Les sites de réseautage social n’ont rien à faire en classe dans l’état actuel des choses

«Social network sites do not help most youth see beyond their social walls. Because most youth do not engage in « networking, » they do not meet new people or see the world from a different perspective. Social network sites reinforce everyday networks, providing a gathering space when none previously existed.»

C’est Danah Boyd qui a raison! Dans leur utilisation actuelle, les sites à la Facebook et à la MySpace n’encouragent en rien les jeunes à élargir leurs horizons puisqu’ils les aident seulement à reproduire sur la Toile les clans qu’ils ont tendance à former naturellement. Évidemment, il faut faire une grande distinction entre les sites de réseautage social et les logiciels sociaux qui permettent de coconstruire. François traite ici du caractère «bidirectionnelle» de plusieurs outils qui permettent de collaborer et ce n’est pas ce dont il s’agit quand on parle des réseaux sociaux.
J’aime bien le questionnement sur la valeur des profils de Facebook pour des individus qui se connaissent sur le bout de leurs doigts en classe. En disposant d’un outil de plus pour se liguer contre un autre ne faisant pas partie de la bande ou en faisant monter les enchères sur l’urgence de porter telle marque ou d’accomplir telle «prouesse», on n’obtient aucune valeur éducative ajoutée qui pourrait justifier de tolérer l’utilisation des ces portails en classe. Est-ce à dire qu’il faille les interdire dans les murs de l’école? Ce n’est pas ce que je veux dire. Dans l’esprit de ce que raconte Will vers la fin de ce billet faisant référence à celui de Danah, c’est l’utilisation des sites qui pose problème pas le site lui-même:

«But using social tools to teach our students to build their own networks, networks that go beyond simply socializing with the people they already know has to be.»

Les réseaux sociaux ont une grande valeur et les outils pour les construire et les enrichir participent à cette valeur. Comme adultes, nous savons toute la maturité et l’ouverture qu’il nous faut pour éviter de devenir de vieux schnoques, fermés aux autres et surtout à la différence des autres. Il nous arrive trop souvent de surestimer la capacité des jeunes à découvrir les processus qui leur éviteront de s’enfermer. Souvent, pour nous-mêmes, ça s’est fait naturellement, cet apprentissage consistant à ne pas gonfler le voisin pour rien ou ne pas encourager le beau-frère dans sa croisade contre une belle-soeur un peu «fatigante ». Quand ça s’est fait, évidemment…

Raison de plus pour relire attentivement les «enseignements» de Danah:

«Yet, what’s odd about today’s youth culture is that we’ve systematically taken away the opportunities for socialization. And yet we wonder why our kids are so immature compared to kids from other cultures. Social network sites are popular because youth are trying to take back the right to be social, even if it has to happen in interstitial ways. We need to recognize that not all learning is about book learning – brains mature through experience, including social experiences.»

La socialisation est l’une des trois visées de l’éducation d’aujourd’hui dans nos écoles. Tout ce qui l’empêche n’a pas à être encouragé, ni en classe, ni à l’école. Trop peu d’adultes ont la capacité d’accompagner les jeunes dans des retours réflexifs sur les choix qui sont faits dans des endroits aussi «privés» (je sais, ils ne le sont pas tant que cela) que les profils de Facebook et de MySpace. Je le répète, ce qui ne veut pas dire que ces technologies soient abrutissantes, forcément. C’est juste qu’il n’est pas souhaitable d’encourager par des technologies ce qui est déjà assez difficile de prévenir en dehors des technologies.

J’imagine que c’est inutile de dire que j’ai vraiment apprécié ce billet de Danah (intitulé «The Economist Debate on Social « Networking »»); mon jupon dépasse… Le lien vers le débat dont il est question est ici. Qu’il me soit permis de terminer par une autre perle à propos de pédagogie et de technologie:

«Tools do not define pedagogy, but pedagogy can leverage tools. The first step is understanding what the technology is about, when and where it is useful, and how it can and will be manipulated by users for their own desires.»

