De bonnes questions à propos de la culture et de l’école

Un carnetier franchement épris de culture pose de bonnes questions en cette fin des « Journées de la Culture« . Plusieurs d’entre elles m’ont fait beaucoup réagir de par la difficulté de nommer les actions posées offrant une réponse appropriée. Je pourrais me réfugier en arrière des missions de l’École Québécoise (Instruire, Socialiser, Qualifier) et du contenu du nouveau programme de formation pour ne pas répondre (en disant que les réponses sont là-dedans)…
Mais je sais bien qu’il faille aller au-delà du programme pour trouver des réponses… des vrais ! Je me limiterai à deux réflexions à la suite de deux questions que posent M. Trudeau, mais l’ensemble du billet est un projet éducatif et mériterait qu’on s’y attarde davantage !
1. L’école amène-t-elle l’enfant à écouter ? À distinguer l’homme de parole du beau parleur, l’harmonie de la cacophonie ? À reconnaître la musique à travers le bruit ? À apprécier le son pur d’un instrument sans ampli ? À accorder ses pulsations au rythme d’un tamtam rassurant ? À se méfier des décibels déchirants ? À se laisser envoûter par le gazouillis d’une volée d’oiseaux, par le bruissement des feuilles d’un chêne, par le chuintement du vent, par le clapotis du ruisseau voisin ? Y a-t-il un parc et un ruisseau à un jet de pierre de l’école ?
Si notre travail auprès des élèves ne porte pas à répondre OUI à la plupart de ces questions, je crois que nous passons à côté d’un aliment essentiel du menu offert à nos jeunes pousses. ÉCOUTER, quel beau mot, quel beau verbe… d’action. Discerner est un mot de la même famille dans le sens de discriminer, percevoir au travers de plusieurs stimulations celle sur laquelle l’attention doit porter. Je dis cela parce qu’aujourd’hui avec les jeunes, il faut être conscient que plusieurs bruits tournent dans leur tête. Il n’y a pas beaucoup d’espace parfois, tellement ils sont « pleins » en terme de turbulences et de vibrations. Ils ne mènent pas des vies très simple et leur apprendre l’écoute, c’est avant tout les garder capable du silence pour mieux s’entendre et se connaître. Personnellement, je veux dire. Plusieurs enfants ne sont pas capables de silence parce que confrontés aux bruits intérieurs dont ils n’ont pas la capacité « de gérer », ils veulent « s’emplir l’esprit » de sons plus forts que ceux qui bourdonnent dans leurs oreilles et qui viennent de l’intérieur. Aussi, pour se faire, après leur avoir fait goûter au silence et pouvoir l’apprécier, ils doivent s’affranchir du conformisme pour pouvoir aller dans le sens des questions que suggère notre « homme de culture« . Apprendre à s’affirmer dans le respect des autres est un travail de tous les jours, mais ça ne se fait pas en survalorisant le fait de « rester dans les rangs »… Je crois qu’on travaille fort pour réaliser cela autour de moi !
2. L’école invite-elle les enfants à se donner la main pour s’encourager ou se féliciter ?
Ce que je vais raconter ici est anecdotique. Je prierais tout lecteur mal intentionné de ne pas citer cette anecdote hors de son contexte (la question posée). Depuis quelques jours, je suis à la recherche de documentation sur le sujet des transmissions de virus/microbes/bactéries par les mains. Nous avons une pratique à la maternelle qui consiste à serrer la main de son éducatrice ou enseignante à l’arrivée et au départ. Au-delà du simple fait d’apprendre cette coutume bien de chez nous, nous voulons que « le contact » soit chaleureux au moment du départ et de l’arrivée. On a peut-être tort, on a peut-être raison de favoriser cette manière de faire, je ne sais plus trop de ce temps-ci…
Un parent (un scientifique de sa profession) a ramené à l’avant-plan que les mains sont les plus grands porteurs de microbes et que notre pratique va à l’encontre des règles d’hygiène les plus élémentaires. Je lui ai expliqué notre objectif, je lui ai aussi dit que les adultes suspendent « la règle » lors d’occurence de grippe ou de gastro, mais cela ne l’a pas convaincu de l’à-propos de notre habitude. Il m’a parlé des Japonais. J’ai contacté le CLSC de notre région et ils m’ont dit que ce n’était pas interdit comme pratique, mais « que la tendance lourde est à l’effet de ne plus favoriser les contacts par les mains… » Bon ! Je suis en réflexion depuis un retour d’appel fait et la conversation qui a suivie avec le même parent qui maintient que nous n’avons pas une bonne façon de faire. Je n’en veux pas à ce parent; au contraire, il est poli et respectueux dans sa façon de faire et je sens qu’il ne veut que le bien de chacun… Mais d’un autre côté, je me dis que dans une classe, à respirer le même air, à toucher aux mêmes objets, on doit bien s’en passer quelques-uns, des microbes. Enlever ce moment « de la poignée de mains » en vaut-il la peine d’un point de vue éducatif ET CULTUREL tient ? Je continuerai ma réflexion, mais l’occasion était trop belle (celle de la question posée) de répondre : « pensez-vous qu’on a le temps dans nos écoles pour la transmettre LA CULTURE quand on regarde tout ce qu’il y a de bâtons dans les roues afin de respecter la veuve, l’orphelin et son cousin ? » En fait, ma réponse devrait être : « on n’a pas le temps, mais on le prend »… et on coupe sur le temps que ça nous prend pour respecter intégralement certaines politiques et réglements « de merde » que nous imposent les Offices de toutes sortes, les « normeux de tout acabit » sans parler des contrôles, formulaires et basses paperasses qui finissent par nous faire croire que tout ce qui compte vraiment c’est qu’on rentre dans les rangs et qu’on se conforme
Je n’en dis pas plus; je suis directeur d’école et je dois respecter les règles si je veux que les jeunes respectent aussi celles qu’il y a à l’école !!!
Toutes ? Autant que possible… mais je me pose des questions quand elles empêchent de réaliser notre mission et qu’elles nuisent aux intérêts supérieurs des enfants. Mais le débat n’est pas là dans ce billet.
Pour que la Culture « ne deviennent pas .com », je vais devoir continuer de jongler avec tout ça…

