Il faut sauver le soldat Lachance !

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Avant de connaître la nature d’une partie de la correspondance entre les deux commissaires de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction (CEIC), plusieurs observateurs critiquaient déjà les résultats de l’exercice qui a coûté 44,8 millions $ (source). Maintenant qu’on sait, on nage en plein délire. Quoi penser maintenant du rôle de Renaud Lachance ?

Le segment Rature et rupture de l’émission Enquête diffusée hier soir débute par une illustration éloquente du changement de ton de France Charbonneau dans ses remerciements à Renaud Lachance. Au moment de terminer les audiences des témoins, ils sont dithyrambiques. Au moment de déposer le Rapport, il sont polis. Le contraste est frappant.

Que s’est-il passé entre le moment où tous ceux qui suivaient les audiences étaient reconnaissants au commissaire Lachance pour la façon qu’il avait de toujours poser les bonnes questions au bon moment et celui consécutif aux évènements d’hier ?

Mystère…

Nous ne sommes pas au cinéma : Renaud Lachance ne peut pas passer pour un grand serviteur de l’État pendant plusieurs mois et devenir le principal suspect d’une potentielle dérape de la CEIC un an plus tard sans qu’il y ait des informations cruciales qui nous manquent.

Et je ne suis pas certain qu’il faille absolument les trouver.

Aujourd’hui, la Coalition avenir Québec propose d’inviter les commissaires Renaud Lachance et France Charbonneau en commission parlementaire. Hier, le Parti québécois réclamait aussi des explications par la voix de Bernard Drainville qui y est allé d’une affirmation lourde de conséquences : « La bisbille entre les deux auteurs du rapport a privé les Québécois de la vérité sur le financement du PLQ ».

Au moment où j’écris ces quelques lignes, le seul à s’être exprimé au nom du gouvernement est un haut gradé du cabinet du Premier ministre et il a simplement repoussé les accusations que le gouvernement serait intervenu dans les travaux de la CEIC « à quelque étape que ce soit ».

J’ai beaucoup lu sur le sujet de la CEIC, en particulier ce billet sur le schisme, de l’un de ceux qui a le mieux couvert les travaux, Brian Myles. Les explications exigent beaucoup de lecture et de concentration. J’ai surtout compris qu’on ne devait pas porter de jugement à la légère.

Les chroniques de deux autres analystes m’ont aussi aidé à comprendre qu’il ne fallait pas donner le même poids à la position de la juge Charbonneau qu’à la dissidence de Renaud Lachance.

Dans Dissension ou sabotage? de Michel David, on reconnait que la Une du Journal (« Mort de rire ») reflétait bien le sentiment populaire sur la question des liens entre le financement des partis politiques provinciaux et l’octroi des contrats publics. Cette impression que les « corrupteurs » s’en tirent à très bon compte est pire encore après les révélations d’hier de l’équipe d’Enquête.

Dans Cracher dans la soupe de Yves Boisvert, c’est la « réticence difficilement explicable logiquement » du commissaire Lachance qui est interprétée comme un geste pouvant « miner inutilement ce rapport pourtant appuyé ligne par ligne ».

Bref, au-delà de la bisbille, la démonstration de la CEIC, qu’elle soit affaiblie ou pas, continue d’être tout à fait pertinente.

Je veux bien que la posture de Renaud Lachance soit considérée comme le principal obstacle à la validation d’un rapport et d’une commission qui a beaucoup démontré, mais en concentrant toute notre attention à détruire la dissidence, on ne fait pas porter le débat au bon endroit.

À qui profite le coulage à Marie-Maude Denis des informations qu’elle a obtenues ?

Assez certain que ce ne soit pas à ceux et celles qui veulent discréditer sa dissidence.

Je crois plutôt qu’il profite à ceux qui veulent discréditer la commission elle-même.

Pour cette raison, je souhaiterais qu’on offre à Renaud Lachance toutes les chances de s’expliquer s’il le souhaite (même contexte pour France Charbonneau), mais il faut d’urgence que cesse le spin de démolition systématique de la contribution du commissaire Lachance à la CEIC.

En participant à cette opération de démolition, ce sont les liens du passé, démontrés, entre le financement des partis politiques provinciaux et l’octroi des contrats publics qu’on contribue à masquer encore davantage.

L’esbroufe entre les deux commissaires de la CEIC est beaucoup moins important que le contenu et les recommandations du Rapport Charbonneau !

Mise à jour du 14 décembre: Renaud Lachance expliquera sa dissidence et répondra aux critiques dans une lettre publiée dès ce soir à 22h. Ajout: Intéressante analyse de Pierre-Yves McSween.

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