Quand la Fédération Autonome de l’Enseignement réforme…

Note : Ce billet a d’abord été publié sur le site du Voir, dans la section « Blogues ».

La Presse titrait mardi, « Un syndicat veut réformer l’enseignement du français ». Il s’agit de propositions en provenance de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) qui regroupe neuf syndicats (32 000 enseignantes et enseignants). Elles surviennent à la suite d’une offensive publicitaire où on voit à la télé des messages mettant en vedette Yves Beauchemin. Essentiellement, la FAE en a contre Pauline Marois, Jean Charest et François Legault qui, pour des raisons différentes, ne travailleraient pas à l’avancement de l’éducation au Québec, du moins, pas au goût des syndiqués… (ou du syndicat ?)

Dans La Presse (j’y reviens), le court article cite le président qui situe la démarche :

« On a mis de l’ordre dans le désordre du Ministère, résume le président de la FAE, Pierre St-Germain. Ce n’était pas à nous de faire ça, mais ça fait 12 ans au Québec que les syndicats demandent au Ministère de faire des révisions au programme de français, sans résultat. »

Je suis de cet avis (les caractères en gras sont de moi); je trouve qu’on s’éloigne de la mission d’un syndicat quand on se mêle de ce qui est à enseigner ou pas. Je ne parle pas des approches pédagogiques ou des itinéraires qui concernent au premier chef les enseignants, mais du programme d’État qui constitue la destination.

Néanmoins, hier soir, j’ai cherché à en savoir un peu plus sur la nature de la « révision » du programme de français du premier cycle du primaire qui était proposée.

Je n’ai pas eu la tâche facile. Trouver de la documentation sur ces propositions à même le site de la FAE était impossible hier soir, même si l’opération en amont avait été précédée d’une campagne pour mousser l’attente du grand jour où l’arrivée du document devait survenir. On doit se contenter de ce que les médias rapportent, d’un communiqué et d’une promesse de documents à venir. Après m’en être plaint via Twitter, une internaute m’a donné un lien qui semble avoir été effacé du site de la FAE et qui conduit à un document de huit pages (format .pdf) qui nous en dit un peu plus…

Les grandes lignes de la proposition sont là, mais le document est à peu près sur le même ton que les messages publicitaires. On compare le programme du MELS avec celui de la FAE et on a l’impression que l’objectif est de confronter deux visions de l’enseignement du français en début de scolarisation.

Pour l’instant, je ne peux pas affirmer que le contenu de ce qui est proposé n’est pas valable. Certaines clarifications me paraissent pertinentes, mais le document ne permet pas de se faire une tête sur l’à-propos de l’ensemble des propositions.

L’idée de « redonner aux connaissances une place prépondérante » ne me défrise pas, au 1er cycle du primaire en particulier; pourvu que le programme considère encore l’importance de savoir agir avec les connaissances intégrées… ça me va. Ayant été directeur d’une école primaire aux premiers pas de la réforme du début des années 2 000, je sais bien que l’enseignement doit être plus systématique en ce qui concerne l’apprentissage de la lecture et de l’écriture en particulier. On semble avoir évacué la notion de cycle, par contre.

Tout ce « build-up » sur le dos du programme de formation de l’école québécoise ne m’enchante pas plus que cela, venant d’une organisation syndicale jadis intégrée parmi celles qui ont souvent cherché la confrontation, en particulier, au tout début de l’implantation des nouveaux programmes en boycottant les formations et en s’en servant comme moyen de pression dans les négociations au niveau de la convention de travail. Je me souviens des processions où des enseignants portaient le programme encore dans son cellophane vers des conteneurs à déchets. C’était très édifiant…

J’entretenais des réserves moi aussi sur l’omniprésence des projets et une sorte d’allergie aux savoirs explicites, mais le tout débutait. Je me suis réconcilié avec le temps jusqu’à devenir assez critique envers les anti-réforme. Il faut savoir que le programme d’aujourd’hui et celui promu par le MELS au départ ont bien peu à voir, l’un avec l’autre. Au niveau de la progression des apprentissages, surtout, on n’en traitait même pas au départ. Je ne parle pas des compétences transversales presque abandonnées en cours de route…

Dans le cadre de la présente cabale, on semble vouloir intervenir sur l’opinion publique en souhaitant démontrer que seuls les enseignants de la FAE prendraient à coeur l’enseignement du français… On a ici un message à passer !

Est-ce la raison qui explique qu’après l’ambitieuse campagne télévisuelle, il n’est pas plus important que cela que la documentation soit disponible ?

Est-il possible de débattre en public de propositions qui ne circulent pas « en public » ?

Je veux bien considérer la valeur du travail des enseignants qui ont planché sur « cette révision », mais ne soyons pas dupes… nous sommes probablement en présence d’un exercice de relations publiques bien davantage que d’un réel exercice pédagogique.

À l’aube de possibles élections ce printemps, c’est peut-être de bonne guerre, mais si c’est avant tout une question d’enseignement du français, pourquoi ne pas avoir établi des solidarités avec d’autres partenaires, telles les facultés universitaires ou une association professionnelle du domaine de l’enseignement du français (l’AQPF) ?

On voudrait prendre de front le MELS et toute la classe politique (mis à part les gens de Québec Solidaire) qu’on ne s’y prendrait pas autrement…

À suivre…

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1 Commentaire
  1. Photo du profil de MarcSt-Pierre
    MarcSt-Pierre 10 années Il y a

    Voilà Mario pourquoi, quant à moi, on devrait confier ce travail à des organismes indépendants des pouvoirs politiques et lobbys de toutes sortes. Je m’attendrais personnellement à ce que le travail de révision des programmes s’appuie sur de solides résultats de recherche, pas sur l’air du temps ou la saveur du jour. L’initiative ontarienne de mettre sur pied un Sécrétariat à la littératie et à la numératie pourrait nous inspirer. Aux gouvernements de donner de grandes orientations, des cibles à la limite. Par exemple, se donner l’objectif que tous les enfants sachent lire à la fin de la première année. Ça, ça appartient au gouvernement. La meilleure façon de le faire, ça devrait se nourrir des résultats de recherche, pas des avis des lobbys et des peddlers pédagogiques. Ceux-là ont déjà fait pas mal de dommages.

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