To «pseudonyme» or not to be?

Depuis cinq ans, j’ai très peu retouché à ma politique éditoriale. Construite dans le contexte de mon utilisation du cybercarnet à l’école, l’essentiel des règles du jeu qui y sont énoncées ont suffi à encadrer ma pratique carnetière. Je voudrais ce soir réfléchir tout haut sur mes pratiques de gestion des commentaires faits par des internautes qui interviennent de façon anonyme ou en utilisant un prête-nom.
Pierre Lachance affirme dans un billet aujourd’hui qu’il ne «lit pas de blogue anonyme». Derrière cette prise de position, j’interprète qu’un message véhiculé par une personne dont on ne peut apprécier l’identité perd une partie de sa crédibilité. «The medium is the message» disait Marshall McLuhan. Manifestement, il y a un lien entre ce qui est écrit et qui l’a écrit. En éducation et en politique, il n’est pas rare de rencontrer des blogues tenus par des commentateurs anonymes. Est-ce à dire qu’un contexte particulier dans ces deux univers porte les gens qui veulent s’exprimer à craindre le lien entre leur message et leur personne? Il faut le croire…
Je connais plusieurs personnes qui bloguent en cachant leur identité. Je connais leurs pseudonymes et il est clair pour moi que le fait de savoir qui ils sont change ma compréhension de ce qu’ils signent. Je comprends les motifs qui sont à la base de leur décision. Je ne suis pas nécessairement d’accord avec ce choix, mais comme je connais leur identité et que je suis souvent porté à croire qu’ils assumeraient facilement leurs propos si jamais on venait à connaître leurs vrais noms, je considère qu’ils sont les bienvenus ici… Je n’ai aucun problème à discuter avec eux.
Ça se complique quand je croise des gens qui se permettent sur leurs blogues ou dans les commentaires de diffamer (écrire des choses non fondées, mensongères en vue de porter atteinte à la réputation, à l’honneur de quelqu’un). De toute façon, anonyme ou pas, je n’accepte pas la diffamation dans les commentaires de ce blogue. Le vrai problème que pose l’utilisation des pseudonymes ou des prête-noms me semble être lié aux jugements de valeur qui sont teintés de préjugés; l’expression de ces opinions préconçues devient presque impossible à examiner attentivement quand l’identité de l’auteur ne nous permet pas de contextualiser le milieu ou les circonstances dans lesquels les croyances sont énoncées. Je constate que ce phénomène pullule sur le Web actuellement.
Jusqu’à maintenant, je n’ai pas vraiment eu à faire face à un grand nombre de commentaires qui auraient pu nécessiter une intervention de ma part, mais ce soir, je me propose d’ajouter le paragraphe suivant à ma politique éditoriale (dans la section «Commentaires»):

Aucun commentaire comportant de la diffamation ne sera accepté. Les arguments contenus dans un commentaire doivent porter sur les idées et les opinions des personnes et non sur les personnes elles-mêmes. Dans le cas où un commentaire est signé par une personne qui m’est inconnue, utilisant un pseudonyme ou un prête-nom, j’éviterai d’entreprendre la conversation, surtout si le commentaire s’éloigne des faits et s’approche des jugements de valeur comportant des préjugés. J’inviterai les visiteurs à faire de même. La personne qui poste un commentaire sur mon blogue sans le signer de son vrai nom s’expose à ce que j’efface son commentaire en le remplaçant par la mention suivante: «L’éditeur de ce blogue a effacé le commentaire parce qu’il contrevient à la politique éditoriale». Je laisserai le pseudonyme ou le prête-nom au bas du commentaire modifié.

Je termine ce billet en me disant que je me considère privilégié de pouvoir tenir pignon sur Web ici en accueillant des propos qui évitent de s’adresser aux personnes elles-mêmes, mais aux idées de ces personnes. Je remercie chacun des intervenants qui passent par ici et qui enrichissent le contenu des conversations.

Mise à jour du 8 février: Il faut prendre connaissance de cette conversation au RAEQ pour compléter cette «prise de position» de ma part… «De l’anonymat sur les blogues».

