La classe est une ruche. Apprendre est un travail. L’anonymat sur Internet est largement illusoire.

Il m’arrive souvent de rencontrer des textes sur le Web dont je sais qu’il me faudra y revenir quand la maisonnée sera endormie. Ce soir (je devrais écrire «en ce début de nuit»), j’ai eu l’occasion de relire doucement deux articles, profonds et lumineux, qui traitent de deux sujets différents, mais qui ont en commun d’êtres d’actualité:

  • «TIC et éducation : dessiner un horizon qui ne soit pas une utopie», de Serge Pouts-Lajus à propos de l’urgent besoin de «construire une prospective visionnaire sur la place des TIC à l’école».
  • «Haut les masques», de Maître Eolas à propos de l’urgent besoin de déconstruire un projet de loi «tendant à faciliter l’identification des blogueurs» proposé par M. Jean Louis Masson, sénateur de la Moselle.

Le premier texte est en tout point fidèle à la position d’un auteur que je connais assez bien dans le domaine et qui consiste à dire «qu’il n’y aura pas de grand soir de l’utilisation de l’informatique en classe». Serge Pouts-Lajus a toujours été d’avis que l’école ne devait pas être démantelée pour pouvoir soutenir l’exploitation judicieuse du potentiel des TIC. Son article recentre les enjeux de l’utilisation des ordinateurs et des réseaux à l’école sur le rappel qu’ils doivent avant tout devenir de formidables «instruments de travail»:

«L’ordinateur est un instrument de travail intellectuel auquel le réseau fournit un cadre social et culturel (l’expression publique et la communication étendue) qui sert parfaitement bien les finalités de l’éducation. Et contrairement à ce que pensent Papert et tous les renverseurs de tables, le cadre scolaire, non seulement n’est pas incompatible avec l’exploitation pédagogique de l’informatique connectée, mais se révèle particulièrement bien adapté à des activités de ce type. La pratique observée à Piquecos en fournit une preuve et une illustration que j’estime très convaincantes. Il serait facile de montrer que cet exemple particulier est transposable à tous les niveaux de l’enseignement et à toutes les disciplines : de multiples observations et témoignages d’enseignants ayant travaillé dans ce sens pourraient être mobilisés pour le démontrer.»

L’allusion à l’étude sur l’école de Piquecos n’est pas banale; datant d’une douzaine d’années, Serge en tire de précieuses leçons:

«Apprendre est un travail. À Piquecos, les élèves travaillent tous, beaucoup, davantage que dans d’autres écoles où c’est généralement l’enseignant, équipé ou non d’ustensiles informatiques, qui travaille le plus. Ici, les élèves s’affairent, ils ont des projets à faire avancer, la classe est une ruche. La qualité proprement éducative du travail des élèves, c’est l’enseignant qui en est le garant.»

Le texte publié sur le site d’Internet Actu (de la FING) mérite d’être lu en entier…

Le deuxième document était attendu de plusieurs. Depuis que le sénateur Masson est parti en croisade contre l’anonymat des blogueurs en France par l’entremise d’un projet de loi qui a beaucoup fait jaser, l’analyse fine du blogueur au sobriquet «Maître Eolas» se faisait attendre. Pédagogue quand il s’agit de décrire le fonctionnement d’Internet, le juriste a prouvé à mainte reprises que son opinion juridique compte. Cette fois-ci encore, le propos est juste…

«Vous voyez que nous sommes ici face à deux nécessités contradictoires. Le fait de n’avoir à révéler notre identité que dans les cas où c’est absolument nécessaire, qui est fondamental en démocratie, et la nécessité technique de s’individualiser sur internet ; d’autant plus que le visage n’est pas visible, s’agissant d’une communication informatique. (…) Le reste, on s’en fiche. L’internet est un média qui a remis au goût du jour une valeur un peu surannée : l’égalité. Qui que vous soyez, quoi que vous soyez, vous parlerez sur un pied d’égalité avec votre prochain.»

Dans un paragraphe qui précède cet extrait ci-haut, Eolas explique jusqu’à quel point l’anonymat sur internet est largement illusoire:

«Comme je l’ai expliqué plus haut, l’anonymat sur l’internet est une vue de l’esprit. S’agissant d’un réseau de communication entre ordinateurs, cette communication ne peut se faire que si l’émetteur et le destinataire du message sont parfaitement identifiés. Les informaticiens ont eux aussi recours à une analogie, celle du restaurant. L’ordinateur se connectant à un autre pour demander une information s’appelle le client, et celui qui reçoit sa requête le serveur. Le client passe une commande au serveur (« Bonjour Monsieur le serveur maitre-eolas.fr ; je voudrais le billet du jour, s’il vous plaît.» – « Je vais vous chercher ça.»). Le serveur note la commande (Table n°1, client n°1 : le billet du jour), et va la traiter, en principe dans l’ordre d’arrivée (le serveur peut être paramétré pour traiter certaines requêtes ou certains clients prioritairement) . Il vous enverra une réponse qui peut être soit votre commande (le billet du jour s’affiche, tout le monde est content), soit un message d’erreur vous expliquant pourquoi il n’a pas pu satisfaire votre recherche. Ces messages portent un code numérique, les plus connus étant le 403 Forbidden, le patron a interdit au serveur de vous laisser passer quelque commande que ce soit, le 404 Not Found, ce que vous avez demandé n’existe pas ou plus, et le 503 Service Unavailable, le serveur a planté sous une surcharge de commandes, il a mis toutes les commandes à la poubelle et vous demande de repasser un peu plus tard le temps qu’il arrête de pleurer et se remette en route.»

Une autre pièce d’anthologie aux teintes d’humour qui caractérisent les grandes envolées de ce blogueur qui n’a plus besoin de présentation de l’autre côté de la grande mare.

J’ai déjà exprimé mon opinion sur ces questions d’anonymat dans un billet, l’an dernier à pareille date, «les Cahiers du 27 juin». Si j’écris ne pas réellement croire à l’anonymat sur Internet, je suis de ceux qui affirment que nous devons revendiquer le droit absolu de la défendre pour qui se risque à l’adopter. La démonstration de Maître Eolas est éloquente…

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1 Commentaire
  1. Photo du profil de RemiRegis
    RemiRegis 12 années Il y a

    Mon école primaire était de type  »alternative », dans le sens où nous apprenions beaucoup au moyen de projets et d’activités de groupe. Je garde un excellent souvenir des ces années où apprendre était plaisant et loin d’être une corvée.
    À mon avis, le rôle premier de l’école n’est pas d’enseigner, mais de donner le goût d’apprendre aux élèves.
    Au secondaire, les choses se sont gâtés… Cours magistraux interminables,  »bourrage de crâne », examen à n’en plus finir, bref, j’ai fini par décrocher car mon goût pour l’apprentissage s’est volatilisé lorsque j’entrais dans cette polyvalente gigantesque et impersonnelle.
    Nous devons repenser la façon dont nous enseignons aux jeunes. Une autre réforme? Oubliez ça! Je parle d’une révolution!
    Commençons par avoir des environnements d’enseignement qui soient sains et une façon d’enseigner qui ne soit pas digne d’une manufacture et ça sera déjà un début…

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