Les gouvernements en fugue

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section « blogue ».

De plus en plus de parents choisissent d’exposer leurs craintes à travers les médias malgré les recommandations inverses des officiers de police concernant la fugue de leur adolescente. Seulement pour le Centre jeunesse de Laval, cinq dossiers de jeunes filles ont fait la manchette, récemment. Les gouvernements prennent-ils leurs responsabilités au sérieux au sujet de ces fugues à répétition ?

Le phénomène n’est pas rare. Il s’agit qu’un dossier devienne fortement médiatisé pour que des ministres aient tout à coup la bonne idée d’intervenir. Dans le cas des fugues, la première sortie des deux ministres responsables avait occasionné plus de confusion qu’autre chose, cette fois on espère que la sortie commune des deux mêmes ministres sera plus efficace.

Le problème des fugues n’est pas nouveau. L’ampleur du problème étonne : environ 15 jeunes fuguent chaque jour au Québec (source).

La pression des médias à la suite de celle des parents force aujourd’hui le gouvernement à faire des annonces.

Pour ce qui est du Centre jeunesse de Laval, la ministre Charlebois annonce aujourd’hui qu’un vérificateur sera nommé pour qu’il enquête sur les récents évènements. Il devra évaluer les mesures de prévention des fugues et produire un rapport.

Aussi, les PDG de chaque établissement et les directions de la protection de la jeunesse seront convoqués pour examiner la problématique des fugueurs / fugueuses (en particulier avec les récidivistes) pour revoir les procédures d’encadrement.

Enfin, un plan d’intervention interministériel plus global qui viserait une certaine optimisation des services est en chantier.

On sentait à la période de questions de la conférence de presse des ministres qu’ils sont sur la sellette.

Ces mesures qui souhaitent renforcer la protection des jeunes filles ne sont pas vilaines, mais il faut savoir que plusieurs revendications sont ailleurs et concernent la demande et la banalisation de l’industrie du sexe.

Sur ce dernier point, ce sont les gouvernements qui sont en fugue. Et à répétition.

Je lisais ce matin le communiqué de la Concertation des luttes contre l’exploitation sexuelle (CLES) et je me disais moi aussi qu’il est curieux que les gouvernements ne saisissent pas l’occasion d’agir puisqu’ils ont les moyens de s’attaquer aux « causes sociétales expliquant le recrutement de mineures dans la prostitution ».

On oublie complètement d’agir contre les clients de la prostitution…

« C’est en effet la demande des clients pour des filles toujours plus jeunes qui fait en sorte que celles-ci deviennent des proies de choix pour les recruteurs. C’est l’industrie du sexe qui crée la demande qui elle, conditionne le recrutement. Il faut s’attaquer à cette industrie et à sa banalisation. Il faut contrer le discours qui travestit cette forme de violence envers les femmes en un ‘travail choisi’ et propage l’idée que les hommes ont le droit d’acheter l’accès au corps des femmes et des filles »

Ma chronique sur le sujet publiée lundi évoquait la nécessité d’agir ensemble sur le phénomène des fugues. Il faudra aussi un plan d’action concernant les clients – des hommes – dont on ne parle pas du tout.

Le comportement de certains hommes inquiète depuis longtemps et la présente lumière médiatique ne se déplace pas vers ce volet de la problématique.

En sourdine, on culpabilise les parents pris dans la tempête et on blâme les jeunes filles, trop étourdies pour se rendre compte du dommage qu’elles s’infligent, dans certains cas allant même jusqu’à fuguer à répétions.

C’est un réflexe normal, mais on ne règlera rien à court terme en agissant ainsi.

La priorité devrait aussi porter sur la signature du décret de mise en application de la loi C-452 au fédéral, « puissant outil de lutte contre la traite des personnes ». On dit que ça s’en vient, mais bon…

Le gouvernement provincial agit aujourd’hui sur quelques fronts sentant la pression monter mais ne parle pas de son plan d’action en exploitation sexuelle, promis il y a plusieurs années.

Pour ce qui est d’éducation numérique, pour le moment on se contente de blâmer les médias sociaux et la possession des téléphones multifonctions dans les centre jeunesse. On ne parle pas du blocage institutionnel des sites Internet que les jeunes utilisent qui se continue dans la grande majorité des commissions scolaires du Québec. Je le rappelle : faire semblant que Facebook et Snap Chat n’existent pas est la pire des méthodes d’accompagnement et d’éducation aux médias sociaux.

Le palier municipal devrait quant à lui se préoccuper davantage des salons de massage dits « érotiques » dont « on sait être des lieux de prostitution où il est aisé d’employer des mineures ou des victimes de traite ».

Il faut profiter de la médiatisation sur ce grave problème pour aider nos filles, certes, mais en se concentrant également sur une des racines du problème.

Les hommes et les femmes doivent se lever ensemble pour que cesse l’exploitation sexuelle !

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