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8 Commentaires
  1. Photo du profil de Thomas
    Thomas 15 années Il y a

    Merci pour cet éclairage, qui rappelle que la dimension pédagogique n’est pas magiquement produite par des outils technologiques, quand les jeunes sont souvent absorbés par la (re)production d’eux mêmes, de l’image conservatrice que leur renvoie le groupe ou la publicité…
    L’intérêt de ces outils est justement de pouvoir être facilement détourné par un professeur des usages initiaux qu’en font ses élèves ; celui-ci peut alors jouer le rôle de la touche « shift » pour aider les élèves à utiliser ces outils qu’ils maîtrisent vers d’autres buts : Facebook doublant le réseau de la classe, aucun intérêt… mais Facebook comme outil d’appui à un échange scolaire… et les possibilités pédagogiques sont démultipliées !
    Au final, c’est assez rassurant : cela montre à la fois que les professeurs sont indispensables (qui en douterait encore ?), et qu’ils peuvent s’appuyer sur des technologies et des savoirs chez leurs étudiants aisément transposables dans un contexte pédagogique.

  2. Photo du profil de Andrew
    Andrew 15 années Il y a

    Merci de m’avoir écrit un commentaire. Je m’ennuie de vous.

  3. Photo du profil de delcroix
    delcroix 15 années Il y a

    je fais une réponse commune à ce billet et à celui de Florence Meichel qui a pour base cet article. Je le posterai aux deux endroits 😉
    Je ne pense pas en effet que Facebook ai un grand intérêt pour les « petites » classes, par contre il n’en est pas de même pour les étudiants. D’autres outils tels que Ning sont certainement mieux adapté, pour une approche et selon les usages que veut en faire l’enseignant scolaire (au passage, il n’y a pas d’enfants dans Facebook !).
    Il est vrai que le premier réflexe des étudiants (des éléves) est de recréer leur clans. Mais, sommes nous si différents de cela ? Nous aussi par réflexe (besoin d’appartenance) nous nous créons en arrivant sur ces outils notre monde.
    L’avantage, ils prennent l’outil pour un jeu et l’on est surpris de voir la vitesse avec laquelle les étudiants prennent en main ce type d’outils. A nous donc d’en tirer profit.
    Mais justement, ce clan n’est-il pas pour nous enseignant de l’or en barre ? Quelques applications plus loin, on arrive à faire travailler les étudiants sur ce type de réseaux, à leur ajouter des contacts en dehors de leur clan d’origine… comme le dit Thomas Laigle c’est le rôle de l’enseignant.
    Et puis, chose curieuse au fil du temps on s’aperçoit que les clans que l’on croyait hermétique s’ouvrent, car le clan des amis des amis est présent sur chaque profil. Timidement, puis progressivement, cela prend de l’ampleur. Aux enseignants à voir s’il n’y a pas des possibilités à ce niveau également.
    Par curiosité, j’ai créer sans en faire la publicité un groupe pour l’UFR et un groupe sur la Fac dans Facebook afin de voir l’appropriation que s’en font les étudiants. Pour le groupe de l’UFR, une première remarque : des anciens se sont inscrits. Là encore, cela peut aller dans le sens d’une synergie. A nous enseignant d’y réfléchir. Par contre, tout comme le groupe de l’Université, les échanges sont quasi nuls.
    Mais laissons le temps au temps. Nous aussi nous nous posons des questions sur quoi faire de Facebook. On sent un potentiel mais on ne sait pas comment l’utiliser !
    Voilà en partie pour le présentiel mais sur Facebook et consorts, on commence à trouver des solutions d’elearning…
    Et l’on peut donc facilement passer d’un enseignement à l’autre, qu’un enseignement complète son enseignement d’une manière ou d’une autre sur une seule et même plate-forme car au delà de l’usage actuel des réseaux sociaux, la question qui me tient à coeur est : et si demain notre écran de démarrage d’ordinateur était un écran de type Facebook ?
    Attention par contre, à des réseaux de type Amiz ou Netlog qui généralistes eux aussi ne sont adaptés à un usage « scolaire » ou universitaire. Curieusement d’ailleurs les clans sur ce type de réseaux ne sont pas ceux de l’école mais de vrais clans virtuels. Les jeunes se la joue solo dans ce contexte.
    Comme quoi, ces réseaux ne sont que des outils dont on fait ce dont on décide 🙂
    Juste une petite remarque concernant les réseaux Ning, qui dans l’esprit sont très proches des groupes de Facebook, me posent pourtant le même soucis… Ils renforcent l’esprit de clan (on est entre nous même si les groupes sont ouverts). A la différence d’un blog par exemple, ils demandent une inscription 🙁 Leur avantage, on sait qui est membre du clan.

