Peine réduite de Tommy Lacasse : le mauvais message

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».

Le 17 juin 2011, en Beauce, Tommy Lacasse vient d’avoir 18 ans. Il conduit à haute vitesse avec les facultés affaiblies. Il cause la mort de deux de ses amies du même âge que lui qui sont éjectées du véhicule lors d’une embardée. En cour, il plaide coupable à des accusations de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort. Le 4 octobre 2013, il est condamné à six ans et demi d’emprisonnement et à l’interdiction de conduire un véhicule automobile pour 11 ans.

Drame épouvantable pour toutes les familles touchées.

Le 16 mai dernier, la Cour d’appel juge que la peine prononcée est excessive; elle est réduite à quatre ans, ainsi que l’interdiction de conduire qui passe elle également à 4 ans.

Du point de vue du jeune homme et de celui de ses parents, justice semble avoir été rendue, dans les circonstances. Sa « vraie sentence, c’est d’avoir à vivre avec la mort » de ses deux amies (source).

Pas faux du tout.

Pour la mère de l’une des jeunes filles, pour Hughes Boisvenu et Me Marc Bellemare, il semble qu’il n’en soit rien : la bataille pour le rétablissement de sa peine originale doit continuer jusqu’en Cour suprême.

Je comprends très bien les familles, d’un côté comme de l’autre, et elles ont raison de plaider leur cause.

Moi, père de trois garçons qui sont aujourd’hui de jeunes adultes, je trouve que la réduction de peine envoie un très mauvais message. Tous les parents qui tentent de persuader leurs adolescents que c’est un très mauvaise idée que de mélanger alcool et conduite automobile viennent de perdre un petit peu de leur élan. Ça ne changera rien pour ceux qui ont de la poigne, mais pour les autres… sait-on ?

Au Québec, de nombreux efforts sont faits pour complètement éliminer la conduite en état d’ébriété et plusieurs jeunes semblent maintenant très réceptifs. Leur comportement change, surtout si on le compare à celui du temps où moi, j’avais 18 ans. Vraiment. Par contre, dans les districts judiciaires du Québec, plusieurs causes de conduite avec les facultés affaiblies accaparent les tribunaux, presqu’un sur cinq en Beauce, dit-on.

Je n’ai pas particulièrement suivi les tribulations en cour du jeune Lacasse et j’éprouve de la sollicitude pour lui et ses parents. J’ai beaucoup lu sur les derniers événements, par contre. J’ai considéré le fait que notre système judiciaire est moins axé sur la punition que sur la protection du public et la réhabilitation. Justement : la sentence « exemplaire » du juge Hubert Couture envoyait le bon message!

Les jeunes entre 15 et 25 ans, les garçons en particulier, ont un p’tit côté « je suis invulnérable » qui tape joyeusement sur les nerfs de quelques parents / enseignants / directeurs que je connais. J’étais pareil quand j’avais cet âge. Ils possèdent plusieurs belles qualités, mais c’est le propre de la jeunesse que de ne pas être très habile à « regarder plus loin que le bout de son nez ». Ce n’est pas le lot de tous les jeunes de cet âge, je le sais. Il y a de nombreux exemples du contraire…

Mais chez certains, ce trait de caractère est carrément insupportable. Quand on les prend un à un, ça se gère assez bien, mais dès qu’ils sont trois ou quatre de « leur tribu » au même endroit et à la même heure, à carburer au « moi je suis game »… vous avez besoin de tous vos trucs de super parents pour bien gérer le sentiment de puissance qui monte en eux.

Ajoutez la donnée « conduite automobile ». Ouf! Combiné au fait que les « deux mains sur le volant » semblent beaucoup faire baisser le quotient des plus aventuriers, je crois qu’on a encore plus que jamais besoin du message clair qui se construisait depuis quelques années : les peines sont de plus en plus sévères avec ceux qui boivent et qui conduisent. Et que dire pour ceux qui causent la mort!

Défaire une sentence « exemplaire » pour la diminuer, c’est changer ce message. Et ça ne me semble pas bien « protéger le public ».

Je ne suis ni avocat, ni juge. Mais le directeur d’école en moi sait ce qui se passe dans une école quand « je prends sur moi » de diminuer la suspension annoncée d’un jeune qui a vendu de la drogue dans l’établissement. Je m’expose à récolter l’inverse de ce que je souhaite : l’arrêt d’agir. J’ai besoin que ça arrête (la vente de drogue dans l’école) et je dois faire passer la protection des élèves de l’école avant tout. Je veux que le message passe.

L’école n’est pas une cour de justice, bien entendu.

Sauf que devant le fléau de l’alcool au volant, nous en sommes encore, malheureusement, au stade de l’arrêt d’agir.

Ne serait-ce que pour s’assurer de continuer à envoyer le bon message, je suis d’accord moi aussi à ce qu’on demande à la procureure générale de porter ce dossier en Cour suprême.

Mise à jour du 5 juin 2014 : La cause de Tommy Lacasse portée en Cour suprême

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