L’avion inspire

Je ne me souviens pas d’avoir déjà écrit dans l’avion. Lors de mes précédents voyages (1, 2 et 3), j’étais probablement anxieux de voir ce qui m’attendait. Ou alors, j’étais à plat de ce que m’avait coûté en énergie les préparatifs. De toute façon, je trouve toujours l’inspiration pour écrire. Je m’étonne moi-même depuis octobre 2002; il n’a pas vraiment eu de période « pages blanches »…
Je suis donc en route pour Poitiers. Quatorze jours loin de la maison cette fois. Moins de temps pour flâner dans la blogosphère, peu de temps connecté en ligne, mais les yeux pleins de nouveautés, les oreilles chatouillées par une panoplie de sons qui commencent à devenir familiers et ces odeurs que je retrouve avec bonheur. À commencer par les aéroports, les gares et les lieux publics de Paris qui me font anticiper des moments aussi intenses qu’effervescents !
J’ai vraiment le goût d’écrire. Et pourtant, je viens de terminer l’écriture du rapport 2004-2005 des activités tenues à l’Institut St-Joseph. Voilà le signe que la page est vraiment tournée. Je viens de mettre le point final à ma perspective de directeur de cette belle école. Ça me fait tout drôle. Je me suis replongé dans l’agenda de chaque mois. Les réalisations, les défis relevés, les difficultés; les bons coups, les moins bons, ceux dont on ne peut parler dans un rapport annuel et les passages obligés qui font de cet exercice une étape contraignante mais ô combien essentielle.
Je parlais des événements qu’il m’est impossible de nommer dans le rapport, des anecdotes qui ne font pas partie de ce que les gens du C.A. veulent voir paraître dans le document qui composera la petite histoire de l’institution. Du genre de celui-ci impliquant Victoria ou celui-là mettant en vedette Dominick. De fait, j’ai peine à le mettre en mots. Mais grâce à l’atmosphère du voyage, on dirait que ça vient. Mon siège dans l’avion ne me laisse aucune issue. Le bruit sourd des turbines qui nous propulsent m’aident à me concentrer plus profondément qu’à l’habitude. Je découvre…

Je pense à une fin de P.M. vers 16 h. Les élèves sont aux services de garde, certains enseignants sont dans leur classe et d’autres se préparent à quitter. Celle qui a vécu un événement hors de l’ordinaire aujourd’hui vient se pointer le bout nez à la porte de mon bureau. Elle a le goût de jaser. Je me rappelle. Sa voix est chargée d’émotion; elle n’aborde pas le sujet qui la noue directement, il me faut deviner un peu… il me faut explorer où se cache l’élément qui nous engagera vers une vraie conversation. Celles que j’aime tant. Celles où je ne sais pas où on s’en va, celles où nous sommes tous les deux du même côté de la table à regarder le même problème d’angles différents. Et puis au détour, le chat sort du sac ! Elle balance ce qui la paralyse, ce qui l’inhibe et nomme son désarroi. Je suis tout ouï en même temps que je ne sais pas quoi lui dire pour la mettre sur une piste, sur une bonne piste. Et j’écoute. J’écoute.
Tout à coup, quelques instants avant qu’il n’y ait plus un chat dans les environs, il y a ce moment magique où elle trouve le chemin qui fait du sens pour elle. «Qu’est-ce que vous avez dit là, à l’instant?». Je réécoute ce que je viens de dire… et je répète. C’était ça que nous cherchions ensemble. Nous faisons un peu de millage sur cette trouvaille et je la vois repartir, regailliardie par cette écoute qui m’a fait parler des jeunes que j’ai rencontré, des parents qui ont traversé mon parcours professionnel et des situations qui ont forgé mon expérience.
Je me souviens de ces instants de grâce au moment où je tourne la page sur ces sept années de coaching professoral. Je m’en souviens parce qu’une d’elle m’a écrit récemment et je viens de relire :« comme Opossum « m’a pris » mon mentor, j’en suis réduis à vous écrire pour vous en parler» qu’elle a dit…
Je me devais de ramasser cet instant où je m’en vais partager avec des formateurs en France sur le sujet des technologies et des changements qu’ils apportent de par leur intégration aux pratiques qui mènent aux apprentissages. Je me souviendrai donc de ce qui monte à cet instant : c’est ce qui contribue à créer des liens avec les gens qui compte. Une parole dite, un courriel inattendu envoyé, un commentaire posté, un geste gratuit posé, un retour non obligé sur ce que ce que je viens de lire, une parole gentille au téléphone, un service rendu sans contre-partie… Tout geste virtuel ou en présence physique l’un de l’autre qui nous fait sentir qu’on n’est pas seul à bord. Un appui sur lequel on peut faire porter notre peine ou une joie difficile à contenir. Les nouvelles technologies ne sont qu’un moyen de plus à notre disposition pour humaniser des rapports entre des personnes qui élèvent ensemble des êtres humains qui aspirent au plus beau de ce qu’ils sont ! C’est tout.
Il fallait que j’écrive à trente-cinq mille pied de haut pour coucher cela sur mon écran…
Décidément, écrire des rapports… ça me fait tout drôle !
Je me souhaite bon voyage.

Tags: "Administration scolaire" "Poitiers 2005" Pédagogie et nouvelles technologies