Le modèle québécois et la culture

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec dans la section « blogue ».

On apprenait hier que Québec jette aux oubliettes l’idée du prix unique du livre. La réglementation proposée à l’origine par « le lobby du livre » (fixer le prix des nouveautés pour une période de neuf mois et ne permettre qu’une remise légale maximale de 10% soit possible pendant cette période) visait à contrer une concurrence des magasins grandes surfaces et prétendait éviter rien de moins que la mort de la littérature.

Soyons rassurés, la littérature ne mourra pas même si le projet de réglementation est définitivement abandonné.

Par contre, l’objectif de préserver et d’augmenter la diversité dans la littérature québécoise reste important et beaucoup peut être fait. Rendre le livre plus cher aurait eu pour conséquence, moins d’accessibilité. Aussi, il faut regarder de plus près du côté d’Internet qui est à la fois une « menace » et un défi pour les librairies et les éditeurs, bien davantage que les grandes surfaces le sont. Brader leur capacité à offrir les livres aux lecteurs qui choisissent cette façon d’acheter n’aurait servi ni les intérêts des lecteurs, ni ceux des petites librairies indépendantes. Et de toute façon, « le livre est unique » !

Ceux qui appuyaient le projet savent que ce n’aurait pas été suffisant pour « passer à travers les prochains bouleversements » (lire Clément Laberge, vice-président exécutif chez De Marque, sur ce sujet). Dans les faits, c’est la vente en ligne et le progrès technologique qui me semblent représenter le vrai défi des libraires. Derrière Sauvons les livres, il y avait aussi « sauvons des jobs » et « préservons la traditionnelle chaîne du livre »…

« Car les démarches d’Arlette Cousture et de Marie Laberge suppriment les intermédiaires traditionnels entre l’auteur et ses lecteurs : éditeurs, imprimeurs, distributeurs, librairies. On l’a vu en musique et en cinéma, les nouveaux usages numériques favorisent naturellement cette « désintermédiation », comme l’appelle Josée Plamondon, bibliothécaire de formation, et analyste des contenus numérique, qui a suivi l’affaire Laberge et Cousture avec grand intérêt. « C’est sûr que ça ébranle tout l’écosystème. De là à invoquer qu’il faut absolument maintenir le système actuel parce que sinon, il n’y aura plus de livres, c’est partir en peur ». » (source)

Si l’industrie du livre papier telle qu’elle existe en ce moment est menacée, la montée du commerce électronique et le virage numérique doivent davantage préoccuper les intervenants que la guerre à livrer aux grandes surfaces.

De manière plus large, j’étais ravi de lire en mai dernier une longue entrevue de Noémi Mercier avec Louis-Jean Cormier qui touchait finalement tout le modèle québécois et la culture. Voici un extrait qui évoque l’ampleur du virage à prendre…

« Je ne veux pas créer de la bisbille, mais je pense qu’il y a des révolutions à faire dans tous les domaines — autant dans les ministères culturels que dans les syndicats, les associations professionnelles, l’Union des artistes, la Guilde des musiciens, l’ADISQ. »

Les prochains mois doivent permettre une remise en question des façons de faire.

Au moment où la nouvelle ministre de la Culture venait d’être nommée, Guillaume Déziel (un Casque Bleu de la musique) en avait long à lui raconter sur la nature des changements à entreprendre. Dans sa lettre ouverte publiée en avril dernier, il identifiait « des mesures concrètes et peu coûteuses pour agir rapidement » :

  • Pourquoi ne pas exiger la transparence dans les critères de subvention, afin de nous empêcher de tourner en rond, collectivement?
  • Pourquoi ne pas envoyer nos meilleurs penseurs du numérique en haut du mât, pour nous avertir des Icebergs?
  • Pourquoi ne pas limiter à 7 ans l’exploitation privée des produits culturels subventionnés, avant d’en donner libre accès à nos concitoyens?
  • Pourquoi ne pas provoquer la libération de notre contenu culturel d’ici, celui produit avant 2007 grâce à l’aide de l’État? Pourquoi ne pas rendre ce patrimoine numérique accessible aux québécois sur lafabriqueculturelle.tv, une plate-forme fraîchement subventionnée à même nos fonds publics?
  • Pourquoi ne pas inciter les producteurs de contenus et créateurs à publier leurs œuvres à travers une arrière-boutique nationale, afin d’éviter l’amnésie collective?
  • Pourquoi ne pas arrêter de dépenser sur les infrastructures et investir cet argent sur l’infra-consommateur de culture (ces adultes de demain)?

Il faut s’inspirer de ces suggestions de l’ex-gérant du groupe québécois Misteur Valaire dans le déploiement de la nouvelle stratégie culturelle numérique québécoise, à l’occasion des représentations à faire devant la Commission de révision permanente des programmes et au moment de la réflexion sur les moyens de consolider les librairies agréées.

Il est temps de sortir des sentiers battus et d’adapter le modèle québécois en culture aux réalités de notre temps…

Mise à jour du 26 juin 2014 : « Québec rejette clairement toute réglementation sur le prix du livre ».

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1 Commentaire
  1. […] un plus récent billet, j’ai évoqué comment le domaine du livre était lui également bousculé par la montée du […]

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