Mise à jour du 30 juillet 2008: La politique éditorial de l’Ex-ivrogne à sec» est un exemple de cadre d’utilisation de l’anonymat qui me paraît pertinent et souhaitable.

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8 Commentaires
  1. Bruno Devauchelle 15 années Il y a

    Très heureux de lire ce message qui me conforte dans mes convictions.
    Je trouve extrêmement important de faire la distinction entre le débat d’idée et l’attaque des personnes, ayant été victime récemment de cette manière de faire.
    Une lecture récente m’amène à faire un parallèle : lorsque l’enseignant remarque les difficultés d’un élève. S’il fait une remarque, elle porte sur l’élève ou sur la difficulté ? Beaucoup d’élèves ressentent que la remarque de l’enseignant s’adresse à eux et non pas à leur travail. Du coup ils préfèrent plaire à l’enseignant, quand à ne pas faire d’erreur, ils apprennent à contourner…
    Amicalement
    Bruno

  2. Pierre Lachance 15 années Il y a

    Bonjour Mario.
    Merci. Tu m’as aidé (encore) à mieux cibler le pourquoi de mes réserves envers ce sujet (anonymat, pseudo, prête-nom, fausse identité…).
    Je n’ai pas encore (cordonnier mal…) de politique éditoriale dans mes blogues, je vais m’y pencher. Je n’ai pas encore osé retirer des commentaires désobligeants (bien qu’ils sont assez rares).
    Merci encore.

  3. Photo du profil de SylvainB
    SylvainB 15 années Il y a

    Utilisant ma vraie identité, je ne peux me permettre, parfois, de dénoncer certaines pratiques on ne peut plus douteuses, surtout quand elles viennnt de « plus haut que moi » dans l’organisation scolaire… Ça doit être la « Peur en éducation » qui me fait agir ainsi (Voir l’excellent billet de François Guité sur ce sujet).
    En contrepartie à ce qui est dit ici sur les pseudonymes, il faut aussi rappeler que la prudence est de mise en ce qui concerne la protection de son identité web. Où est l’idéal ? Je ne sais pas. On parle des différentes identités d’une personne dans ce texte d’Olivier Zara; à lire ou relire… L’identité numérique y apparait comme une identité de plus à gérer : reste à déterminer comment on la gère et qu’est-ce qu’on tolère dans la gestion que les autres intervenants sur nos blogues (et autres sphères web) en font.

  4. Pierre Lachance 15 années Il y a

    Bonjour M. Sylvain.
    En effet, dénoncer sous son vrai nom peut changer des choses, mais pas nécessairement comme on l’espérait au départ. J’ai un ami qui sait de quoi je parle. Je n’appellerais pas ça de la peur, mais de la sagesse ;o)
    Personnellement si je ne peux pas écrire une chose (autocensure) sur le web, et que je veux changer quelque chose, j’ai toujours la possibilité d’agir dans le monde réel. Et ce de manière responsable et constructive.
    Finalement, je n’entre pas la protection de son identité web dans la même catégorie que les actions posées anonymement sur les blogues ou autres. Je ne veux pas que mon # assurance social, de carte de crédit, etc se promène sur le web, mais ce que Pierre Lachance pense et écrit, je n’ai pas de problème à ce que ça se promène.
    Au plaisir.