3 Commentaires
  1. Maryse Côté 18 années Il y a

    Quand Mario Asselin dit: « Je crois qu’on travaille fort pour réaliser cela autour de moi ! », je peux vous confirmer que tout le personnel de son école travaille avec une ouverture d’esprit qui favorise l’intégration d’une culture belle et bien vivante (savoir-vivre, écoute, etc.).
    Je vous donnerai en exemple ce que je viens tout juste de vivre, il y a quelques heures.
    Des élèves étaient tous fiers de me faire goûter à leur devoir (j¹ai bien dit goûter) et c¹était très bon. Ceux-ci, dans un travail de lecture, avaient à prendre connaissance d¹un certain nombre de recettes et devaient en réaliser une afin de partager l¹expérience culinaire avec les autres.
    Oui, tout ce beau monde doit composer avec un ensemble de facteurs avant d’atteindre les buts fixés. M. Asselin vous en a cité un parmi plusieurs autres qui font en sorte que très souvent les choses évoluent au rythme qu¹elles peuvent évoluer et non avec la rapidité qu¹on souhaiterait qu¹elles aient.
    Si parfois, les arts ont du mal à nous rejoindre, je considère qu’il ne faut surtout pas leur tourner le dos en pédagogie, sans s’être donné la peine de tenter de les apprivoiser, car eux aussi font partie de la culture.
    Maryse Côté
    Spécialiste arts et médias

  2. Photo du profil de MichelClement
    MichelClement 18 années Il y a

    Je trouve fort intéressant que soient soulevées ces questions relatives à la culture à l’école. Nous sommes à l’orée d’une réflexion essentielle à ce niveau. Le Programme de formation souhaite un rehaussement culturel de l’ensemble des jeunes. Les médiateurs que sont les enseignants doivent s’interroger profondément sur « l’attitude culturelle » qu’ils devront développer de plus en plus pour que les jeunes s’inscrivent dans un véritable « cheminement culturel ».
    Oui bien sûr il y aura toujours le rôle de témoignage, de transmission des signes culturels qui font notre identité (mission essentielle). Mais il y a aussi l’élève lui-même porteur de traces culturelles (il ne sort pas des limbes, il a des acquis…), qu’il faudra guider dans la construction de ses propres repères et qu’il faudra aider à « se bâtir » comme être créateur… Belle mission, mais que de beaux questionnements autour du Grand Livre de Gastronomie Culturelle (presque un Grimoire…) qu’il nous faut tous ensemble écrire…
    Michel C.

  3. Mario Asselin 18 années Il y a

    M. Clément, c’est un honneur que de vous lire sur ce cybercarnet.
    J’aime bien l’idée de « l’élève lui-même porteur de traces culturelles ». Chaque jeune porte en lui « l’héritage » de son passé qu’il bonifie par sa contribution personnelle. Nous agissons parfois en révélateur, parfois en accoucheur, mais souvent, nous les éducateurs en milieux scolaires, oublions que nous sommes des modèles, des livres ouverts.
    Parlons davantage de ce que nous lisons. Diffusons nos créations. N’ayons pas peur de nous afficher à l’enseigne de ce qui nous fait vibrer… La transmission de la culture ne se prêche pas, elle inspire celui qui nous suit.
    Je vous sais convaincu du rehaussement culturel qu’apporte le nouveau programme de formation, mais trop souvent, les enseignants n’y perçoivent que déficit en contenu et en substance au profit strict de l’agir… Nous devons tous redoubler d’ardeur pour faire la démonstration qu’un élève compétent est aussi un élève savant… et « plein » de culture !

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