Poseur de questions professionnel !

Via médiaTIC, je découvre une initiative à la fois audacieuse et pertinente par le biais des cybercarnets : Des idées pour Radio-Canada. Jean-Hugues Roy tient pignon sur carnetosphère (jusqu’à Noël tout au moins) pour favoriser des échanges sur l’avenir de Radio-Canada ! Ça m’intéresse.
Décidément, le véhicule du carnet web n’a pas fini de nous en faire voir de toutes les couleurs. Combiné aux agrégateurs qui nous permettent de souscrire aux fils de nouvelles XML, ils deviennent des outils puissants qui sont appréciés par des utilisateurs d’un spectre de plus en plus large d’individus et de sociétés. J’aime…
N.B. Pour plus de renseignements sur ce qui « se brasse » à Radio-Canada, lire l’article de Normand Provencher dans le Cahier Zoom du Soleil d’ajourd’hui. Puisqu’aucun hyperlien ne semble accessible, je reproduis le texte ci-bas !
Mise à jour de fin de P.M. : Un autre cybercarnet avait aussi repéré le carnet du « poseur de questions »… D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le Monsieur fait dans le cybercarnet et il le fait bien !


Le Soleil
Zoom, samedi 25 octobre 2003, p. D3
Ici gît Radio-Canada
Provencher, Normand
Lorsqu’il y a de la houle sur l’océan et que ça brasse sur le bateau, le premier réflexe de l’équipage est d’aller voir le capitaine pour se faire rassurer. S’il sent le fond de tonne comme le type de l’Exxon Valdez, on recommande de mettre sans tarder les chaloupes à la mer. S’il affiche au contraire un sang-froid germanique, il y a de fortes chances que cette attitude soit contagieuse et entraîne une folle envie d’écoper en choeur, l’exception à la règle étant le capitaine du Titanic, le pauvre, qui avait déjà deux prises contre lui lorsqu’il a été réveillé parce qu’il y avait de l’eau au sous-sol.
Lorsque ça brasse dans une entreprise, c’est la même chose que sur un navire. Tout le monde a le réflexe de se faire rassurer par le grand boss. S’il reste dans son bureau, à nier que le bateau est en train de couler à pic, il y a de quoi paniquer. S’il se tient debout, clame qu’il a le gouvernail bien en main et que tout le monde va être à l’heure pour souper, avouez que c’est plus rassurant, surtout si vous êtes parti depuis deux mois et demi.
* * * * *
Cette allégorie maritime m’est venue à l’esprit, il y a deux jours, lorsque le capitaine de Radio-Canada, Robert Rabinovitch, est descendu sur le pont pour donner son opinion au sujet de la tempête qui sévit dans sa boîte depuis quelques mois. Disons qu’il était plus que temps qu’il vienne à la rescousse de son équipage, dont le moral commençait à atteindre des profondeurs abyssales et titanesques.
Ce qu’il a dit, M. Rabinovitch ? Plusieurs choses intéressantes. D’abord, et l’aveu est de taille, qu’il avait commis une erreur en détournant Radio-Canada de sa véritable mission, qui est celle d’être une télévision publique de qualité, une sorte de phare télévisuel dans un domaine où la concurrence est prête à vendre sa mère pas cher pour gagner un dixième de BBM.  » Il n’y a rien de mal à commettre des erreurs, a-t-il dit. Ce qui est inadmissible, c’est de refuser de les admettre.  »
Au début de l’automne, rappelez-vous, Radio-Canada respirait la confiance. Simon Durivage parlait de cotes d’écoute d’un million pour son émission de 17 h. Gilles Gougeon devait nous raconter les nouvelles dans notre salon de façon si conviviale qu’on ne voudrait plus se lever pour aller fouiller dans le frigo. C’était la saison de tous les espoirs. Comme durant les camps d’entraînement, tout le monde se voyait en finale de la coupe Stanley. Et puis, la saison a commencé…
L’émission de Simon Durivage s’est enlisée. Gilles Gougeon est devenu l’illustration même du principe de Peter. Il est passé d’une émission (La Facture) où il était comme un poisson dans l’eau à une autre (Le Téléjournal) où il semble aussi à l’aise qu’un moine capucin dans un congrès de strip-teaseuses. Dans la liste des 30 émissions les plus populaires, on en retrouve seulement 5 de Radio-Canada.
Ô capitaine, mon capitaine ! comme le disait ce bon vieux Walt Whitman.
* * * * *
Le monde de la télévision n’a plus rien à voir avec celui des années 60 et 70. À l’époque, la concurrence de Radio-Canada s’appelait le canal 10, c’est tout. Pas de TQS, de TV5, de Canal Vie, de LCN, de CNN et de RDS dans le décor, encore moins d’Internet. On pouvait faire les choses les plus folles qui coûtaient les yeux de la tête, comme envoyer plein de monde à temps double pour couvrir les Olympiques, ou encore réaliser des émissions pour enfants dont on se souvient encore, comme La Ribouldingue. L’argent rentrait à pleines portes et on le dépensait sans compter. Personne ne trouvait à redire. Un, parce que personne n’avait le choix de regarder Radio-Canada ; deux, parce que c’était de la bonne télévision.
Ces années de vaches grasses sont terminées. Radio-Canada doit maintenant se battre dans un marché complètement dingue, contre des dizaines de chaînes spécialisées, un marché où les cotes d’écoute font foi de tout. Les BBM sont maintenant analysés comme les cotes de la Bourse. Loft Story plante Star Académie un soir, c’est le contraire le lendemain, et Virginie en arrache, elle qui se la coulait si douce dans sa polyvalente avant l’arrivée de la télé-réalité.
Ce n’est plus de la télé que l’on fait maintenant, c’est la guerre.
* * * * *
Or, pour Robert Rabinovitch, l’objectif de Radio-Canada n’est plus de gagner cette guerre à tout prix. Méchant aveu, un autre. Autrement dit, il serait possible de faire de la bonne télévision et avoir quand même sa place au soleil.
Radio-Canada a beau vouloir ne pas faire des cotes d’écoute sa raison d’être, refuser avec raison de jouer le jeu de l’information-spectacle, préférer ouvrir son bulletin avec une nouvelle sur l’union de la droite canadienne plutôt que l’histoire d’un prédateur sexuel à Brossard, se convaincre que Les Super Mamies est une bonne idée, si de moins en moins de monde vous regarde, c’est inévitablement l’effet domino.
Moins d’annonceurs, moins d’argent qui rentre. Moins d’argent qui rentre, moins d’argent pour faire de bonnes émissions. Moins d’argent pour faire de bonnes émissions, moins de cotes d’écoute, et ainsi de suite. C’est le syndrome de la saucisse Hygrade, mais à l’envers. À moins que le gouvernement fédéral, puisque c’est l’argent des contribuables qui est en jeu lorsqu’on parle de télévision publique, décide d’injecter encore plus de millions dans la machine, ce qui ne semble pas une décision politiquement rentable par les temps qui courent.
Pour reprendre l’allégorie maritime, le paquebot radio-canadien n’en a pas fini avec les tempêtes. Le capitaine a sorti son sextant. L’équipage est sur le pont et attend de voir où va mener le changement de cap. Vers la terre promise ou les récifs ?

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