Juste pour rire a merdé

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section blogue.

En prenant fait et cause pour Mike Ward dans le litige qui l’oppose au Tribunal des droits de la personne, le Festival Juste pour rire relance la controverse.

Des collègues de l’humoriste se succéderont sur la scène du Métropolis samedi soir prochain en appuie à « sa cause ».

En plus du spectacle-bénéfice, une campagne de sociofinancement devrait lui permettre de récupérer les 93 000$ dépensés en avocat.

Grand bien lui fasse…

Mike Ward laisse entendre depuis le début de « cette affaire » qu’il a « bénéficié d’une large couverture médiatique » et « qu’à ce prix-là, il allait continuer à dire tout ce qu’il veut et dans toutes les langues ».

Que Mike Ward n’ait pas voulu comprendre que son comportement s’apparente à de l’intimidation à répétition est une chose, mais qu’un des joueurs importants dans l’industrie de l’humour au Québec en rajoute, c’est une autre.

Selon Mike Ward, « La vie devrait être tellement simple »…

Le problème avec « la vie » en société, dans le contexte de l’éducation en particulier, c’est que cette vision simpliste des choses est tout simplement inapplicable.

Dans une cour d’école, avec des jeunes, le laisser aller ou le laisser faire a tendance à conduire systématiquement vers l’anarchie. Et ce sont ceux qui sont différents des autres qui ont tendance à écoper.

Ce n’est pas pour rien que le message d’une enseignante au secondaire ait été relayé aussi largement en quelques heures : « Ward et ses collègues qui le soutiennent ébranlent tout ce qui est fait » pour lutter contre ce fléau de l’intimidation.

J’ai lu attentivement les billets du professeur Pierre Trudel (Ward a discriminé Jérémy / L’effet inhibiteur de l’expression humoristique : une pente glissante) et je comprends bien qu’il est « impossible d’exclure » que le jugement rendu par le tribunal puisse « constituer un précédent » (Ajout: Il y en a maintenant un troisième, De « Gros jambon » à Mike Ward: humour ou intimidation ?).

Le meilleur moyen d’éviter ce précédent aurait probablement été de s’excuser envers Jérémy Gabriel, mais il semble que ça ne faisait pas partie des options envisagées par Mike Ward…

On aurait pu « aider » Mike Ward à faire preuve d’un peu d’humilité pour faire amende honorable auprès de Jérémy Gabriel et éviter ce avec quoi il est pris en ce moment. D’autres avant lui se sont excusés d’avoir dépassé certaines limites et ils ne s’en portent pas plus mal (1, 2, par exemple).

Mike Ward lui-même a déjà été capable de s’excuser.

L’initiative du Festival Juste pour rire peut être interprétée dans les circonstances comme un encouragement à l’humour « trash » de Mike Ward, même quand il s’agit d’utiliser le handicap d’un enfant pour le ridiculiser.

Le recours à la Commission des droits de la personne est hautement questionnable, mais rendu où on est dans le cheminement de ce conflit, je suis loin d’être certain que Juste pour rire sert bien l’industrie de l’humour en opposant sa volonté de défendre à tout prix « l’humour de fond d’égout » au détriment de la perception de plus en plus présente que Mike Ward a abusé – et abuse encore – de Jérémy Gabriel dans cette affaire.

La population a le droit de penser qu’il existe des limites au droit de rire de n’importe qui en particulier, n’importe comment.

Le directeur d’école que je suis appuie sans réserve la lutte contre l’intimidation.

Je suis ravi de la sortie de l’enseignante J-ulie Boivin qui interpelle Mike Ward et les humoristes. Elle peut compter sur mon soutien.

Qu’on ne me demande pas de choisir entre la lutte contre l’intimidation dans les écoles et la volonté de ne rien baliser dans les privilèges de Juste pour rire ou de Mike Ward.

Mon choix sera facile : je refuse d’appuyer le combat de celui qui « donne du jus » à répétition aux intimidateurs de Jérémy Gabriel !

Le prétexte de la liberté d’expression demeure légitime, mais dans le cadre de ce litige, on n’en est plus là.

Si l’industrie de l’humour n’est pas capable de reconnaître qu’il est possible d’enfreindre certaines limites dans un discours public quand un de ses membres s’acharne au point de porter atteinte de façon discriminatoire à la réputation d’un enfant, elle s’expose à ce que d’autres instances le fassent à sa place.

Juste pour rire ne la trouvera peut-être pas drôle…

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