  4. florence meichel 15 années Il y a

    Je crois qu’il est indispensable de jouer sur la complémentarité des outils…on ne collabore pas de la même façon dans un réseau NING et sur un blog…les différents outils ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients…ce sont les ecosystèmes autour de ces assemblages qui me semblent importants !

  5. Photo du profil de AndreChartrand
    AndreChartrand 15 années Il y a

    Bonsoir Mario,
    «Yet, what’s odd about today’s youth culture is that we’ve systematically taken away the opportunities for socialization. »
    Je ne comprends pas de quoi il est question. Honnêtement, je ne vois pas du tout en quoi nous aurions privé nos jeunes d’opportunités de socialisation. Peux-tu m’éclairer sur ce à quoi fait référence l’auteure au juste?
    Par ailleurs…
    « Est-ce à dire qu’il faille les interdire dans les murs de l’école? »
    À la lecture de certains textes sur la carnetosphère, je ne suis plus certains de ce que l’on entend par interdire telle ou telle technologie à l’école. Dois-je comprendre que, de manière générale, lorsqu’une technologie est interdite dans une école cela inclus les utilisations pédagogiques que pourraient en faire les enseignants ?

  6. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 15 années Il y a

    Le point de vue de Danah est à l’effet que les probabilités qu’offre l’utilisation des sites de réseautage social sans l’encadrement approprié mène à écarter de réelles possibilités de socialisation. Les jeunes sont livrés à eux-mêmes et l’effet amplificateur de l’utilisation de ces technologies augmente les effets de «caste». Le problème ne serait pas les technologies, ce serait leur utilisation.
    Dans une circonstance où 100% de l’attention des jeunes est requise par une pédagogie à 100% «je parle» et «tu écoutes», interdire lui semble le seul choix logique. Si on parle d’enseignants qui privilégient des approches plus ouvertes, évidemment, il n’est plus question d’interdire. Si on était assuré que des adultes expérimentés incluaient dans leurs stratégies l’utilisation des moyens prisés par les jeunes pour se renfermer entre eux, alors que ce sont de super moyens de s’ouvrir aux autres, là, on serait non seulement légitimé de les permettre à l’école, mais encouragé à les utiliser.
    Passer des billets en dessous des bureaux pour se moquer d’un élève ne date pas d’hier. On n’interdit pas les crayons et les papiers parce que les enseignants savent que les crayons et le papier servent à autre chose qu’à enfermer. Facebook et MySpace, les iPod autant que les cellulaires PEUVENT servir à autres choses qu’à abrutir, mais dans l’état actuel des choses, probablement que les interdire en classe est la chose à faire… C’est ce que je crois que Danah Boyd veut dire.

  7. Photo du profil de AndreChartrand
    AndreChartrand 15 années Il y a

    Merci Mario. Je comprends beaucoup mieux.
    Cependant, cette question d’interdire complètement dans les murs de l’école ou en classe me chiffonne. Connais-tu des écoles qui :
    interdisant aux élèves le clavardage en salle d’informatique, interdisent également aux enseignants de s’inscrire à un classe@classe;
    interdisant le MP3 ou iPod aux élèves dans l’école, interdisent aux enseignants d’en permettre l’usage en classe à des fins d’apprentissage;
    Je te pose la question car ce serait ce genre de situations que je considérerais comme une interdiction complète. Et ça, ça me paraît excessif.

  8. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 15 années Il y a

    Je suis passé dans des écoles qui interdisent le clavardage en salle informatique. Pour le reste, je crois que ce billet sur le blogue de Sylvain pourrait t’intéresser…
    Les écoles prônant une interdiction «complète» doivent avoir bien de la difficulté à faire respecter cette politique. Que d’énergies dépensées à jouer au chat et à la souris avec les jeunes. En même temps, je comprends que toutes ces sources de «distractions» doivent peser lourd. Avec le temps, avec l’évolution des appareils qui finissent tous par devenir de vrais petits ordinateurs, avec l’évolution des pratiques pédagogiques, on devrait voir diminuer ce genre de débat… Disons… j’espère!

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