Les taxis tiennent à leur monopole

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Une nouvelle ronde de consultations particulières et d’auditions publiques s’est enclenchée pour qu’une nouvelle législation sur les services de transport par taxi voit le jour rapidement. Cette fois-ci, les chauffeurs de taxi donnent l’impression d’avoir le gros bout du bâton…

Derrière les gros mots du porte-parole du comité provincial de concertation et de développement de l’industrie du taxi, on sent tout de même de l’inquiétude: « Uber a un comportement de criminel endurci. Ça m’insulte que le gouvernement prenne autant de temps pour arrêter un voleur » – Guy Chevrette (source).

S’il en met autant pour définir son adversaire en le plaçant dans le camps « des méchants », c’est que Guy Chevrette craint que le ministre Daoust ne maintienne pas la ligne dure avec l’entreprise Uber, à l’origine de toutes ces tribulations des derniers mois.

Mon collègue Pierrot Péladeau qui a lu « l’intégrale » des transcriptions de la première série de consultations remercie Uber pour le progrès de nos députés québécois, moins « otages de l’informatique » qu’avant la commission parlementaire, puisqu’ils ne se sont pas « laissés enfirouaper par des arguments technocratiques ».

En comparaison avec un exercice semblable fait en 2012 (touchant le domaine de la santé), Pierrot affirme que « nos parlementaires ont fait un véritable saut quantique » dans cette précédente consultation qui aurait pu les confronter une fois de plus au « mythe d’un Progrès informatique aussi unidirectionnel qu’inéluctable ».

Mon collègue blogueur qui admet que « Uber a joué un rôle clé dans ce résultat » a cependant « enterré » un peu vite l’entreprise qui prétend faire du « covoiturage urbain », à mon avis. J’y reviens…

Le député Amir Khadir (Québec solidaire) a poussé l’audace hier jusqu’à qualifier de chant du cygne cette dernière comparution de Jean-Nicolas Guillemette (d.g. de Uber au Québec) à l’Assemblée nationale… « Cette bulle va s’effondrer et on sera fier au Québec d’y avoir contribué. Est-ce que vous avez pensé vous trouver un autre emploi, parce que vous ne pourrez plus opérer au Québec et Uber va chuter ? »

Il faut revoir la comparution des gens de Uber pour se rendre compte qu’ils se sont présentés avec plusieurs propositions aux parlementaires, avec en prime un changement de ton et d’attitude devant une législation qui semble faite sur mesure pour maintenir le monopole des taxis au Québec.

Politiquement, le cheminement du projet de Loi 100 demeure très intriguant et surtout, captivant. Chaque formation politique semble avoir pris beaucoup d’assurance dans son positionnement.

Amir Khadir (QS) et Martine Ouellet (PQ) appuient chaleureusement le projet de Loi déposé par Jacques Daoust (PLQ) et vont mettre autant de pression qu’ils peuvent pour que le ministre ne cède rien à Uber, ce qui profiterait ainsi « au cartel des taxis ».

Jacques Daoust et le Parti libéral passent pour « des anti-innovation » dans l’opinion publique et auprès de leur aile jeunesse. C’est un peu injuste, mais la réalité de leur dissension sur l’importance de toucher à la gestion de l’offre (le nombre limité de permis de taxi en circulation au Québec) les confine au maintien des vieux modèles d’affaires.

Certains libéraux continuent d’ailleurs de s’exprimer ouvertement pour que la résolution votée au dernier conseil général soit respectée…

 

Il y a un espace dans ce contexte pour prendre le parti des consommateurs et la Coalition avenir Québec l’a bien compris. François Legault et ses députés attaquent le caractère « Pierrafeu » de la présente mouture du projet de Loi 100. Ils seront sûrement derrière les amendements qui pourraient permettre aux « partenaires chauffeurs » de concrétiser leur projet pilote qui vise à « apaiser les craintes » de ceux qui croient que Uber n’a pas intérêt à se conformer au régime fiscal du Québec.

La nouvelle du constructeur Toyota [qui] s’allie avec Uber à l’international va contribuer à donner de l’eau au moulin à ceux qui souhaitent que la solution Uber puisse faire partie de l’offre possible quand vient le temps de se chercher un service de transport.

Elle va aussi enlever certains arguments à Amir Khadir.

Les consultations vont aller bon train toute la semaine et l’étude « article par article » du projet de Loi 100 devrait suivre rondement puisque le gouvernement n’a pas intérêt à laisser trainer la situation au-delà du printemps.

Pierrot Péladeau écrivait qu’il revenait « aux députés d’adopter les lois et aux technologies numériques de les mettre en œuvre ». Il a bien raison.

Le défi du projet de Loi à l’étude semble se transporter sur le fait de permettre à l’industrie du taxi de maintenir ou pas son monopole.

Guy Chevrette et son groupe auront beau crier des noms toute la semaine à Uber et à ceux qui utilisent les services de ses chauffeurs, la pression deviendra intenable pour le PLQ si Jacques Daoust s’obstine à maintenir la ligne dure.

Et si « le Progrès » ne devenait pas tant d’intégrer des nouvelles technologies aux services de transport des personnes, mais de questionner sérieusement le monopole de ceux qui sans Uber n’auraient jamais modernisé leur façon de faire ?

Il est permis de se demander jusqu’à quel point Jacques Daoust tient au monopole des taxis ?

On aura l’occasion de répondre à cette question en suivant de près le travail du ministre et de nos législateurs…

N.B. Pour ceux que le sujet intéresse, je recommande la lecture de ce billet: L’étoile du match : Guillaume Lavoie.

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