Pour l’école (et la réussite éducative), on ne partage pas tous le même rêve

Je n’étais pas présent au lancement du Collectif pour l’éducation (mon copain Martin y était) étant occupé à Sherbrooke, mais j’ai suivi avec beaucoup d’attention les événements entourant le dévoilement de la pensée des six sages supportée par la FQDE.
L’essentiel se joue à l’école
Autant le rapport Ménard sur la persévérance scolaire partait du principe que «notre société ne valorise pas suffisamment l’éducation» (Joseph Facal le rappelle d’ailleurs), autant les auteurs du Collectif insistent sur l’urgence de raffermir la posture de l’école pour éviter des reculs causés par une tendance à la centralisation et se mobiliser contre l’échec scolaire. Ce passage du document (abrégé ou complet) illustre bien l’état d’âme des Robert Bisaillon, Paul Inchauspé, Denis Massé, Diane Miron, Serge Morin et Jean Sauvageau:

«L’école est victime de l’effet pervers de l’efficacité bureaucratique et technocratique engendrée par la modernisation rapide du réseau de l’éducation au cours des années 60-70-80. La logique de ce système se résume dans des actions comme prévoir, préciser, déterminer les processus, encadrer et même dire comment faire. Cette situation qui est maintenant la nôtre privilégie la norme comme outil de décision et de contrôle des comportements. C’est un système qui a du mal avec la différence : différenciation des écoles, différenciation dans les écoles, différenciation de statuts d’école. Cela favorise l’approche analytique des problèmes et multiplie les experts, les études et les rapports pour les résoudre. Elle engendre la prise de décision sur les enjeux majeurs de l’école par le palier intermédiaire ou le gouvernement. Et de façon répétitive, ces prises de décision sont perçues, par les acteurs de l’école, comme un déni de leur responsabilité professionnelle et un désaveu du travail collectif qu’ils mènent respectivement dans leur école.»

Formuler le type d’école auquel nous rêvons tous
C’est l’utopie que révèle cette vision. L’article de ce matin dans Le Devoir est sans équivoque sur les trois piliers de ce que propose le Collectif:
1- Une école, communauté interne vivante et stimulante d’apprentissage pour tous ses acteurs, dont les élèves.
2- Une école partie prenante, avec les autres acteurs de son environnement, de la réussite des élèves, mais aussi de l’enrichissement culturel de la communauté à laquelle appartient l’école.
3- Une école que les encadrements généraux n’empêchent pas de développer son identité propre, identité dans laquelle ses membres puisent à la fois fierté et sentiment d’appartenance.

La ministre n’a pas tardé à réagir
Signe que la portée de l’initiative étant grande, la ministre de l’Éducation n’a pas mis de temps à réagir. Si elle écarte le principe des écoles autonomes (il faut dire que Gérard Deltell de l’ADQ s’est lui-même invité au lancement d’hier), elle «demande toutefois aux commissions scolaires d’être « moins bureaucratiques » afin de « donner de l’oxygène» aux écoles». Ferme sur la question du statut d’une entité juridique autonome elle pense que la loi 88 «suffira pour améliorer la gestion des écoles». Même l’appel d’un directeur d’école publique pour que cesse le recours à «des moyens uniformes à l’échelle du Québec» ne semble pas trouver écoute…

«On ne fait pas confiance aux directions d’école»
Un des syndicats d’enseignants a rapidement publié un communiqué de presse dans lequel il désavoue l’initiative:

«Le président de la FAE tient à rappeler qu’il est difficile de faire confiance aux directions d’école qui plus souvent qu’autrement sont incapables de véritablement consulter les enseignantes et enseignants pour la gestion des matières qui les concernent et qui ne tiennent pas compte des attentes de leur personnel en temps normal.»

Un blogueur reconnu pour ses positions très critiques envers les directions d’école et membre du même syndicat publie un billet qui va dans le sens de lier l’exercice «des sages» à une tentative de sauver la réforme de l’éducation qui serait mise à mal par la ministre Courchesne.

