Une idée phare pour l’éducation au Québec, du primaire à l’université

N.B. Ce billet fait partie d’une série sur un livre réalisé à partir d’une série d’entretiens.

J’ai une idée pour le primaire qui s’applique au secondaire : l’écriture en public. J’ai réellement découvert la puissance de la production de contenu en public. C’est un réflexe chez les jeunes de nos jours avec les médias sociaux : lorsqu’ils font quelque chose, ils veulent le diffuser. Leurs parents qui font développer des photos pour écrire derrière et les mettre dans un album, c’est de la préhistoire pour eux. Ils se disent plutôt : « Si tu as pris une belle photo, publie-la ! »

À l’école, les jeunes font des travaux, les remettent à l’enseignant, et ça s’arrête là. Pour les élèves, c’est une hérésie : quand tu fais quelque chose, c’est pour le dire, le donner, l’offrir aux autres !

J’ai lu le témoignage d’une femme du sud des États-Unis qui enseignait le violon, elle transmettait à ses élèves les éléments fondamentaux, les notions de base. Or, elle s’est rapidement rendu compte qu’elle devait les amener à se produire en public si elle voulait que ses jeunes avancent…

Un concert de violonistes débutants, ce n’est pas écoutable. C’est vraiment exécrable quand ça ne marche pas ! Mais lorsqu’on observe les parents, on les voit sourire et applaudir : « J’ai reconnu une mélodie ! Bravo ! » L’enfant, quant à lui, prend conscience de l’auditoire, s’ajuste et s’améliore.

Pourquoi serait-ce différent pour l’écriture ? Au soccer, au hockey, quand ils sont tout petits, les enfants tombent, s’enfargent, ne suivent pas les règlements, accumulent les punitions, mais continuent et s’améliorent. En ce qui concerne l’écriture, on se contente pourtant de dire : « C’est terrible comme ils font des fautes ! »

J’ai créé un site Web avec des élèves. Le conseil d’administration de l’école voulait m’arrêter dès le mois d’octobre… Il y avait eu une réunion d’urgence : « Mario, tu es en train de mettre la réputation de l’école à terre : tout le monde se plaint des fautes sur le site Web. » Je suis allé voir les jeunes, qui m’ont dit : « Monsieur Asselin, les adultes sont malades, ils sont fous ! On écrit, on se force, on a des idées, mais il n’y a que les fautes qui sont importantes pour eux. Ils ne nous parlent que de ça… Qui s’attendait à ce qu’à dix ans on soit parfaits ? Qui pensait ça ? »

Un jeune garçon a proposé une solution, et à sa suggestion, on a créé deux catégories de textes: « texte en construction » et « texte de qualité ». Lorsqu’il était indiqué que le texte était encore « en construction », les adultes n’avaient pas le droit de parler des fautes. Les élèves voulaient leur montrer qu’ils étaient capables de s’améliorer; ils écrivaient même combien de jours ils se donnaient pour en faire un « texte de qualité ».

On doit arrêter de croire que les gens en apprentissage n’ont pas droit à l’erreur, et de considérer que ne peuvent écrire et travailler en public que les gens parfaits.

Une autre idée importante est la mise en réseau des enseignants. Le potentiel des enseignants est énorme : ce sont des gens qui ont une connaissance assez particulière de l’être humain. Pour que ces gens-là se mettent en réseau, il faut briser l’omertà qui, actuellement, les prive de leur droit de parole. Les enfants n’ont pas le droit d’écrire en public, et les enseignants n’ont pas le droit de se prononcer en public. En éducation, la proportion de gens qui s’expriment anonymement sur Internet est très grande. Les gens ne veulent pas s’afficher.

Les enseignants ont tellement peur de leur syndicat que, dès qu’ils ont une pensée un peu différente de celles de l’autorité, ils présument que ça peut être dangereux. Les syndicats ont un pouvoir malsain sur eux. Quand tout le monde sa tait, on peut facilement intimider une personne qui a l’impression d’être la seule à voir ce qui se déroule autour d’elle.

Le parallèle entre la crise sociale qu’à vécue le Québec en 2012 et le printemps arabe est un peu galvaudé, mais dans le domaine de l’éducation, on a quand même vécu une petite révolution qui consistait essentiellement à reprendre la parole. Ce qui s’est passé avec les étudiants est très intéressant : au cours des grèves précédentes, les lobbys avaient toujours été capables de garder le contrôle de l’information. Or, les réseaux sociaux font maintenant circuler ce qu’il y a à savoir…

Il faut briser l’omertà, et faire en sorte que les gens se mettent en réseau et réinventent certaines choses. Je suis certain que les gens parviendraient à créer de belles surprises si on les affranchissaient des groupes de pression.

N.B. Plus d’informations sur la puissance d’Internet en lien avec les apprentissages sur ce billet.

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