Le projet de loi 88 de Mme Courchesne: tout le contraire d’une décentralisation

On ne s’en va pas dans le sens de ce que je souhaite en matière de gouvernance scolaire avec les dernières propositions du gouvernement Charest par son projet de loi 88. Mis à part l’élection des présidents des commissions scolaires par le suffrage universel et la mise en oeuvre d’un nouveau poste de Protecteur de l’élève, je ne vois rien de bien positif pour les écoles et les apprentissages des élèves dans ce projet de loi.
«Mme l’inspectrice», comme l’écrit si judicieusement Marie-Andrée Chouinard du Devoir tente de reprendre du contrôle (plus qu’il n’y en a jamais eu) en centralisant le pouvoir loin de l’action, au Cabinet de son ministère. Je ne pourrais l’écrire mieux que l’a fait Le Neuf et Mme Courchesne va bien plus loin:

«Le balancier est revenu du côté du contrôle depuis quelques temps déjà. On appelle ça des enveloppes dédiées. Dans le langage de tous les jours, c’est de l’argent « taggé ». Et ça, on en a de plus en plus dans les écoles. Appelez une direction d’école, de préférence en milieu défavorisé, et demandez-lui le nombre « d’états de situation » et de plans d’action qu’elle a à produire pour satisfaire à des politiques et des programmes qui nous arrivent chaque mois: un état de situation et un plan à faire pour des Écoles en Santé, d’autres encores pour la Stratégie d’intervention Agir Autrement, encore aussi pour faire le point sur la violence, bien s’alimenter et tutti quanti. Le plan de réussite de l’école, c’est rendu une grosse boîte à malle. On passe chaque jour, en allant promener le chien, et on ramasse les commandes.»

L’ADQ a parlé timidement d’une mise sous tutelle des C.S., les syndicats ont émis un communiqué traduisant une position qui ne veut à peu près rien dire et le parti québécois entend étudier le projet de loi avant de dire s’il votera en faveur (d’autres réactions ici et ). Les chances du gouvernement de pouvoir aller de l’avant avec ces propositions me semblent assez faibles, même si, du coup, je doute que les partis d’opposition voudront aller en élection sur cette question.

Pourtant, les études commandées par la FQDE semblent démontrer clairement que «Les Québécois favorisent la décentralisation» au niveau scolaire. Je crains que le goût de Mme Courchesne de passer pour quelqu’un qui veut «mettre à sa main» un ministère et un système d’éducation qui traîne la mauvaise réputation de ne pas être assez malléable y soit pour beaucoup dans le dépôt de ces propositions. Force est d’admettre que le capital de la ministre de l’Éducation actuelle auprès des électeurs est bon et elle se sent sûrement appuyée, dans les circonstances. Au moment où l’ADQ change de porte-parole en éducation (Sébastien Proulx remplacera François Desrochers) et où, de toute façon, ils n’ont offert aucune réelle opposition à Mme Courchesne, on ne peut compter sur eux pour déstabiliser les libéraux par une critique bien sentie. Mme Malavoy du P.Q. pourrait peut-être jouer ce rôle, mais je crains que le parti québécois soit tout aussi frileux dans ses propositions visant à redonner un peu de «oumfff» à la démocratie scolaire.

Je suis déçu, mais pas surpris. Le Forum sur la démocratie et la gouvernance des commissions scolaires se sera avéré un exercice bien futile s’il débouche sur un débat mort né, avec des commissions scolaires déçues, voire blessées, deux réseaux scolaires aux prises avec des problématiques bien plus importantes au niveau des enjeux scolaires, mais encore au centre de querelles stériles, alimentées en partie par des syndicats qui croient trop souvent que les solutions à leurs problèmes sont en dehors de leur gouverne. La classe politique, pendant ce temps, débattra sur un projet de loi qui ne réglera rien, ni au niveau des pouvoirs qu’ont besoin les écoles pour rendre de meilleurs services, ni au niveau de la démocratie scolaire qui doit partir des conseils d’établissement pour devenir stimulante et vraiment engager les personnes.

Ces propositions ne m’inspirent pas du tout… et elles semblent désespérantes pour d’autres également.

N.B. Dans quelques temps, il faudra peut-être demander aux cadres scolaires, dans la foulée de ce qu’a écrit Amine: Êtes-vous prêts pour la visite de madame l’Inspectrice?

Mise à jour du 19 mai: Quelques jours plus tard, la suite de ma réflexion sur CentPapiers, dans «« 88 », un projet de loi qui sauve les commissions scolaires ou qui les enfonce?»

