinateur est une grande source de motivation pour les élèves. Mes élèves sont toujours contents de s’en servir. Si les élèves apprennent et communiquent différemment avec les TIC donc…penser différemment est une possibilité.

  4. Robert Bibeau 18 années Il y a

    Je retiens cet extrait du commentaire de M. Asselin  » Mais je me permets de relancer ces questions : «À défaut de pouvoir dire que les TIC modifient les façons de penser des élèves, est-ce qu’on ne peut pas au moins affirmer qu’elles changent la manière dont ils AGISSENT quand ils réfléchissent à l’aide des TIC ? (c’est à dire: est-ce qu’ils ne relisent pas leurs textes davantage ? Est-ce qu’ils n’articulent pas leurs idées davantage, etc.? Ne serait-ce que « parce qu’ils sont lus »?) Si c’est le cas, est-ce que ça n’a pas le même effet ? C’est à dire changer le résultat de l’apprentissage ? Cet effet visé n’est-il pas un des changements de comportement (ce qui est peut-être mieux qu’un changement de «manière de penser») à promouvoir, l’objectif étant d’apprendre plus efficacemement, en étant plus « compétent » ?»
    Je suis d’accord avec ces supputations. Je ne spécifie qu’une chose et je réponds de ce fait également à M. Frenette…ce n’est pas moi qui ai parlé de « transformer la façon de penser » …C’est madame Laberge qui cite un dénommé Perrenoud (page 18).
    Pour ma part, je crois que les TIC ne modifient pas la façon de penser de l’enfant dans ses fonctions les plus fondamentales et les plus élémentaires ou alors, et si elles le font, je demande que l’on me décrive le mécanisme psycho-pysiologique fondamental en mutation et ses conséquences pratiques dans le quotidien de l’enseignement en classe. Je veux connaître le profil du mutant.
    Ces affirmations de Messieurs Perrenoud et Serre sont de la vulgarisation scientifique vulgaire mais ne font pas partie de la vulgate des TIC.
    Qu’est-ce que changer de façon de penser ? Avant de décrire le processus, il faut décrire ce que l’on entend par changer la façon de penser, puis démontrer dans l’agir de l’élève la perception que l’on a que l’ancienne façon de penser (la décrire) devient la nouvelle façon de penser (la décrire) puis montrer en quoi l’usage des TIC est à la source de cette transformation et on peut terminer en indiquant quelles seront les conséquences à long terme pour l’espèce humaine de cette mutation fondamentale.
    Exemple… Je puis décrire d’après les recherches comment la posture debout et la capacité de préhension de la main a transformé, croit-on, la capacité de la boîte cranienne de l’homme préhistorique et les chercheurs subodorent que cela a transformé sa capacité de réfléchir, de penser, d’interagir avec son environnement.
    C’est de mutation semblable que l’on parle ici quand on déclare que les TIC transforment la façon de penser par induction, déduction, hypothèse, généralisation, inférence, transfert, etc. des élèves.
    La preuve-démonstration reste à faire à mon humble avis.
    Robert Bibeau
    2-6-2004

  5. Photo du profil de B.Long
    B.Long 18 années Il y a

    Je ne crois pas que la technologie modifie la façon de penser mais elle agrémente la façon d’apprendre, de publier des réflexions ou des travaux et de vivre au quotidien. Les TIC élargissent certainement le champ de connaissance des élèves tout en captant leur intérêt.
    Pour ce qui est de « la façon de penser », je me questionne vraiment. Personnellement, j’aime beaucoup la technologie, je m’en sers au quotidien mais, il me semble, que je pense encore de la même façon: mes valeurs et ma philosophie de la vie n’ont pas changées. Oui j’agis différement quand j’ai à m’informer, à rechercher, à communiquer rapidement avec quelqu’un, à faire des affaires mais le fond de ma pensée est toujours la même. Avec les TIC, j’ai seulement plus de temps pour penser car j’évite des pas, des fils d’attentes,….

  6. Mario Asselin 18 années Il y a

    Histoire de garder la trace des différentes opinions sur ce sujet, je soumets ce billet que le pisteur n’a pu « capter » !

  7. François Guité 18 années Il y a

    La question théorique, très bien formulée, que pose M. Bibeau est intéressante dans une perspective objectiviste. Dans le cas qui nous intéresse cependant, c’est-à-dire « la façon de penser de l’élève », il faut reconnaître que le « mécanisme psycho-physiologique » est subsidiaire à la qualité du processus, laquelle en est aussi un attribut. Dans l’hypothèse où les opérations cognitives sont égales par la forme, un gain qualitatif est tout aussi ‹ sinon plus ‹ important. [Cela dit sans vouloir mettre en doute la weltanschauung de M. Bibeau.]

