Réforme scolaire : encore temps de se centrer sur l’essentiel

Note : Une autre version de ce billet a d’abord été publié sous forme de chronique au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « opinion » et dans l’édition papier du lendemain, de chaque quotidien.

Les résultats récemment publiés d’un rapport d’évaluation sur les effets de la réforme scolaire ont fait dire à plusieurs (1, 2, 3, 4) qu’elle n’a pas produit les bénéfices attendus. Néanmoins, beaucoup de chemin a été parcouru et rien n’indique qu’il faille jeter le bébé avec l’eau du bain…

Même si je reconnais des ratés à la réforme scolaire, je suis plutôt de l’avis de Jean-Pierre Proulx (ex-président du Conseil supérieur de l’éducation) : il faut se poser quelques questions avant de porter un jugement final à partir de la seule recherche menée par le professeur Simon Larose et son équipe.

«Dans quelle mesure la réforme a-t-elle été appliquée? Est-ce bien le fait d’avoir été soumis à la réforme qui explique les différences aux résultats en français et en mathématique ?»

Dans son billet, Jean-Pierre Proulx résume ainsi le constat qui s’impose, après avoir bien analysé la recherche de l’Université Laval: «L’écart réel observé aux résultats scolaires entre les élèves qui ont vécu la réforme et ceux qui ne l’ont pas connu ne dépend pas de la réforme. En tout cas, l’étude ne démontre pas cela».

Néanmoins je le répète, de nombreuses lacunes ont été observées pendant cette période de l’implantation du nouveau programme de formation de l’école québécoise qu’on appelle « la réforme ».

L’erreur au sortir des États généraux sur l’éducation aura été de transformer la réforme en «renouveau pédagogique», elle qui devait se centrer «sur les matières essentielles».

Le renouveau a manqué de matière
Tout devait dorénavant passer par des projets et certains ont déduit qu’il ne fallait plus «enseigner» des contenus de formation pour se contenter «d’accompagner» les élèves dans leurs apprentissages. C’est ce que le MELS véhiculait au départ.

La réforme est vite devenue une «caricature transversale». Le «constructivisme radical» et les bulletins en pointes de tarte ont créé un environnement malsain pour l’innovation.

Les enseignants et les directions d’école ont laissé aboyer les médias et y ont regardé de plus près.

Les gains des dernières années
L’approche par compétences du nouveau programme de formation de l’école québécoise a pris toute sa force sur le tard, quand il est devenu clair qu’un élève compétent, c’était un élève savant. C’est ce qui explique que les écoles privées ne l’aient pas boudée et aient fait l’effort de l’étudier pour l’implanter sérieusement.

Je ne suis pas le seul à l’affirmer, comme en témoigne ce tweet de la Fédération des établissements d’enseignement privés.

Un des gros gains de «la période réforme» est que les enseignants ont cessé de confondre les manuels scolaires (un outil pour enseigner) et le programme (le contenu à enseigner). Et il y a davantage…

L’instauration des conseils d’établissement (CE) dans les écoles publiques et l’introduction de la maternelle à temps complet sont des acquis de la réforme. S’il faut donner plus de pouvoirs aux CE, il convient aussi d’intensifier le dépistage précoce et le suivi en bas âge pour concrétiser la volonté d’intervenir dès la petite enfance.

La réforme « sur papier » n’existe plus
Les enseignants sont moins isolés et travaillent ensemble à remettre en question certaines pratiques. Ils se concentrent davantage sur les aspects du programme de formation qui génèrent de la réussite. On ne parle plus de réforme, on est ailleurs…

Les profs se concentrent sur les apprentissages des élèves, plutôt que seulement sur l’enseignement. La grande majorité n’a jamais cessé d’enseigner et porte une plus grande attention à ce que les élèves retiennent de ce qu’on leur fait apprendre.

L’enseignement magistral a encore sa place, mais les profs sont plus ouverts à adapter leurs stratégies en fonction des différents appétits d’apprendre. Ils tiennent aussi compte du fait que tous les élèves dans une classe n’apprennent pas les mêmes choses en même temps, au même rythme.

Martin Lessard le décrit bien dans son billet où il pose la question de l’influence du numérique en éducation

«C’est le credo de ceux qui croient à la technologie en classe : mettre l’apprenant au centre de son apprentissage.»

Les jeunes d’aujourd’hui ne viennent plus à l’école pour observer contemplativement les enseignants en train de s’époumoner en avant de la classe. Ils veulent être actifs. Ils ne veulent plus travailler pour leurs seuls enseignants puisqu’internet permet de diffuser tout ce qu’ils font de beau et de bien.

On l’a bien vu au récent colloque Clair 2015

Les enseignants voient un peu plus clair dans le brouillard d’une réforme mal barrée et ne retiennent maintenant que les éléments valables, dignes de servir la réussite scolaire du plus grand nombre. Ne manquent aux écoles que les moyens de leurs ambitions – plus d’autonomie et moins de bureaucratie – pour qu’elles puissent se consacrer à l’essentiel!

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