Mise à jour du 17 avril 2009: Deux billets dans la foulée, «Pour l’école (et la réussite éducative), on ne partage pas tous le même rêve» et ««Dirigisme d’État» qui favorise les écoles privées: c’est ça la loi 88».

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3 Commentaires
  1. Photo du profil de ClementLaberge
    ClementLaberge 14 années Il y a

    Je ne sais pas trop s’il faut absolument condamner ce projet si on se place dans une perspective centralisation/décentralisation
    … mais pour ma part, j’aurais surtout aimé que la ministre s’inscrive dans une autre dynamique, celle de la distribution des responsabilités… et de leur redéfinition.
    Il faut abandonner progressivement l’idée de contrôle au profit de l’idée de maîtrise, ce qui suppose que les responsabilités soient partagées autrement et se s’appuyer sur l’idée que dans un système d’une telle complexité, nous sommes d’abord et avant tout interdépendants.
    Dans cette perspective, même en concentrant tous les pouvoirs entre les mains d’une seule personne (voire de quelques-unes), même extrêmement brillante, on ne peut courir qu’à la catastrophe si les autres acteurs du système ne font pas circuler l’information nécessaire à des prises de décisions éclairées, par exemple.
    Et si on avait inversé la logique en donnant aux commissions scolaires la responsabilité de faire systématiquement remonter des informations complètes et documentées sur les besoins non-satisfaits de la communautés qu’elles sont destinées à servir? Les moyens seraient l’affaire du ministère, le comment celui des écoles et l’analyse et formulation des besoins dans une perspective collective aux CS?
    Évidemment, dans ce cas, il faudrait beaucoup de courage politique, parce que le rôle des commissaires seraient plus que jamais de dire ce qui ne va pas et ce qui doit être amélioré au lieu de vanter les services offerts comme c’est le cas actuellement (je me trompe?).
    Réflexion comme ça, spontanée, en lisant ton texte…

  2. Photo du profil de LucPapineau
    LucPapineau 14 années Il y a

    Dire que je suis surpris de ce projet serait un euphémisme. Il est dans une ligne directe de la lutte de pouvoir qui existe depuis un bout de temps en éducation. À chaque fois qu’on fait une révolution, on brise un équilibre souvent fragile.. Le sytème doit alors tenter de se rééquilibrer. Syndicats, CS, directions d’école: c’est bizarre comment tout le monde en veut plus et toujours au nom de l’élève ou de sa réussite.
    Honnêtement, de mon point de vue, les seuls acteurs qui ont connu un recul depuis un bout sont les enseignants. Je ne parle pas uniquement de leurs conditions de travail, mais aussi des changements survenus à cause de la réforme, changements qui en ont amené certains à croire en une perte de leur autonomie professionnelle. Mais les autres ont vu leurs positions demeurer stables. Dans un cas, les CS, si elles ont connu des problèmes, elles en sont particulièrement responsables à cause de leur manque d’écoute te de flair politique.
    Quand le plan Courchesne sur le français a été publié, j’ai entendu des directions d’école s’en distancer «off the record»: «Bah, de toutes façons, la ministre ne sera pas là dans un an, alors…»
    Mes élèves les plus nihilistes parleraient d’anarchie. Peut-on parler de déroute, de manque de cohésion? En ce sens, le geste de mme Courchesne est très révélateur.

  3. Anonyme 11 années Il y a

    Je dois vous dire qu’après avoir passé par les démarches de plaintes aurpès du protecteur de l’élève concernant mon enfant, le protecteur de l’élève n’a rien fait du tout et a remis un rapport biaisé qui dépeint des responsables de l’école comme des gens qui ont pris action dans un temps reccord pour créer un formulaire quand celui-ci existait déjà et qui indique que j’étais dans « tout ses états » quand je me suis présenté devant le directeur de l’école, et ce après que mon enfant fut blessée à la tête assez sévèrement sans toutefois pouvoir me dire si elle avait perdue conaissance ou autres lors d’une sortie sans notre consentement ainsi que de les avoir apportés à un endroit qui n’était pas sécuritaire pour leur âge et leur avoir donné des instruments strictement défendus à l’endoits où ils se trouvaient.
    Après le rapport déposé, et une attente de plus de deux semaines suite à leur décision nous attendont ENCORE à savoir la décision de faire transférer mon enfant ailleurs!
    Ce poste est une insulte et une dépense inutile pour les contribuables. Je crois que de voter pour un parti qui voudra défaire et fermer les commissions scolaires sera mon choix aux prochaines élections.

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