  8. Photo du profil de BrunoDevauchelle
    BrunoDevauchelle 18 années Il y a

    Pour faire suite à plusieurs remarques, je m’étonne que l’on ne distingue pas TIC et usage des TIC. Cette absence de clarification amène à des confusions regrettables. Je crois que le niveau de débat que nous voulons avoir nécessite une grande précision dans les concepts et notions utilisés. Un exemple, Robert Bibeau a traduit mon message de la façon suivante : « si l’on introduit un « récepteur » dans le processus de discussion on altère le message… puisque chacun percevrait l’information de façon différente…pas si sûr que cela. De toute façon, le message n’est pas altéré par une perception différenciée » Je ne peux qu’être d’accord avec cette deuxième phrase, mais constater que je n’ai pas voulu dire que le message était altéré en tant que tel, mais que la réception est de toute façon une altération du message, ce qui est très différent. En effet, si j’insiste sur la nécessité de distinguer TIC et usage des TIC, c’est bien qu’il faut différencier les travaux sur les artefacts des travaux sur la construction sociale, c’est à dire l’appropriation, de ces artefacts.
    Bruno Deauchelle

  9. Photo du profil de BenoitSt-Andre
    BenoitSt-Andre 18 années Il y a

    Petit commentaire avec un clin d’oeil à Robert Bibeau:
    C’est écrit où ça qu’on pense par induction, hypothèse, généralisation, … ?
    Modèles modèles, tout cela n’est que tentative de modélisation.
    Si on s’entend pour que certaines « façons de penser » existent, on pourrait peut-être dire que les TIC font que les élèves d’aujourd’hui sélectionnent l’une ou l’autre de ces stratégies d’une façon différente que leurs prédecesseurs le faisaient sans les TIC.
    Mais probablement que certaines personnes utilisaient déjà ces stratégies de toutes façons avant cela. Bref, de lier cela directement à des processus psycho-physiologiques est très très hasardeux… Et drôlement difficile à prouver.

  10. Robert Bibeau 18 années Il y a

    Retour de clin d’oeil à Benoît St-André.
    C’est vrai… les élèves utilisaient ces stratégies de réflexion avant les TIC et les utilisent toujours (tu sais ces questions d’induction- déduction-généralisation-transfert… etc.) et ces façons d’aborder un problème et d’en chercher la solution ne sont pas apparues avec les TIC.
    Ces assertions sont écrites dans les livres de psychologie et dans les dictionnaires. Les élèves pensent et abordent les problèmes en suivant l’une ou une combinaison de ces stratégies (voir la définition dans le dictionnaire. Déduction : Procédé de pensée…)
    Je ne relie pas celà à un processus psycho-physiologique. J’ai simplement souligné que lors de l’une des phases importantes de transformation du cerveau humain (passer de la station à 4 pattes à la station debout sur deux pattes, l’on croit que cela a entraîné de telles transformations.
    Je ne vois rien de tout celà dans la soi-disant apparition de la soi-disant « société des communications » et autre « société du savoir » qui ne sont que des formules populaires et populistes.
    Les élèves sélectionneraient différemment ces stratégies grâce aux TIC… Là il y a peut-être un filon de recherche.
    Le but de mon intervention… « avant de reprendre à son compte de telles formules qui font bien dans une conversation de salon et d’appuyer ses interventiions en faveur de la généralisation des TIC à l’école (but louable bien entendu) sachons de quoi l’on parle, faisons investigations et recherche et ne soyons pas des perroquets inconscients qui utilisent ces formules ronflantes mais vident de sens ».
    Sans préjudice à l’encontre de M. Perrenoud de M. Serre et de M. Papert et de M…..

  11. Photo du profil de StephaneAllaire(Ytsejamer)
    StephaneAllaire(Ytsejamer) 18 années Il y a

    Je n’ai pas tendance moi non plus à croire que les TIC modifient notre façon de penser. Ceci étant dit, c’est une question à laquelle on ne peut répondre à court terme. L’échelle de temps est beaucoup trop court pour pouvoir faire de telles constatations, voire réaliser des recherches à ce sujet. Les effets du passage de la station à quatre pattes à la station verticale ont pris des milliers d’années à se produire. Comme vous vous en doutez sûrement, c’est un changement qui est très, très, très graduel. On est devant la parabole de la grenouille ébouillantée… et on doit prendre notre curiosité en patience!

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