Lettres d’opinion (1)

J’aime lire les opinions des gens du milieu scolaire surtout quand elles traduisent des préoccupations représentatives de ce qui se vit « sur le terrain ». J’apprécie les opinions de divers horizons; elles ne me suggèrent toutes pas les mêmes réactions, mais je puis dire que je chemine autant avec celles qui convergent avec mon opinion qu’avec celles qui en divergent complètement… Dans les prochaines lignes, j’aurais le goût de garder la trace de trois documents qui expriment des opinions sur des sujets « chauds » en éducation actuellement.
Premièrement, Le Devoir publie cette lettre de Jean Bourbeau à propos de la pertinence d’un ordre professionnel pour les enseignants du Québec. Un extrait :

«Souhaitons qu’un ordre professionnel pour les enseignants ne soit plus perçu, par certains syndicalistes radicaux, comme un antagonisme aux activités syndicales. Je suis convaincu que le syndicalisme québécois est ouvert à la différence, à la complémentarité et à la concertation et qu’il croit que la valeur de la liberté d’expression n’entrave pas la valeur de la solidarité.»

Ensuite, Marie Burroughs Jobin publie sur son cybercarnet un texte qui fait suite à celui-ci dans lequel elle s’interroge sur l’architecture de l’école. Un extrait :

«J’aimerais bien pouvoir dire, comme M. Asselin, que « Je ne reconnais plus l’école primaire dans le portrait de l’école que fait le chercheur Belge« . Malheureusement je trouve que la description des écoles dans cet article correspond encore tout à fait à mes observations en 2004.»

Enfin, je reçois ce matin une lettre adressée au ministre de l’Éducation qui fait suite à la parution dans les journaux « tabloïds » de Québecor (Journal de Québec et de Montréal) de multiples articles d’un journaliste qui a « secrètement travaillé comme prof dans une polyvalente de la Rive-Nord, afin de connaître la réalité des enseignants québécois et d’observer le comportement des ados lorsqu’ils sont loin du regard de leurs parents. » Je publie sous l’hyperlien plus bas la lettre en entier (et le nom de l’auteur dès que j’aurai obtenu son accord; demande faite ce matin par courriel). Pour l’instant, un extrait :

«L’intégration asymétrique est un désastre. L’élève régulier n’a plus aucun droit : on a enlevé de sa classe les meilleurs éléments, pour les mettre à l’International et on y intègre des enfants à problèmes multiples. L’autistique, lui, a droit à un adulte pour lui tout seul toute la journée, le surdoué est dans une classe spéciale à l’abri de l’intégration, le délinquant dérange, est suspendu pour aller jouer au club vidéo et revient déranger. Tous disposent d’une foule de droits, sauf l’élève régulier qui aimerait bien que le prof n’ait pas à passer la moitié de son temps à faire de la discipline.»

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Tout cela me suggère que de nombreux problèmes dans l’organisation du travail portent atteintes à l’exercice de la vocation d’enseignant :

  • Syndicalisme vs ordre professionnel
  • Organisation traditionnelle de la classe vs capacité d’innover pédagogiquement
  • Intégration sauvage de différents types d’élèves vs droits de chacun à des services de qualité

Ce ne sont pas là de grandes « découvertes » en soi… Mais cela me fait réaliser jusqu’à quel point on a beau avoir de bonnes idées, de bonnes réformes et de bons outils, si le travail dans les écoles est mal organisé, il n’y aura pas de VRAIS changements à grande échelle (et ce n’est pas que de la responsabilité du MEQ…). Un gros paquebot comme celui du système scolaire québécois, ça ne prend pas le virage du succès comme n’importe quel bateau !

Mise à jour du 7 mars: Une autre lettre qui va dans le même sens que celle de M. Bellemare…


Réponse de M. Serge Bellemare à ma demande :
Bonjour Monsieur Asselin,
J’ai écrit cette lettre sans me faire d’illusion sur les résultats mais je ne pouvais taire une réalité très grave à mon avis.
À plusieurs cependant on arrivera à faire bouger les décideurs.
Si ma lettre peut aider je souhaite sa diffusion bien sûr.
Au plaisir,
Serge Bellemare
Le 5 mars 2004
Monsieur le Ministre,
Il y a quelques semaines, Le journal de Montréal publiait une série d’articles à la suite de l’expérience d’un journaliste dans une école. J’attendais avec impatience le dernier jour de la série alors que les autorités allaient se prononcer sur la question. J’ai été déçu par votre réaction; vous semblez être d’avis que les mesures présentement en place sont suffisantes.
La situation décrite par ce journaliste représente l’état des choses en général; tout ne va pas si mal partout, bien sûr, mais le taux d’abandon de la profession démontre qu’il y a un malaise certain, un problème sérieux.
La réforme sera un puissant outil de motivation mais ne réglera pas grand-chose, si on ne donne pas à l’école le pouvoir de ses responsabilités, si on ne s’attaque pas à la culture de l’enfant-roi et si on ne reconnaît pas que l’intégration est trop souvent un fiasco.
On a changé la culture face à la cigarette, on peut peut-être faire la même chose en ce qui concerne l’enfant-roi. D’ailleurs si on réussit à ce seul chapitre, on aura gagné la bataille.
L’intégration asymétrique est un désastre. L’élève régulier n’a plus aucun droit : on a enlevé de sa classe les meilleurs éléments, pour les mettre à l’International et on y intègre des enfants à problèmes multiples. L’autistique, lui, a droit à un adulte pour lui tout seul toute la journée, le surdoué est dans une classe spéciale à l’abri de l’intégration, le délinquant dérange, est suspendu pour aller jouer au club vidéo et revient déranger. Tous disposent d’une foule de droits, sauf l’élève régulier qui aimerait bien que le prof n’ait pas à passer la moitié de son temps à faire de la discipline.
Les écoles séparées pour les élèves en difficulté, c’était trop, mais tout le monde dans la même classe, sauf les meilleurs, c’est aller trop loin dans l’autre sens. À mon école, par exemple, on avait toutes les clientèles et d’excellents spécialistes, et ça marchait.
Une autre avenue consisterait à diminuer le nombre d’élèves par classe ou à donner à l’école d’autres pouvoirs que celui de suspendre à répétition.
Des mesures de ce genre ou toute autre mesure qui irait à la racine du problème seraient bienvenues. L’enseignement ne sera jamais un métier facile, mais il ne devrait jamais être quasi impossible.
Veuillez accepter, Monsieur le Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux,
Serge Bellemare
Enseignant LBPSB
Mise à jour du 18 mars 2004 : Une autre lettre de M. Bellemare.
Suite de ce billet ici

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1 Commentaire
  1. Photo du profil de StephaneAllaire(Ytsejamer)
    StephaneAllaire(Ytsejamer) 18 années Il y a

    Merci pour le lien vers la lettre de M. Bourbeau. J’aime bien tout l’humanisme qui s’y dégage!

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