D’autres réactions
Une section du site de la FQDE rassemble plusieurs réactions à la position du Collectif. Le RAEQ qualifie les propositions de «pleines de sagesse» et Gilles Jobin a plutôt tendance à croire que le principal problème du décrochage tient au fait que «l’école secondaire est plate» et que les étudiants «s’y ennuient»:

«Ils [les élèves] attendent du tout cuit pour le régurgiter aux examens et passer au plus vite à autre chose : leur vie à l’extérieur de l’école. Les apprentissages faits à l’école n’ont pas d’impact sur leur quotidien.»

L’école, simple succursale de la commission scolaire?
On connaît ma position sur ces questions de marge de manoeuvre de l’école et je répète souvent que la FQDE est bien davantage qu’un «client» qui nous donne de petits mandats de temps à autre, chez Opossum. Je crois profondément que «les directions d’école ne sont pas [assez] parties prenantes de décisions qui concernent leur école et son développement»! Tout organisme qui milite pour que l’école soit toujours considérée comme autre chose «qu’une simple succursale de la commission scolaire» aura mon soutien sur les questions d’administration scolaire. Je terminerai en citant ce passage de la fin de l’article du Devoir:

«Des changements dans l’organisation de l’école supposent une entente locale avec le syndicat des enseignants, elles sont rares, sinon inexistantes. Des écoles réussissent certes à constituer ces communautés de responsabilité collective, mais leur réussite est fragile, à la merci de personnes qui refusent de travailler ainsi, à la merci aussi de règles et pratiques de mobilité du personnel (direction et enseignant) qui empêchent la construction dans la durée.»

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2 Commentaires
  1. Ostiane 13 années Il y a

    Bonsoir Mario!
    Je partage…
    Dans un ouvrage qui paraît prochainement j’ai tenté d’élaborer une méthodologie de la rencontre et de l’ouverture…et qui conduirait à la mise en œuvre d’une charte:
    1/ L’école de tous, où chaque famille est accueillie et où s’exercent le droit à l’instruction et à l’éducation reconnus dans les textes des droits de l’enfant.
    L’école reste gratuite et accueille tous les enfants quelles que soient leurs origines ou leurs particularités.
    2/ L’école de tous, où chacun de nous, parents, élèves, enseignants doit prendre sa part d’obligations. Obligations intellectuelles, morales, civiques.
    Cultiver l’engagement, le respect, le travail et l’effort comme des valeurs humaines et républicaines fondamentales pour la cohésion d’un groupe.
    3/ L’école comme rempart contre tous les préjugés, les totalitarismes, les barbaries, les inégalités.
    Apprendre à parler, à lire, à écrire à l’école afin de ne jamais cesser de défendre la liberté, de croire à l’égalité et de faire vivre la fraternité;
    4/ L’école comme moyen d’accès à la culture, à la communication, aux idées, aux actions, à la société civile dans son ensemble.
    Participer à cette formidable intelligence humaine dès l’école est le gage d’un ciment national vivant, vivace, capable d’évoluer et de s’adapter au monde à venir.
    5/ L’école comme source collective et individuelle de progrès.
    Œuvrer à l’école pour garantir la pluralité et s’appuyer sur elle pour accroître les connaissances, les savoir-faire, les savoir-être, les savoir-devenir.
    Le reste est à lire…par ici!
    http://lewebpedagogique.com/ostiane/2009/03/10/repenser-la-relation-parents-enseignants/
    A bientôt!
    Ostiane

  2. Photo du profil de MichelMonette
    MichelMonette 13 années Il y a

    Je suis toujours interpellé par tout ce qui touche à la capacit de l’école d’éduquer nos enfants. Ma fille a fait un parcours atypique, mon frère le plus jeune aussi jadis (je dis souvent qu’il a drôlement réussit dans la vie malgré l’école), et j’ai toujours l’impression que c’est l’école qui vit un problème d’adaptation envers une partie des jeunes, et non le contraire. Pour les autres (autour de 70% si j’ai bien compris) ça va plutôt bien. Une connaissance me disait tout récemment que les jeunes québécois sont parmi les meilleurs aux concours internationaux. J’ai pour ma part pris un peu de recul pour constater que le décrochage scolaire a diminué depuis le début des années 1990. Excusez mon langage cru, mais je me fout totalement du degré d’autonomie des écoles. Je préférerais de loin qu’on se penche sur la formation des enseignants et sur le support qu’on leur procure pour pouvoir faire avancer nos jeunes dans l’acquisition des connaissances et des habiletés appropriées au monde dans lequel ils vont vivre.

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