De quoi le Québec a-t-il besoin en éducation ?

N.B. Ce billet fait partie d’une série sur un livre réalisé à partir d’une série d’entretiens.

Le premier mot qui me vient, c’est « enthousiasme ». Pour moi, c’est ce dont on a le plus besoin en éducation. C’est de se réactiver avec une espèce d’espérance psychique qu’il y a des choses à faire et qu’on peut les faire.

Toute ma vie, chaque fois que j’étais dans mon auto, aux portes de l’école, je me suis fait un devoir d’être enthousiaste. Il n’y avait pas de question du genre : « Est-ce que je suis enthousiaste  ? » C’était : « Je dois l’être ! »

Les jeunes ont absolument besoin d’avoir devant eux des gens enthousiastes, ils carburent à cet enthousiasme-là. Si tu te présentes en éducation sans vibrer, tu as déjà deux prises contre toi. En ce moment, il y a une certaine morosité, une certaine lassitude, une certaine impression d’être arrêté, alors c’est réellement d’enthousiasme que nous avons besoin.

Mais est-ce suffisant ? Il faut quand même réussir à faire émerger la passion, la curiosité, de vouloir connaître, de vouloir en savoir plus et, surtout, de vouloir savoir comment savoir…

Ainsi, ce dont on a besoin en éducation, selon moi, c’est être de bons poseurs de questions, de meilleurs poseurs de questions que des donneurs de réponses. C’est comme ça que j’ai réussi à faire naître l’enthousiasme et à rendre les jeunes avides de connaître.

Je me souviens d’avoir rencontré une gang d’enseignants de première année. Je leur avais demandé : « Qu’est-ce que vous ne pouvez pas faire en ce moment, mais qui, si vous le pouviez, vous donnerait un bon coup de main ? » Ils m’avaient répondu : « Ce serait bien que les parents puissent entendre ce qu’on dit aux enfants dix minutes avant la fin de la journée. On a un gros problème en première année : les enfants ne sont pas capables d’écrire, surtout au début de l’année . Alors les consignes qu’on donne ne se rendent pas aux parents. Les enfants reviennent le lendemain matin très inquiets parce qu’ils ne sont pas trop sûrs de ce qu’ils avaient à faire et s’ils l’ont fait correctement. Et il y a plein de parents qui nous regardent avec inquiétude s’ils ont bien fait, s’ils ont bien accompagné leur enfant. »

Ces profs-là ont retrouvé leur enthousiasme quand je leur ai proposé qu’on trouve une façon d’y arriver. On a passé deux heures à chercher, et ce sont eux qui ont trouvé. Il y avait des lignes téléphoniques à l’école, et les profs les ont transformées en boîtes vocales où, à trois heures et demie, ils enregistraient un message. Ainsi, les parents de chaque classe avaient accès à une ligne privée pour connaître les consignes du professeur. Le message pouvait même être enregistré devant les enfants pour qu’ils comprennent que, en arrivant à la maison, leurs parents pouvaient appeler et se référer au message du prof.

Comme directeur, si j’étais arrivé et que j’avais dit : « O.K. Dorénavant, ca va marcher de même. Dans vos tâches, vous allez rajouter telle affaire… », ça n’aurait jamais fonctionné. Mais parce que ça venait des profs eux-mêmes, parce qu’ils étaient enthousiastes, ça a révolutionné notre communication avec les parents.

De l’enthousiasme, il y en a eu durant la période de la réforme… Il y en a eu dans les syndicats quand ils faisaient leur procession avec les nouveaux programmes de formation dans le cellophane, pas ouverts, et qu’ils paradaient pour aller les porter dans le container. Ils étaient enthousiastes, mais pas du tout dans le même axe que le ministère.

Mais ce n’est pas à ce niveau là que ça doit se jouer. C’est ce qui se passe dans la classe qui compte. C’est d’ailleurs pour ça que, depuis de nombreuses années, je prône l’école autonome. Dans ma carrière, chaque fois que je demandais à un parent : « Pourquoi vous envoyez vos enfants ici ? Pourquoi vous aimez cette école ? », on me parlait de la capacité d’adaptation, de la vitesse de réaction, du fait d’avoir des relations de proximité et à long terme avec les profs, de la possibilité de prendre des décisions sans avoir besoin de toujours demander à quelqu’un d’autre.

Je pense que l’école, en général – qu’elle soit publique ou privée -, doit avoir les leviers pour changer ce qu’elle veut changer. Les profs revendiquent également cette capacité d’agir : avoir de la latitude dans leur enseignement, avoir accès à du matériel, être aidés et soutenus dans leurs démarches.

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