Sol, «Une oreille à tentative», 1929-2005

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J’ai appris hier soir la mort d’un héros de mon enfance et l’un des seuls personnages qui ait continué de l’être pendant ma vie d’adulte. Sol incarné par Marc Favreau m’a TOUJOURS fait rire en trouvant les mots qu’il fallait pour que je prenne la langue au sérieux :

« Je vous en prie, ne donnez pas votre langue au chat.
Elle est trop précieuse, elle est notre instrument de survie.
À travers toutes vos matières à enseigner, de tous ces chats que vous devez fouetter, le plus récalcitrant sera toujours notre langue : c’est plus qu’un chat, c’est un tigre!
On n’en a jamais fini de l’apprivoiser…
Dites à vos élèves qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils partagent un français bien vivant avec des millions d’étudiants, dans 52 pays… que leur langue se doit d’être claire, nette et précise, car il en va de l’image que projette le Québec à l’étranger.
Nous attendons de vous, chers professeurs, que vous appreniez à nos petits-enfants, en toute sincérité, que rien n’est facile, que le passé n’a jamais été très simple… que le présent est plutôt vindicatif… et que leur futur sera toujours conditionnel…
Notre langue, toute en images, nous offre un aspect ludique.
Faites en sorte qu’ils jouent avec les mots, qu’ils y trouvent du plaisir.
Apprendre, parler, conjuguer, accorder, discourir, rédiger, s’exprimer… dans une langue aussi complexe que la nôtre, quel bonheur!
Et quelle joie d’en savourer toutes les nuances et les subtilités! »

Marc Favreau, 21 mars 2002 au CPIQ, en tant que lauréat du Mérite d’honneur 2002 du français et de la francophonie en éducation.

J’ai eu l’immense bonheur de discuter, les yeux dans les yeux, avec Monsieur Favreau au milieu des années 90. J’avais fondé un théâtre d’été au Collège Rivier et nous avions choisi « d’ouvrir » notre saison en produisant deux spectacles de Sol. Je me souviens de ces deux salles pleines. Je me souviens du grand soin que le monologuiste prenait à préparer son spectacle sans artifice, avec une poubelle pour seul élément de décor. Je me souviens surtout du moment privilégié qu’il nous avait offert au sortir de son premier soir de spectacle. Je voulais lui exprimer ma fierté qu’il ait accepté de venir nous voir à Coaticook dans une toute petite salle, lui «un monument». Il m’avait laissé entendre que le fait que cette salle soit dans une école avait beaucoup joué dans sa décision et puis… « j’aime les jeunes plus que tout au monde! »

Notre « clochard-philosophe national » né « d’une mère courage» et «d’un père plexe» demeurera celui qui nous aura appris à jouer avec les mots pour nous faire découvrir la langue française sous un jour nouveau, parlante comme jamais.

«Estrardinaire… rouuuuuuaaaaaahhhhh!»

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5 Commentaires
  1. Photo du profil de FrancoisGuite
    FrancoisGuite 17 années Il y a

    Très beau témoignage, Mario. Merci de rendre hommage à un être « estrardinaire », un iconoclaste qui a su lutter jusqu’à la fin pour élever la condition humaine et les joies de la langue.
    Où en serions-nous, aujourd’hui, sans ces artistes pour nous rappeler l’essence de la vie ? La vitesse de l’électronique se prête mieux aux déplacements de surface que de profondeur.
    Cela assombrit une journée d’hiver déjà bien grise. Mon coeur épanche encore ses larmes.

  2. Lyonel Kaufmann 17 années Il y a

    Sol a étendu fort loin du Québec son art.
    Pour ma part, j’ai eu la chance de pouvoir le voir sur scène une fois en Suisse.
    Ce n’était pas seulement un artiste jouant avec les mots. Derrière il y avait plus. Il y avait une vision du monde. Un respect des gens et de la planète sur laquelle nous passons.
    Ce soir aussi, chez moi, le monde est un peu plus triste. Malgrè la beauté de la neige qui a déposé son manteau blanc.
    Merci à Mario aussi pour son témoignage.

  3. Photo du profil de JeanA.Williamson
    JeanA.Williamson 16 années Il y a

    J’ai toujours détesté la langue française, non pas parce que j’éprouve des difficultés en la matière, mais parce que c’est beaucoup trop compliqué pour rien. L’important c’est le message et non la façon de le transmettre, mais Sol me fait rire à chaque fois. Je trouve remarquable qu’une personne puisse trouver un moyen de me faire apprécier quelque chose que je n’aime pas. Bravo à Sol.

  4. Photo du profil de AntoineFavreau
    AntoineFavreau 15 années Il y a

    C’est mon père qui m’a fait découvrir Sol. Au début, il ma l’avait présenté seulement en tant qu’un Favreau, car je suis moi-même un Favreau. Mon père pensait que si je voyais un Favreau à la télé, je serais content seulement parce que nous avons le même nom de famille, qui est peu commun je dois dire. Plus tard, j’ai lu des monologues de Sol, j’ai vu des spectacles de Sol, j’ai même trouvé des émissions de Sol et Gobelet. Je suis tombé en amour avec son personnage, et ses jeux de mots. Je n’ai que 14 ans, je ne l’ai pas connu vivant longtemps, mais je l’adore et l’adorerai toujours.
    Adieu Sol!
    Adieu Marc Favreau, poète disparu.
    D’un Favreau admiratif.

  5. Photo du profil de AndreLeBlanc
    AndreLeBlanc 14 années Il y a

    Il y a eu seulement trois personnes qui m’ont fait rire presque autant que Louis de Funes, et Marc Favreau en était un – les deux autres étaient Leslie Nielsen et John Cleese. Sa mort est tragique pour un monde qui ne rit pas aussi souvent qu’il devrait. Je n’oublierai jamais ce que ces comédiens ont fait pour embellir notre vie.

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