Voir venir la pratique carnetière adolescente

François Guité a rédigé un billet qui m’a beaucoup « habité » ces derniers temps. Je suis directeur d’une école primaire actuellement, mais j’ai oeuvré au secondaire pendant quinze ans. La réalité des adolescents commande d’envisager la pratique carnetière en voyant venir les joies et les peines susceptibles de pimenter le quotidien d’un milieu scolaire voulant relever le défi de favoriser des apprentissages au contact de cet outil puissant… très puissant. François me semble sur la bonne voie.
Voici une collection de documents parus essentiellement en Europe qui témoignent de l’importance de prendre les devants en matière de publication Web de type « blogue ». Je me permettrai de commenter chaque extrait…
Ferme ton blog d’abord !
«La guerre aux blogs menace dans les collèges et lycées. Depuis le début du mois, les exclusions définitives se multiplient à l’encontre de jeunes bloggeurs de plus en plus nombreux à cogner sur leurs cibles préférées: professeurs et camarades de classe.»
Le scolaire va probablement agir comme d’habitude avec cette pratique; avec la drogue dans les années soixante-dix, avec les gangs de rues plus tard et pour le clavardage ces années-ci, c’est pareil. ON FAIT COMME SI ÇA N’EXISTAIT PAS jusqu’au moment où ça va nous déranger à l’interne… On n’apprend pas vite ! Les adolescents risquent de s’approprier cette pratique du carnet Web et la développer en marge de la fonction « aide à l’apprentissage » et « portfolio personnel » avec toutes les dérapes que cela peut prendre hors de ce beau prisme que peut être l’école. Restera les sanctions salées pour tenter de contrôler le tout et au mieux, un encadrement à la sauvette, histoire de ne pas perdre la face…
Les dérives de blogs d’adolescents
«D’un point de vue purement psychologique le blog peut en effet représenter un espace où exprimer librement sa créativité, voire, sur un autre registre, un défouloir. En effet, être en ligne a un effet désinhibant. Cette désinhibition est liée pour John Suler (John Suler. (2002). The Online Disinhibition Effect. In The Psychology of Cyberspace ) aux facteurs suivants :
Anonymat : le blogueur a la possibilité de prendre un faux nom. Ainsi les pseudos sont fréquents.
Invisibilité : le blogueur n’est pas en situation de face à face avec son public.
Asynchronisme : écriture et lecture du blog ne se font pas nécessairement au même rythme ou aux mêmes heures.
Nivellement : dans les contacts établis via l’internet, les différences et les écarts, tout de suite visibles dans le même réel, disparaissent. Chacun a les mêmes possibilités de s’exprimer.»

En contexte scolaire, je crois qu’on peut agir facilement pour contribuer à ce que « l’ado-blogueur » se garde une p’tite gêne en ne lui permettant pas tout à fait d’être anonyme (ce qui est un piège en fait que de se croire réellement anonyme), du moins à l’interne. En encadrant la pratique et en favorisant des usages qui feront émerger toute la beauté de tenir « pignon sur le Web », la conversation qui s’ensuivra pourra mieux tabler sur ces caractéristiques pour ce qu’elles apportent de mieux plutôt que l’inverse.
Les blogs adolescents, espaces d’affirmation de soi et de découverte de l’autre
«Contrairement aux adultes, plus égocentriques et formant des réseaux plus flous, les adolescents créent, via leur blog, une communauté restreinte avec des liens très forts. Ils recréent, en ligne, un cadre privé fait de relations de voisinage. (…) Leurs blogs servent surtout de lieux de mémoire, recensant les moments forts du groupe. Et ils ont une fonction de validation du lien : chacun utilise l’ensemble des internautes potentiels, quelque chose de totalement idéalisé, pour affirmer son identité. Les blogs témoignent ainsi d’un besoin de partage et de validation par ses pairs, et d’une volonté de manifester son appartenance à la culture adolescente.»
Voilà des utilisations spontanées qui me semblent propices à donner de bonnes idées aux éducateurs à la recherche d’outils pour formuler et résoudre des tâches authentiques. Voilà aussi pouquoi je crois que les caractéristiques de l’adolescence et le potentiel du carnet Web risquent de faire un excellent duo si des adultes responsables et attentionnés se commettent dans des utilisations originales, stimulantes et nourricières, en harmonie avec un certain regard et jeune et adulte (lecture, et quelques commentaires pas trop « mon fils tu es dont bon »; les ados n’aiment pas que leurs parents agissent « en têteux » aux vues de leurs copains!!!).
Les élèves ne comprennent pas que le droit s’applique aussi à leurs blogs
«On doit au plus vite expliquer qu’il y a des règles et qu’il faut les respecter. Que la diffamation, l’injure ou l’atteinte à l’image ou à l’intégrité de la personne est passible de poursuites pénales. De nombreux jeunes en ont conscience dans la vie réelle mais ne comprennent pas que ces règles s’appliquent aussi au virtuel.»
Je suis d’avis qu’en leur permettant de vivre d’abord à l’école certaines expériences du type de celle de publier sur un cybercarnet, nous permettons à des adolescents d’apprendre la vie par de moins grosses bouchées ce qui rend le tout plus agréable, savoureux, digestible et qui donne le goût d’y revenir… Il y a des domaines où l’école n’a pas beaucoup affaire à mon avis à l’adolescence (conduite automobile, relations sexuelles, pratiques religieuses, etc.), mais en matière de publication Web, je crois vraiment que nous pouvons contribuer à faire de cet outil du carnet Web un levier puissant pour apprendre mieux et pour plus longtemps.
***********
Pouquoi ne pas voir venir et s’y mettre plutôt que d’attendre que les usages douteux viennent nous tomber dessus et surtout, nous placer sur la défensive alors qu’un si bel outil pour faire écrire, lire et réfléchir existe et ne demande qu’à être utilisé ?
Mise à jour du 29 mars : Ce billet de Will donne à penser qu’aux États-Unis également, interdire est le moyen facile d’encadrer la pratique carnetière en émergence !

2 Commentaires
  1. François Guité 17 années Il y a

    Merci beaucoup, Mario, de ces ressources additionnelles et de tes commentaires enrichissants. Tout ça va nous être utile dans la gestion des blogs avec les ados. J’aime particulièrement cette pensée : « Je suis d’avis qu’en leur permettant de vivre d’abord à l’école certaines expériences du type de celle de publier sur un cybercarnet, nous permettons à des adolescents d’apprendre la vie par de moins grosses bouchées ce qui rend le tout plus agréable, savoureux, digestible et qui donne le goût d’y revenir… »

  2. Guitef 17 années Il y a

    Étude sur les causes de l’intimidation

    Une étude sur l¹intimidation, publiée dans la revue Archives of Pediatrics & Adolescent Medicine, identifie quelques facteurs qui contribuent à l¹intimidation chez les jeunes (ABC News : TV linked to bullying). Les facteurs en question sont l¹environne…

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