T’es mort ou je ne joue plus…

Note : Ce billet a d’abord été publié au Journal de Québec et au Journal de Montréal dans la section du blogue des «spin doctors».

Pow ! pow ! t’es mort… une expression de notre enfance. Quand celui avec qui on jouait ne voulait pas collaborer, il arrivait qu’on doive lui rappeler les règles du jeux : quand t’es mort, tu fais le mort. Et si vous tombiez sur quelqu’un de pas loyal, il réapparaissait dans le jeu, sans avertissement. Et c’est à ce moment que vous deviez lui dire, «t’es mort ou je ne joue plus». C’est devant ce dilemme très particulier que nous nous trouvons avec le retour de Gilles Duceppe.

Il réapparaît sans avertissement.

On parle d’une sorte de «Putsch en douceur».

Gilles Duceppe a vécu une dure défaite électorale le 2 mai 2011. Il s’est retiré le soir même. Politiquement en retraite depuis quatre ans, il regardait le jeu et il restait à l’écart, se contentant de commenter, à l’occasion.

On apprenait hier qu’il reprendra du service aujourd’hui, en fonction de la prochaine campagne électorale de cet automne. On ne connaît pas la nature des contorsions que le Bloc québécois s’imposera pour légitimer le retour de celui qui ne devait plus jouer, mais il faut que la situation soit presque désespérée pour se comporter ainsi.

Gilles Duceppe avait la réputation d’être un redoutable «campaigner» qui connaissait biens ses dossiers, mais dans ce contexte de panique que peut-il vraiment offrir ?

On a beau dire que «le Bloc a de meilleures chances de remporter des sièges avec la participation de M. Duceppe», il ne faut pas prendre les électeurs du Québec pour des gens qui n’ont pas de mémoire. Les signes que ça n’allait pas bien pour le parti souverainiste fédéral étaient déjà légions au printemps 2011. La situation ne s’est pas améliorée depuis…

Il fut un temps où on pouvait dire que le Bloc québécois défendait avant tout les intérêts de tous les Québécois. Avec l’élection en bonne et due forme de Mario Beaulieu, c’est l’intérêt de l’indépendance du Québec qui est devenu le fonds de commerce du Bloc. Je ne crois pas qu’un retour en arrière soit possible, même si on ramène de façon même pas subtile celui qui en d’autres temps savait doser la médecine souverainiste.

Quand le Bloc est passé de 49 députés à 4, on a pensé que le parti fondé en 1991 se renouvellerait, ou disparaîtrait. Le retour en arrière qu’on consacrera ce matin est le signe que le renouveau n’a pas été possible.

Mon collègue Patrice Servant le rappelle : «Bientôt 25 ans de Bloc. C’est long pour le parti éphémère qu’avait imaginé Lucien Bouchard.»

L’effet Pierre Karl Péladeau
Il faut se demander quel rôle a bien pu jouer le nouveau chef du Parti québécois dans ce retournement de situation ?

Après avoir questionné l’utilité du Bloc au début de sa campagne à la chefferie du Parti québécois, il semble que Bernard Landry lui ait fait comprendre en un coup de téléphone qu’il ne pouvait pas tourner le dos au petit frère qui oeuvre sur la scène fédérale. Ensuite, le petit quinze minutes de présence à l’assemblée d’investiture de Mario Beaulieu avait laissé bien des observateurs perplexes.

Est-ce que Pierre Karl Péladeau aurait pu exiger un changement de garde au Bloc en échange d’un appui plus soutenu, craignant d’être associé à un fiasco aux élections d’automne ?

Ce changement sera-t-il suffisant pour que Pierre Karl Péladeau s’investisse à fond, sachant qu’il n’y a aucune promesse de réussite et qu’un cuisant revers pourrait entacher une début de mandat déjà pas très bien entamé avec des sondages loin de la lune de miel attendue et deux défaites aux élections partielles dans la capitale nationale ?

Alec Castonguay de l’Actualité va un peu plus loin et demande : «Duceppe va-t-il enterrer ou ressusciter le Bloc?»

On sait que «pour les débats des chefs, c’est un avantage certain» de pouvoir compter sur l’expérience et la notoriété de Gilles Duceppe plutôt que sur Mario Beaulieu qui promet de se faire manger tout rond, mais le contexte de ce retour risque de lui avoir fait perdre une bonne part de son mordant.

«Si le décision de Duceppe risque de causer des ennuis au NPD, qui partage plus d’électeurs potentiels avec le Bloc que tout autre parti fédéral au Québec, le retour de l’ancien chef bloquiste risque de faire sourire Stephen Harper et Justin Trudeau.»

Dans un billet paru récemment au Voir, Marc-André Cyr (un prof de l’UQAM «résolument à gauche») n’y va pas avec «le dos de la main morte» sur «Le pays frit du colonel PKP», alléguant que le vocable « pathétique » «serait un mot trop faible» pour qualifier (…) l’idolâtrie, le messianisme et la conscience malheureuse» dont font preuve les péquistes.

«À force de compromis, de manque de sens politique et de conformisme, les péquistes ont finalement réussi à repousser encore plus loin les frontières honorables de la bêtise. Non seulement ils ont aplati le projet de souveraineté au point d’en faire une plate galette sans saveur, mais ils ont fait de l’admiration de cette plate galette sans saveur la condition même d’adhésion à ce qu’ils osent encore appeler un « projet ».»

Le mot « pathétique » me paraît être bien choisi pour commenter ce qui arrive ce matin chez les bloquistes.

Quelle autre couleuvre le mouvement indépendantiste s’apprête-t-il à faire avaler à ses militants à l’aube d’une autre occasion de tester la valeur de l’option dans un scrutin fédéral ?

Moi qui ai déjà voté Bloc dans le passé, je ne marche plus.

T’es mort ET je ne joue plus !

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