  5. Photo du profil de Missmath
    Missmath 15 années Il y a

    Je pseudonymerai, mais ne calomnierai point.
    Il n’est pas très difficile de suivre les petits cailloux blancs laissés ici et là sur la toile pour connaître la véritable identité de Missmath. Cependant, comme dans les mystères d’autrefois, ces deux identités distinctes n’en forment qu’une seule, mais une seule ne suffit pas à remplir tous les rôles. Me voilà claire comme de la boue, mais tout s’explique par « Pourquoi bloguer ? ».
    Pourquoi bloguer ? Pourquoi commenter ? Pourquoi s’impliquer dans ces réseaux ?
    Je réponds simplement pour apprendre, pour me définir, pour communiquer, pour me souvenir, pour informer, pour m’informer.
    Monsieur Asselin décrit très bien pourquoi je pseudonyme : « une personne dont on ne peut apprécier l’identité perd une partie de sa crédibilité.  »
    La contreposée étant que l’on gagne en crédibilité lorsque l’on peut être identifié.
    Missmath ne veut pas être crédible. Elle se définit. Elle pense tout haut pour que la collectivité l’aide à avancer dans sa réflexion, l’amène plus loin. Pour apprendre. Pour connaître d’autres approches. Pour dénoncer aussi ce qui ne lui est pas vraiment permis de dénoncer. Missmath est celle que je suis à l’instant, celle qui doute, celle qui dit et se contredit, une série chronologique brute, mais non brutale.
    La toile connaît également ma véritable identité. Je revets alors mes habits professionnels, je me censure, je m’édulcore, une série lissée et désaisonnalisée.
    La diffamation est punissable (me semble-t-il) et ne doit être tolérée nulle part. Mais il me semble y avoir une marge entre ce délit et des « propos à propos » laissés anonymement. Refuser de les lire, de les commenter, c’est, à mon humble avis, équivalent à rejeter Wikipédia.

  6. Photo du profil de ProfMalgreTout
    ProfMalgreTout 15 années Il y a

    Avec mon identité vient celle des personnes que je côtoie au travail, qu’ils soient collègues ou élèves. Veulent-ils être exposés?
    Il y a les patrons, les employés et les nobody au statut précaire. Je fais partie de la troisième catégorie.
    De toute façon, tout comme Missmath, je ne suis pas très difficile à retracer. Alors, n’oubliez pas que mon blogue est une oeuvre de fiction et que je raconte n’importe quoi.

  7. Photo du profil de Circe
    Circe 15 années Il y a

    Tiens, il est utile de plonger parfois le nez dans le passé… À ce que je sache, un grand anonyme a bouleversé le système éducatif par ses dénonciations criantes de vérité… Il n’est pas venu seul, il s’inscrivait dans une mouvance, certes. Mais le frère Untel ne pouvait pas écrire, à l’époque, sous son vrai nom. Il ne le fera que plus tard – lorsque la crédibilité sera acquise.
    Intéressant que le domaine soit également celui de l’Éducation. Il existe certains milieux où la prise de position publique est plus délicate que d’autres.
    Par contre, entièrement d’accord sur les propos diffamatoires et gratuits. Anonymat ne veut pas dire bêtise non plus, il me semble.

  8. Photo du profil de Mario Asselin
    Mario Asselin 15 années Il y a

    Je me suis relu ce soir, après avoir lu vos commentaires. Vous avez eu raison (je parle de ceux qui ont «pseudonymé») de poster un commentaire ici pour «plaider» votre cause. Mon billet a l’air de dévaloriser l’utilisation des pseudonymes. Pourtant, c’est avec plaisir que je poursuis la conversation avec vous…
    L’allusion au Frère Untel est puissante!
    Celle qui fait le parallèle avec un éventuel refus de lire Wikipédia est tout aussi lumineuse.
    Je le répète: «Je considère que vous êtes les bienvenus ici!»
    Néanmoins, je persiste et signe… Je serai plus sévère avec ceux qui ne signent pas de leur vrai nom. J’exige de vous une plus grande «discipline», certes, mais n’hésitez pas à me contredire. Ce n’est pas ce qui est en cause.
    J’ai toujours dit que j’appréciais les échanges de point de vue divergents. Mais comme le mentionne judicieusement Bruno, la moindre attaque envers les personnes me transformera en censeur. C’est sur ce point que je vous demande plus de soins. Puisque vous êtes anonymes (en partie, dans le cas de plusieurs «pseudonymateurs»), puisque nous ne le sommes pas, je trouve que le moins que je puisse faire est de rétablir un certain équilibre.
    Missmath, Prof Malgré Tout, Circé… sentez-vous bien à l’aise!
    Merci pour les références Sylvain. Quant à toi Pierre, si j’ai pu t’aider, tant mieux; mais c’est ton billet d’hier qui a tout déclenché!

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