Des chercheurs en régions interpellent le gouvernement

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

Plusieurs experts en développement territorial et en politiques publiques n’ont pu être entendus en commission parlementaire portant sur le retour à l’équilibre budgétaire en 2015-2016. Ces quarante-deux chercheurs issus de plusieurs universités ont le sentiment que les régions du Québec sont freinées dans leur élan par l’improvisation et les mauvais calculs du gouvernement Couillard. Non seulement les coupures seront nocives pour elles, mais au-delà des emplois perdus, ce sont des interlocuteurs, des acteurs et de l’expertise qui disparaissent. Dans une très rare sortie publique, les chercheurs servent une mise en garde sévère au gouvernement du Québec.

Le mémoire déposé par le Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT) est sans équivoque: «Quarante ans de savoir-faire et d’expertises terrain sont en danger».

«Les institutions locales et régionales ne peuvent être traitées en fonction de leurs seuls coûts sans évaluer leurs performances et les avantages que les citoyens des régions et l’ensemble du Québec en retirent» (source).

À chaque semaine, une décision tombe qui n’engendre pas le même impact en région qu’en ville. Cette semaine, c’est le Concours Chapeau, les filles! qui se voit amputé de 64 000$, ce qui a pour effet de suspendre le volet régional. En entrevue à l’émission Bon pied, bonne heure, un femme d’affaires de la région de la Gaspésie, Marie-Claude Brière, a immédiatement dénoncé «cette économie de bout de chandelle».

«Je suis impliqué dans le développement de l’entreprenariat féminin depuis des années et sur dix ans, on a vu les fruits de ce programme. Le volet régional, c’est une pépinière qui a fait émerger des femmes qui n’auraient peut-être pas pensé se lancer dans un métier traditionnellement masculin» (source).

Ses propos rejoignent ceux de mon collègue Ianik Marcil qui parle d’une «énième décision à courte vue».

Le professeur Guy Chiasson de l’Université du Québec en Outaouais expliquait en conférence de presse que «normalement les chercheurs sont tatillonneux à prendre la parole publique pour dénoncer, mais cette fois-ci on n’a pas le choix».

Leur approche ne consiste pas à revendiquer le statu quo. Ils souhaitent que le gouvernement ne se contente pas d’improviser des coupures qui nuisent aux régions et qu’il considère des solutions de rechange «qui assainiront les finances publiques par l’innovation»…

«Selon les chercheurs, l’innovation surgira de la mise en relation d’acteurs issus de toutes les sphères d’activité et des intervenants à tous les échelons dans les territoires. C’est pourquoi les chercheurs suggèrent la réalisation de projets pilotes en co-construction avec les acteurs régionaux» (source).

Une compression de 100 000 $ au programme Secondaire en spectacle tombe sur les organisateurs à une semaine du début des finales locales, dans chaque région (source). J’ai été témoin du temps où j’étais directeur d’école en Estrie d’un grand nombre de jeunes mobilisés par leur engagement dans cette activité, ce qui les encourageait à poursuivre leurs études. Le rôle des activités parascolaires dans la réussite scolaire est bien documenté et il est étonnant qu’on ne mesure pas les importantes retombées de cet investissement qui représente bien peu sur le dix milliards $ du budget en éducation. C’est le genre d’exemple de «coupures du gouvernement Couillard dans les institutions régionales» que les chercheurs du CRDT décrient.

La coupure est un drôle de message envoyé aux écoles et aux jeunes des régions en ces journées de la persévérance scolaire 2015. Le Rendez-vous panquébécois aura quand même lieu cette année à Rivière-du-Loup. Il y avait plus de 1000 jeunes de partout au Québec à Amos, l’an dernier.

Marie-Claude Brière rapportait dans l’entrevue citée plus haut qu’une de ses collègues oeuvrant justement dans un métier non traditionnel pour les femmes (co-propriétaire dans la Baie-des-Chaleurs de la Ferme Natibo, production laitière de chèvre, la seule en Gaspésie) avait l’habitude d’utiliser une image pour décrire la situation actuelle: «C’est comme si pour équilibrer ton budget familial et réduire ta facture d’hydro-Québec, tu décidais d’éteindre la veilleuse dans la chambre de la petite dernière».

On dit souvent qu’il n’y a pas de petites économies, mais ce genre de mesures aux conséquences importantes dans les régions entraîne une cascade d’événements qui finissent souvent par engendrer de la panique et coûter très cher à la collectivité.

Les chercheurs universitaires qui réclament une approche d’innovation sociale en remplacement de l’approche comptable ne sont pas surpris, dans les circonstances, de l’émergence d’un mouvement comme celui de Touche pas à mes régions. Questionnés sur l’intensité de l’appui des 42 Ph.D. à l’initiative, ils promettent d’accompagner de leur mieux la coalition de citoyens et d’élus.

Les membres du Centre de recherche sur le développement territorial en avaient long à raconter. Dans les faits, comme l’explique mon collègue du Soleil (lui, c’est un vrai journaliste) présent à la conférence de presse, ils ont résumé l’essentiel de leur message en fin de rencontre: «Le gouvernement met le feu au patrimoine régional et à l’expertise développée au cours des 40 dernières années». Ils ont le sentiment en région de devoir se débrouiller avec ce qui reste, pouvant compter sur beaucoup moins de ressources financières qu’auparavant, pour tenter de rebâtir.

N.B. Si la voix des régions vous intéresse, l’émission d’information Pas de midi sans info (Ici Radio-Canada) sera diffusée en direct du Café Le Brise Bise de Gaspé, lundi le 23 février de 11:00 à 13:00.

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